Staffan frissona. Il souffla dans ses mains, et un nuage de vapeur s'échappa de sa bouche, diffusant une sensation humide et tiède dans ses paumes. Plus que quelques minutes, et il serait au chaud au commissariat. Il commencerait par prendre un café à la machine, puis irait s'installer dans son bureau pour le siroter tranquillement, afin de finir de se réveiller. il regarderait ensuite la pile de dossiers sur son bureau. Enfin, il aurait fait ça en temps normal. Mais aujourd'hui, un seul dossier l'intéressait.

Un homme, tué à la piscine municipale de Blackeberg, dans des circonstances pour le moins atypiques. Evidemment, Blackeberg avait un commissariat, mais les affaires de meurtres étaient généralement confiées à la brigade criminelle de Stockholm, dont Staffan faisait partie depuis maintenant 7 ans. Il habitait à Ängby, mais le metro lui permettait de faire le trajet en seulement quelques minutes. Le commissariat central avait été mis sur le coup après que le chef des légistes de Blackeberg eut lu le rapport d'autopsie de ses subordonnés. Staffan lui avait parlé. Selon le médecin, "Le corps est dans le même état qu'un animal digéré par un cobra. Non... Comment on appelle les serpents qui engloutissent leurs proies entières?... Des boas... Ouais c'est ça.". De plus, le canal auditif de la victime était brisé, comme si l'on avait tenté d'y insérer un objet de force.

Staffan ne pouvait s'empêcher de penser à un meurtre sur lequel il avait enquêté, quelques années auparavant. un médecin légiste de l'hôpital de Blackeberg, qui avait été retrouvé dans un état similaire. Son meurtrier s'était enfui et avait cavalé pendant 2 jours dans la forêt, avant que Staffan ne le retrouve lui-même dans le sous-sol de la résidence qu'habitait Yvonne à l'époque. Malheureusement, Tommy, le fils d'Yvonne, l'avait retrouvé avant lui, et il n'avait plus été le même à partir de cet instant. Yvonne avait été dévastée de voir son fils dans cet état.

Cet évènement avait précipité la décision d'Yvonne et lui-même de déménager vers Ängby, afin qu'Yvonne puisse s'occuper de son fils, ce qui avait malheureusement mis de côté leurs projets de mariage. Tommy semblait reprendre progressivement le dessus, mais le choc qu'il avait subi dans ce sous-sol dépassait tout ce qu'Yvonne aurait pu se représenter. Lorsque Staffan se levait la nuit, pour aller à la salle de bain, il croisait parfois Tommy, assis sur le sofa du salon, le regard vide, fredonnant une chanson.
"Un éléphant qui se balançait sur une toile d'araignée, ohé..."
Et il frappait dans ses mains après chaque phrase. Dans ces moment, Staffan revoyait la scène. Tommy, chantant, et abattant à intervalles réguliers le socle de son trophée de tir, sur le tas de chair informe posé sur le sol près de lui, qui entre chaque coup semblait s'agiter faiblement, comme pour se relever.

Staffan continua de ressasser ces souvenirs durant le trajet jusqu'au bureau.