Histoire au clair de lune
Par : Cérate
Genre : Fantastique
Status : Terminée
Note :
Chapitre 1
Première nuit
Publié le 14/05/10 à 18:21:33 par Cérate
J'ai la sensation qu'un mauvais diable est perdu dans le brouillard de mon esprit. Aveugle, il erre à tâtons, s'arrêtant un instant pour sonder la trame de mon âme d'un coup de griffe, puis se remet en marche, laborieusement. Chaque pas augmente un peu plus sa frustration et sa colère, jusqu'à ce que, n'en pouvant plus, il interrompe à nouveau sa procession silencieuse. Alors il frappe, au hasard, découpant la brume épaisse de mes pensées à la recherche d'une issue, et chacun de ses mouvements est un coup de poignard sous mon crâne. Je souffre, horriblement.
Une pensée plus légère finit pourtant par s'échapper du labyrinthe de mon cerveau. Une volute ténue, qui prend de l'ampleur, se condense, s'élève. Le démon la regarde émerger, impuissant. De rage, il lacère mes tempes, mais c'est trop tard. Elle s'impose à mon esprit, lancinante :
Qui suis-je ? Où suis-je ?
J'ai ouvert les yeux.
Je suis allongé au pied d'un grand chêne, sur un tapis de mousse humide. C'est la nuit. Une énorme lune éclaire la scène, et les branches noueuses de l'arbre se découpent sous la lumière de l'astre. Je tente de suivre leur ombre du coin de l'œil. Le diable qui m'habite n'apprécie pas, comme si la lumière pâle l'agressait. D'un geste, il lacère le faible tissu de mes pensées, m'arrachant un gémissement de douleur. Alors je laisse mon regard se perdre dans le ciel étoilé, et m'abîme dans la profondeur de l'univers. Puis je me repose la même question : qui suis-je ?
Il règne une atmosphère étrange. C'est l'hiver, j'ai froid, et pourtant mon haleine demeure curieusement invisible dans l'air nocturne. Il n'y a pas un bruit, seul le souffle pesant de ma poitrine qui se soulève parvient à mes oreilles. Je me sens faible, si faible ! Mais je ne peux pas rester allongé indéfiniment, dans cet endroit dont je ne connais rien : je tente de faire quelques pas. Mes jambes semblent fragiles, mais elles me portent.
L'arbre est gros, énorme même. De l'autre côté, à quelques pas du chêne, il y a une tombe. Toute simple, plutôt récente, sans nom, juste un petit monticule de terre, surmonté d'une grosse pierre plate. J'envie celui qui est couché là. Il est libre, il ne ressent rien.
Désorientation.
Je ne sais même plus mon nom. L'herbe rase et les pierres humides me sont aussi étrangères que ma propre personne. Leurs ombres sous le clair de lune me poursuivent. Elles tentent de me faire trébucher.
J'ai des vertiges. Je reviens péniblement vers le chêne, m'assois à l'opposé de la sépulture, le dos contre le tronc. Je ferme les yeux.
Je suis réveillé par un tapotement sur l'épaule.
J'ai l'esprit si brumeux que je préfère l'ignorer. Peut être que tout n'est qu'un rêve ? Mais on me secoue, plus brutalement.
Pour la deuxième fois, j'ouvre les yeux.
Il y a deux soldats en armure en face de moi. Ils sont imposants, malgré leur air inquiet. Les lèvres de l'un d'eux remuent, comme si il parlait. Je n'arrive pas à comprendre.
Il y a cependant un mot qui revient souvent, et qui éveille un écho dans ma mémoire : Altesse. Ils ne cessent de le répéter, comme si c'était mon titre. L'un d'eux me prend par l'épaule, tente de me lever. J'essaie de marcher. L'autre vient à sa rescousse. Ils me traînent sur une dizaine de pas. Chaque fois que mes pieds heurtent une pierre, la créature lacère mon esprit. Je gémis, et puis tout devient noir.
Je me réveille dans une tente, allongé sur un matelas de velours. Il fait très sombre, malgré une chandelle qui brûle sur une table. Les deux hommes sont là, debouts près du lit, le casque sous le bras. Voyant que j'ai ouvert les yeux, le plus grand toussote. Il me parle, et cette fois-ci, je crois comprendre. Il me demande si je me sens en état de me lever. Il dit que j'ai été blessé, gravement, que la contre-attaque – quelle contre attaque ? - va avoir lieu sous peu, comme je l'ai ordonné. Il faut vous lever, altesse !
...il faut que je me lève. Les mots se succèdent trop vite. Mon crâne hurle, mais mes jambes semblent solides. Je me mets debout.
J'ai dû avoir un moment d'absence, car je suis maintenant juché sur un étalon au galop. C'est un cheval de roi. Il est immense, bien plus sombre que la nuit, et la sensation de ses muscles puissants sous mes jambes me remplit d'extase. Derrière moi, le bruit sourd d'un millier de destriers en pleine course, chevauchés par autant de guerriers, l'épée tirée. J'ai oublié toute douleur, je me sens bien. Le démon à l'intérieur de mon crâne, lui, s'est endormi.
L'armée ennemie était clairement désorganisée. Leurs guetteurs assoupis, les feux mourants : ils ne s'attendaient pas à une attaque. J'ai vu la peur dans leurs yeux lorsque nous avons fondu sur eux, leur effroi. C'était un petit groupe, sans doute une arrière-garde. Certains n'étaient même pas armés. Ils sont sortis de leurs tentes, l'air hébétés. Cherchant leurs chefs du regard... Ils ont trouvé la mort. Il n'y eut pas un survivant.
Retour au camp. Mes hommes semblent exténués, pourtant l'assaut n'a pas été si long. Ils rejoignent en silence leurs baraquements sur la plaine. Les deux généraux prennent congé. Je suis seul. Alors, assis dans ma tente, j'interroge désespérément ma mémoire, à la recherche d'un souvenir. Il n'y a rien, rien qu'un vaste trou, et au centre, le monstre qui lève la tête. Il me sourit ironiquement.
Je me sens si fatigué, à nouveau. La tente est trop sombre, pourtant la nuit est tellement belle ! Je prends une couverture, sors.
La lueur calme de la lune m'apaise. Je pars m'allonger sous le grand chêne.
Une pensée plus légère finit pourtant par s'échapper du labyrinthe de mon cerveau. Une volute ténue, qui prend de l'ampleur, se condense, s'élève. Le démon la regarde émerger, impuissant. De rage, il lacère mes tempes, mais c'est trop tard. Elle s'impose à mon esprit, lancinante :
Qui suis-je ? Où suis-je ?
J'ai ouvert les yeux.
Je suis allongé au pied d'un grand chêne, sur un tapis de mousse humide. C'est la nuit. Une énorme lune éclaire la scène, et les branches noueuses de l'arbre se découpent sous la lumière de l'astre. Je tente de suivre leur ombre du coin de l'œil. Le diable qui m'habite n'apprécie pas, comme si la lumière pâle l'agressait. D'un geste, il lacère le faible tissu de mes pensées, m'arrachant un gémissement de douleur. Alors je laisse mon regard se perdre dans le ciel étoilé, et m'abîme dans la profondeur de l'univers. Puis je me repose la même question : qui suis-je ?
Il règne une atmosphère étrange. C'est l'hiver, j'ai froid, et pourtant mon haleine demeure curieusement invisible dans l'air nocturne. Il n'y a pas un bruit, seul le souffle pesant de ma poitrine qui se soulève parvient à mes oreilles. Je me sens faible, si faible ! Mais je ne peux pas rester allongé indéfiniment, dans cet endroit dont je ne connais rien : je tente de faire quelques pas. Mes jambes semblent fragiles, mais elles me portent.
L'arbre est gros, énorme même. De l'autre côté, à quelques pas du chêne, il y a une tombe. Toute simple, plutôt récente, sans nom, juste un petit monticule de terre, surmonté d'une grosse pierre plate. J'envie celui qui est couché là. Il est libre, il ne ressent rien.
Désorientation.
Je ne sais même plus mon nom. L'herbe rase et les pierres humides me sont aussi étrangères que ma propre personne. Leurs ombres sous le clair de lune me poursuivent. Elles tentent de me faire trébucher.
J'ai des vertiges. Je reviens péniblement vers le chêne, m'assois à l'opposé de la sépulture, le dos contre le tronc. Je ferme les yeux.
Je suis réveillé par un tapotement sur l'épaule.
J'ai l'esprit si brumeux que je préfère l'ignorer. Peut être que tout n'est qu'un rêve ? Mais on me secoue, plus brutalement.
Pour la deuxième fois, j'ouvre les yeux.
Il y a deux soldats en armure en face de moi. Ils sont imposants, malgré leur air inquiet. Les lèvres de l'un d'eux remuent, comme si il parlait. Je n'arrive pas à comprendre.
Il y a cependant un mot qui revient souvent, et qui éveille un écho dans ma mémoire : Altesse. Ils ne cessent de le répéter, comme si c'était mon titre. L'un d'eux me prend par l'épaule, tente de me lever. J'essaie de marcher. L'autre vient à sa rescousse. Ils me traînent sur une dizaine de pas. Chaque fois que mes pieds heurtent une pierre, la créature lacère mon esprit. Je gémis, et puis tout devient noir.
Je me réveille dans une tente, allongé sur un matelas de velours. Il fait très sombre, malgré une chandelle qui brûle sur une table. Les deux hommes sont là, debouts près du lit, le casque sous le bras. Voyant que j'ai ouvert les yeux, le plus grand toussote. Il me parle, et cette fois-ci, je crois comprendre. Il me demande si je me sens en état de me lever. Il dit que j'ai été blessé, gravement, que la contre-attaque – quelle contre attaque ? - va avoir lieu sous peu, comme je l'ai ordonné. Il faut vous lever, altesse !
...il faut que je me lève. Les mots se succèdent trop vite. Mon crâne hurle, mais mes jambes semblent solides. Je me mets debout.
J'ai dû avoir un moment d'absence, car je suis maintenant juché sur un étalon au galop. C'est un cheval de roi. Il est immense, bien plus sombre que la nuit, et la sensation de ses muscles puissants sous mes jambes me remplit d'extase. Derrière moi, le bruit sourd d'un millier de destriers en pleine course, chevauchés par autant de guerriers, l'épée tirée. J'ai oublié toute douleur, je me sens bien. Le démon à l'intérieur de mon crâne, lui, s'est endormi.
L'armée ennemie était clairement désorganisée. Leurs guetteurs assoupis, les feux mourants : ils ne s'attendaient pas à une attaque. J'ai vu la peur dans leurs yeux lorsque nous avons fondu sur eux, leur effroi. C'était un petit groupe, sans doute une arrière-garde. Certains n'étaient même pas armés. Ils sont sortis de leurs tentes, l'air hébétés. Cherchant leurs chefs du regard... Ils ont trouvé la mort. Il n'y eut pas un survivant.
Retour au camp. Mes hommes semblent exténués, pourtant l'assaut n'a pas été si long. Ils rejoignent en silence leurs baraquements sur la plaine. Les deux généraux prennent congé. Je suis seul. Alors, assis dans ma tente, j'interroge désespérément ma mémoire, à la recherche d'un souvenir. Il n'y a rien, rien qu'un vaste trou, et au centre, le monstre qui lève la tête. Il me sourit ironiquement.
Je me sens si fatigué, à nouveau. La tente est trop sombre, pourtant la nuit est tellement belle ! Je prends une couverture, sors.
La lueur calme de la lune m'apaise. Je pars m'allonger sous le grand chêne.
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