<h1>Noelfic</h1>

Kaileena, l'Impératrice des Papillons


Par : SyndroMantic

Genre : Fantastique , Horreur

Status : Terminée

Note :


Chapitre 31

Provocante (première suite)

Publié le 28/10/10 à 16:21:43 par SyndroMantic

Le vieillard rentra des champs chargé de grands sacs remplis à ras bord. J'accourus pour le soulager, bien que mes jambes aient été un peu molles, en cette fin de matinée. Ses yeux étaient plissés par l'effort. Prêts à lâcher. Je portai un des sacs et l'accompagnai dans le garde manger. Le temps du trajet, le vieillard dut voir des étoiles, car il ne remarqua ce détail qu'une fois sortis de l'entrepôt :

« Mais... Kaily !...
- Quoi ? fis-je en me retournant, quelque peu gênée.
Sa grimace était figée, entre indignation et frustration.
- C'est... Qu'est-ce que tu es en train de porter, là ?
Je marquai une pause, avant de répondre :
- Tu veux parler de mes vêtements ?...
Le vieil homme fit les gros yeux.
- Ben... Évidemment !
- C'est la jupe que j'avais, sur le bateau. Tu t'en souviens ?
- Pour sûr, que je m'en souviens ! Où est-ce que tu as trouvé ça ?!

Je laissais toujours un intervalle de silence, à chacune de ses questions.
- Sous... sous ton lit... ça t'embête ? m'excusais-je.
- Et bien c'est que... c'est que... enfin ! Ces oripeaux ne te vont plus du tout ! Tu as grandie, Kaily ! Ils ne sont plus à ta taille !
Je ne m'attendais pas du tout à cette remarque.
- Ah bon... soupirai-je. Moi je... je trouvais qu'ils m'allaient bien...
- Voyons... ! Ils sont tout déchirés... ! Je m'en servais comme torchon !
- Je les ai lavés...
- Mais là n'est pas la question ! Je te rappelle que ce n'était pas une jupe, à l'origine. C'était une robe, et elle te recouvrait tout le corps, des chevilles jusqu'aux épaules.
- Et bien il faut recycler les objets, fis-je en feintant un sourire. On a qu'a dire que c'est une jupe, maintenant...
- Et qu'est-ce qui te fait dire qu'une jupe te sied bien ?

Il n'y avait aucune mauvaise intention, dans ces paroles. Mais le fond restait le même. Il critiquait ma façon de m'habiller, d'un point de vue strictement esthétique et non pas dans l'idée simple. Selon lui, je n'avais pas le physique de tels attributs. Contrairement à mon rêve... Pourtant, je m'étais crue si belle, dans cette chambre circulaire, vêtue comme une princesse. Je l'avais lu dans Ses yeux, que cet habit lui plaisait. La couleur rouge était si ravissante... De cette ensemble sertie de bijoux et d'or à cette jupe et ce débardeur improvisés, je pensais trouver une grâce similaire... L'inverse me retourna le coeur. J'avais trop d'espérance dans cette accoutrement pour me résoudre à cette déception, me cramponnant à mon avis :

- C'est parce que j'ai quinze ans et que toi t'en as soixante sept que tu es dégoutté de voir que je puisse encore porter des vêtements attrayants ! C'est juste de la mauvaise foi !
Je sentais presque des crocs me pousser.

- Kaily ! D'abord, tu ne me parles pas sur ce ton ! Ensuite, tu n'es pas attrayante, dans cette ensemble : tu es vulgaire ! Tu appelles ça une jupe ? Moi j'appelle ça une minijupe. On voit même ton nombril, sous ton débardeur... !
- Et alors ! Ça te dérange ?! répliquai-je, sans comprendre.
- Oui ! Parfaitement ! Ça me dérange ! J'ai pas envie de fi... .~° finir ma vie... °~. vivre avec une péripatéticienne !

Un silence suivit ce mot. Zohak comprit immédiatement que je ne le connaissais pas. Tout comme le terme employé par Jehak, la nuit dernière. A la vérité, mon protecteur ne m'avait rien enseigné des affaires sexuelles. Je ne savais même pas que la fente d'où dégoulinent mes urines y tenait une fonction majeure. Le grand homme avait été pour le moins discret, sur ce sujet. Le concernant, il ne me donnerait aucune information. Mais j'étais en droit de l'interroger sur le terme qu'il m'avait apposé.
- Une "péripatétiquoi" ? demandai-je.

Le vieil homme soupira, le regard hasardeux.
- Une péripatéticienne, une prostitué, une putain... Ce sont des femmes qui vendent leur corps pour de l'argent.
- Leur corps ?! Qu'est-ce que tu racontes ?

Zohak se tut quelques secondes. Le moment était venu pour lui d'avoir une conversation avec moi comme il en avait souvent regretté. Il avait essayer de tenir bon, de se garder loin de ce type d'implication dans mon éducation sexuelle. Mais ce jour-là, il ne pouvait y couper. Il réfléchit encore quelques instants, travaillant sa façon d'aborder la chose. Puis il se lança alors :
- Tu ne t'es jamais demandée pourquoi ton père détestait tant les femmes ?
- Parce qu'elles ne lui donnaient pas d'héritier ?...
- A cause de ces mêmes accoutrements que tu as aujourd'hui.
Je lui lançai un regard abasourdi.

- Tu te moques de moi, là !
- Non... non, il n'y a vraiment pas de quoi rire, dit-il d'un ton monocorde.
Il soupira encore une fois. Après tout, c'était sa faute. Il avait toujours essayé de m'épargner cela, protéger mon innocence, aveugler mes yeux de la morne réalité.
- Kaily, mon enfant... Tu es si jeune... Tu n'imagines pas combien le monde peut être horrible ! A quel point... l'âme des humains peut être noire... !
- ... au point de tuer ma mère et de nous abandonner sur une île déserte ?
- Ça ne se résume pas comme ça, me répondit-il en secouant la tête. Si tu connaissais la raison pour laquelle nous... les hommes, agissons ainsi... Ton aversion pour ces crimes serait bien pire.
- Explique moi.
Le prêtre prit une grande inspiration, vérifiant si ses connaissances exactes. Il prit cet air de vieux sage narrant les arcanes de son passé. Puis il me révéla enfin :

- Tout est à la base une erreur de cupidité. Zervan, fort de son immortalité, soumit jadis toute la Perse à sa tyrannie, s'attirant de ce fait la menace d'une révolte mortelle. De sa soif de pouvoir, Zervan mit tout celui qu'il avait accumulé en balance. Dans cette insécurité, il ne put accepter de voir ses jours comptés, et employa son quotidien à la recherche d'une nouvelle vie, quitte à ce qu'elle naisse dans un autre corps.
- ... Dans un fils.
- Tu as tout compris. C'est pourquoi Zervan a consacré tant de Temps à sa descendance. Tout durant, nous lui sommes restés fidèles, nous, les zervanistes, et l'avons assisté dans cette entreprise. Les autres humains ont tout bonnement été écrasés par le Dieu Lion. Hormis quelques clans tapis dans le désert, l'humanité extérieure ne n'a pas longtemps survécu. Depuis, le royaume entier est tourné vers le Damãvand.
J'hésitais à dire s'il y avait de l'éloge ou du blâme, dans la considération qu'il avait de sa propre caste. La suite me décida.

- Comme tu peux l'imaginer, Zervan n'était pas un modèle de choix, pour une vie faite de vertu. Mais nous avons vécu tant de siècles à ses cotés... qu'il a fini par nous transmettre à nous-mêmes cette peur de la mort. C'est à cela que les zervanistes doivent leur suprématie. Sans ce complexe de survie, nous nous serions éteints depuis belle lurette !
- Je me dis parfois qu'il aurait mieux valu...
- Ah bon ? Tu as songé que dans ce cas, tu n'aurais jamais existé ?
- Non... Non, je n'y ai pas pensé...
- Il n'est pas difficile de comprendre qu'en aidant Zervan à féconder des femelles, nous profitions nous aussi de cette possibilité au passage... Les propres fils, que nous engendrions pour la prospérité de la Perse, diffusaient à leur tour dans le pays cette préoccupation d'une descendance et, avec elle, la doctrine du temps. Si bien qu'après plusieurs générations, le besoin de procréer se faisait courant.

- Je vois... Mais quel rapport avec ma jupe, franchement ?
- Le rapport, il est dans ta métamorphose.
- Ma métamorphose ?!

- Tu as forcément du le remarquer, ton corps change beaucoup, ces temps-ci. Il y a eu la période où tu avais ces boutons, puis ces saignements,... et maintenant celle qui voit ton organisme évoluer. A travers ton visage... A travers ta voix... A travers ta pilosité... et notamment à travers tes formes.
- Mes formes ?
Ce lexique était absolument nouveau, pour moi.
- Ta silhouette, si tu préfères. Ce qui saute au yeux, c'est-à-dire tes hanches et ton buste. Et bien il s'avère que chez les femmes, ces deux parties se précisent plus que les autres.

Je fronçai les sourcils, examinant les organes qu'il mentionnait. Il marqua un temps, surpris de ma surprise.
- Tu l'avais bien remarqué, que ta p... poitrine était plus développée, non ?
- Moui...
- C'est hormonal. Ton métabolisme se modifie.
- Mais à quoi ça sert ?
- A favoriser la procréation avec un individu mâle, justement.
Un Prince ?!

- Tu... tu veux dire... un garçon ?
- Oui, un "garçon"... tu fais bien de le dire comme ça. J'oubliais : ne va pas te ficher avec un quadragénaire adulte... ! Il te faut un compagnon de ton âge, naturellement. C'est la plus saine des possibilités.
- Mais je ne vois toujours pas où est le lien entre mes formes et la procréation ?
- Et bien... il est dans tes seins, le lait du bébé que tu porteras... Et aussi dans ton postérieur, p... propice à l'accouchement. Deux choses qu'un mâle sait parfaitement repérer chez une future compagne, crois moi.

Toutes ces révélations me donnaient des vertiges.
- Mais, Zohak... on est forcé, de procréer ?
- Seulement par consentement mutuel. Autrement il s'agit... d'un... d'un viol, acheva brutalement Zohak, comme saisi d'une frénésie colérique. Lorsque tu connaîtras l'expérience de l'Amour, tu verras le bonheur miraculeux que c'est. Mais des salauds sans scrupules le transforment par le viol... en... en un crime odieux... ! Et innommable !

Il me faisait légèrement peur. Il semblait au bord d'attaquer le moindre bestiaux. J'étais sûrement trop inexpérimentée pour me faire une idée de la monstruosité d'un tel incident. Mais j'avais une certaine appréhension des perspectives que permettait la sexualité. J'essayai de le faire me rassurer :
- D'accord... Mais ça n?arrive que très rarement, non ? Et tu me protégeras de ces individus-là, n'est-ce pas ?

- Oui. Oui, je te protégerai, déclara-t-il avec une profondeur subite. Mais je ne serai pas là éternellement pour le faire... Il faut que tu t'y fasses, Kaily. Un jour viendra où je disparaîtrai. C'est pour ça que je tiens absolument à ce que tu comprennes ce que tu possèdes là.
- Eh bien vas-y ! J'attends, moi...

Le regard de Zohak s'obscurcit d'indignation. Il est vrai que c'était moi qui l'avait d'abord coupé. Il me dévisagea des yeux et continua son récit :
- Comme beaucoup du reste, les hommes ont fait de la procréation une affaire d'égo. Il en faut, pour des êtres obsédés de transmettre leurs gènes à un futur qui ne les concerne pas. Cet acte est plus devenu un moyen de prouver leur valeur qu'un sincère aveu d'Amour. Vous, les femmes, n'êtes que des objets de conquêtes, des territoires à envahir, des trophées... Certains de mes camarades les collectionnaient. Mais Celui, que nous servions, n'en avait gagné aucun.

- Zervan ?! Et son harem, alors... ?
- Il ne devait ses partenaires qu'à sa puissance et la menace. Mais jamais il n'a su en séduire aucune. C'était une brute, tu t'en doutes bien... Il n'y avait pas le moindre amour, dans ce qu'il leur offrait, au lit. C'est pour cette raison qu'il n'a jamais eu d'enfant. Sans amour, aucune procréation n'est possible. Notre Dieu est si lâche qu'il ne peut admettre que ce soit cette incapacité qui le prive d'héritier. S'il les déteste, c'est à cause du reflet qu'elles lui renvoient...
Ce raisonnement tenait la route. La réalité d'un rapport amour et sexe me convenait. J'aurais pu m'en tenir là, pour peu que ses dires ne comportent une erreur : Zervan avait obtenu une progéniture, finalement. Le prêtre l'avait devant lui. Même si ma naissance était jusque là restée secrète, je n'en demeurais pas moins le fruit d'une union véridique. Et je sentais que cette déduction installait une incohérence, dans ce raisonnement. Ce dernier aurait impliqué que :
- Tu veux dire, alors... que ma mère aimait Zervan ?
Zohak resta longtemps silencieux. Tous ces souvenirs étaient lointains, pour lui. A la réflexion, il partageait la même logique que moi.
- Sûrement...

Il ne le pensait pas un instant. Il m'avait appris plus avant l'immoralité de certaines personnes, à l'égard du sexe. Mais il devait me penser trop jeune. Je devais avoir une bonne image de ma génitrice. Au moins elle...

- Les femmes sont des êtres merveilleux. Dommage que nous ne le voyons si rarement. Trop occupés à nous disputer comme des enfants... Lorsqu'une femme exhibe ces deux parties du corps comme tu le fais, elle provoque chez les mâles le soulèvement de tous ces instincts orgueilleux que je viens de citer. L'on devrait mieux oeuvrer pour contrôler ces pulsions, mais l'homme est trop têtu. Il faudrait un miracle, pour le raisonner. Alors le plus simple est d'éviter que de telles occasions surviennent, par la pudeur.
- Mais pourquoi, finalement ? Moi ça ne me dérangerait pas qu'un homme soit jaloux de me posséder...

- Tu es jeune, Kaily... déclara-t-il tendrement. Peut-être que le vivre est plus persuasif. Je vais tout de même de parler d'une expérience personnelle, pour que tu saches jusqu'où ces choses peuvent dégénérer. »

J'écoutais avec toute mon attention...

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