Perdu, je suis perdu, enfin, je veux dire que j'ai réussi à me perdre dans un putain de tunnel qui semble interminable. Bordel de merde, hallucine, et évidemment, pas de réseau et encore moins l'ombre d'une personne. D'un côté, tant mieux, à part des camés et des malades mentaux, je ne vois pas qui pourrait foutre les pieds ici. La vision y est faible, on n'y voit foutrement rien, du moins, pas grand chose, c'est à peine si je vois à une vingtaine de mètres. Ca ne fait que quelques minutes que je marche, et il n'y a absolument rien à part des épaves de voiture, des boites de conserve vides, et d'autres ordures sans intérêt dans le genre. En plus, c'est crade, ça pue, et ça doit grouiller de rats. Quel endroit de merde. Et évidemment, comme si ça ne suffisait pas, je me coltine un abruti pour le voyage.

"Hey, dis, pourquoi on est toujours pas sortis du tunnel, dis ? "

"Genre j'en ai la moindre idée, ducon. "

"Et Marion, t'as dis qu'on la retrouverait, pas vrai ? Hein ? "

"J'ai dit ça avant qu'elle foute le camp de chez nous avec ma bagnole et qu'elle décide en plus de foutre le feu à la baraque. Et je vais te dire, qu'elle pète les plombs si elle veut, ça sera pas la première vu notre situation à tous, mais merde qu'elle mette pas ma vie en danger en plus ! "

"Ouais... Toute façon, on va dans le nimp' là... "

"Parce que dehors c'est mieux, peut être ? "

"Pas forcément. J'dis juste que ce tunnel commence à me souler. "

"Genre ça m'fait plaisir de me trainer dans cet endroit puant à tes côtés..."

"Roh, ferme-la un peu, okay, j'y peux rien moi si t'as fait le con. "

"Fait le con ?! Tu te tapes MA copine Marion en cachette et tu croyais que j'allais pas réagir ?! Putain, situation de crise ou pas, je te le dis, tu peux retourner te les gratter si tu crois que j'en ai fini avec toi, connard. Je roule ma bosse avec toi parce que j'ai besoin de toi, et surtout parce qu'on s'est tous les deux embarqués dans cette galère. "

"Ouais, merci, je le sais, mais faut pas t'étonner que ça en plus de la situation dans laquelle on est, elle a pété les plombs. Tu m'étonnes qu'elle ait foutu le feu vu comment tu nous a fait flippé. "

" J'suis impulsif et c'est pas nouveau. En attendant, j'en ai marre d'entendre nos voix résonner dans ce putain de tunnel, donc on va tous les deux la fermer tant qu'on ait pas à nouveau vu la lumière au bout de ce foutu tunnel. "

C'est pas une forte tête, Gray, et de nous deux c'est moi le casse-couille d'ailleurs, mais bon, faut dire qu'il a tout fait pour m'énerver, ce con.

"Regarde ! "

"Bon sang on peut pas faire un foutu silence total de genre deux minutes avec toi..."

"Non mais regarde ! Regarde l'épave de la clio ! "

"Oui, je la vois, merci."

Il désigne une voiture accidentée et retournée, dépourvue de portes et salement abîmée.

"Bah regarde ! Y'a plein de sang ! "

"Oui, merci de me l'apprendre, c'est une voiture accidentée, Gray, et c'est un peu la même merde avec le sang sec collé au bitume qui va avec là-dehors... "

"Non... Le sang est frais. "

Bon, c'est pas ma Clio, c'est déjà ça, Marion va donc prétendument bien...

"On a croisé personne pour l'instant. Si le conducteur a eu un accident, suffit de suivre la trainée de sang, il a pas pu aller bien loin. "

Le silence pesant ne rassurait pas, d'autant plus que l'obscurité qui régnait nous empêchait de voir ce qui nous attendait par après, vulnérables au moindre danger. Mais bon, faut avouer qu'on s'emmerdait pas mal depuis l'arrivée dans ce tunnel, donc si une personne de plus pouvait se joindre à notre petite ballade, ça serait pas de refus.

"C'est quand même bizarre... "

S'exclame Gray avec intérêt. la bizarrerie, c'est qu'on suivait les trainées de sang sur presque trente mètres, et qu'elles s'arrêtaient d'un seul coup en plein milieu du chemin.

"Bah merde... Il s'est quand même pas téléporté ce con ! "

Je ne peux pas m'empêcher d'être encore plus sur les nerfs.

"Tiens... C'est tellement humide ici que de l'eau tombe du plafond ! "

Dit Gray sur le ton de la plaisanterie. Je me tourne vers lui, et ce que je vois ne me donne contrairement à lui pas envie de rire. Je lève la tête, et je ris encore moins. Au contraire, mon visage se crispe.

"C'est pas de l'eau, sur ton front, abruti. C'est du sang. "

Empalé à des tuyaux de canalisations, un cadavre, probablement l'ancien hôte de cette regrettée clio.

"Génial... On dirait qu'on est pas les seuls dans ce putain de tunnel... "

On est pas prêt de la voir, la lumière. Au bout du tunnel.