Le soldat est là, agenouillé dans la terre poussiéreuse du champ de bataille. Il est blessé. D'une balle qui est passée toute proche de son coeur. La blessure lui fait mal, terriblement mal et la douleur ne veut pas cesser de continuer. Il demande éperdument de l'aide aux alentours. Il essaye de se relever, mais finit toujours par retomber sur ces genoux écorchés. Il voit sa vie défiler devant ces yeux. Tous ces moments de bonheur contrastés par l'horrible vision de la guerre actuelle. Il sait qu'il va mourir..

Le temps s'arrête autour de lui. Le soldat devient sourd. Il n'entend plus ces fusillades et ces projectiles que les deux camps se tirent l'un envers l'autre depuis plusieurs jours. Il entend que son coeur et son souffle. Il respire irrégulièrement, alors que son coeur frappe sa poitrine aussi rapidement que la balle a traversé le corps et aussi violemment que la douleur provoquée par celle-ci, encore et encore..

Tête baissée, il fixe la terre s'éparpillant à chacune de ses expirations. «Nan... nan, pense-t'il, je ne dois pas mourir... je suis encore trop jeune... je ne mérite pas de mourir...». Il lève la tête. Ses alliés, ses compagnons, ses amis sont tous morts, allongés sur le sol comme de vulgaires pantins inanimés. Une forme blanchâtre apparaît à ses yeux. Elle semble s'approcher de lui tandis qu'il essaye de deviner qui se cache dans ce spectre trouble et lumineux. Il peut enfin apercevoir un visage, c'est une femme. Elle est vêtue d'une robe blanche splendide.

Le soldat retient sa respiration ; c'est Elle, la personne à qui il en est devenu fou, à qui il tient plus que tout au monde, à qui il en a obtenu son amour, avec qui il en a des souvenirs merveilleux. Cette personne est unique à ses yeux. Elle est son coeur, son bébé, sa drogue, sa seule raison de vivre, elle est sa femme. Il l'aime et lui a promis une vie comblée. La vision de sa bien-aimée semble atténuer la douleur continue de la blessure. Il contemple son visage, puis fixe ses beaux yeux azurs. Il se mit alors à espérer à la vie, à croire au miracle, jusqu'à en oublier la signification du mot "mort". Il sourit. Elle semble lui rendre le sourire.

Malgré qu'il soit à bout de forces, il tente de s'approcher d'elle, du mieux qu'il peut, pour enfin pouvoir être libéré de ce mauvais cauchemar, pour que la guerre et la haine se transforme en paix... et en amour. C'est alors qu'un geste du bras le stop dans ses efforts. Elle retire la bague qu'elle a au doigt, puis la laisse tomber sur le sol, sans que le soldat fasse quoique ce soit pour lui en empêcher. Elle sort ensuite une arme de je-ne-sais-où, la prend fermement dans sa main. D'une voix basse et d'un air désolé, elle lui dit :«J'espère que tu m'en voudras pas...».

Elle pointe l'arme vers le soldat et tire la seule balle qu'il y a dans le chargeur. Le coup fatal.


Tu m'as aimé, tu m'as tué.