"Tu arrives trop tard. Trop tard pour tout. "

C'était loin d'être la première fois de la journée que Graig recevait cet sms, et il poussait toujours le même souffle de rage à sa lecture. Il se trouvait actuellement dans une rame de métro, il avait réussi à fuir et devait maintenant rattraper Justine. Le métro était vide, du moins, sa rame. Seulement quelques hommes d'affaire rentrant du travail un peu tard. Et il venait tout juste d'être vingt-deux heures, mais pour Graig, grand brun aux cheveux tressés en arrière, il était déjà bien tard. Et non pas parce que la nuit recouvrait déjà la moitié de la terre, mais bel et bien parce qu'il avait passé trop d'heures éloigné de Justine. Il savait, ou du moins, il croyait détenir la vérité. Il était persuadé de la dangerosité de la mallette, et il savait aussi que Justine allait la récupérer. Une mallette expédiée au lieu de travail de son amie. Graig se demandait comment elle avait pu se laisser bernée si facilement. En une journée, sa vie venait de passer de banale à désespérée. Il n'avait pas l'impression d'être un martyr, encore moins une victime et surtout pas un héros, il était juste là. Au mauvais endroit, au mauvais moment. Ou plutôt fréquentant la mauvaise personne. Graig savait que sans Justine rien de tout cela ne serait arrivé, et pourtant, le voilà plongé malgré lui dans une course contre la montre. Il était tellement focalisé sur sa tâche qu'il en oubliait les valeurs mêmes de la vie. Couvert de terre, les gens le dévisageait. Le regard méprisant d'un homme en smoking ne le laissait pas indifférent. Il passait pour ces gens dont personne ne se soucis. Les mendiants, les vagabonds. Les autres, les reclus, les "intouchables". Il l'était, en quelques sortes, puisqu'il portait le fardeau de sauver des vies, il vivait en dehors de la sphère dans laquelle tout le monde se trouvait, d'une certaine façon.

" Tu veux ma photo connard ? T'as jamais vu quelqu'un tâché ou quoi ? "

Le regard insistant de l'homme costumé venait d'attirer les foudres de Graig, déjà sur les nerfs après la journée qu'il venait de vivre.

" Si. Mais je n'avais jamais vu un fugitif de si près. "

L'homme eu à peine le temps de finir sa phrase que Graig bondit du siège de métal sur lequel il était jusqu'alors installé puis se précipita vers la sortie de rame. Il quitta rapidement la station de métro, ignorant les témoins oculaires qui pourraient avertir les autorités. Se camouflant dans la foule une fois dans la rue, il tenta à nouveau d'appeler aux bureaux de Mezoplex, la société où travaille Justine, mais il tomba une fois de plus sur le répondeur de son bureau.

"Justine, écoute, c'est encore moi. Ils me recherchent, d'accord ? Un avis de recherche est diffusé dans tout le pays ! C'est bien la preuve qu'ils te manipulent ! Je t'en prie, surtout, ne touche pas à la mallette et attends-moi, on va régler ça tous les deux ! "

De lignes de bus en lignes de bus, Graig put enfin déboucher sur l'entrée de la société. Il ne manquait que quelques minutes avant qu'une nouvelle heure soit achevée. Le building abritant cette société était magnifiquement conçu, gigantesque, surplombant la ville et entièrement en verre. Il était donc sophistiqué, et l'entrée nécessitait une carte magnétique.

"Bordel ! C'est pas vrai... "

Le fugitif commença à taper d'un poing ferme sur les portes en espérant que quelqu'un daigne lui ouvrir. Et en effet, quelqu'un vint lui ouvrir. Le garde de sécurité chargé des rondes. Celui-ci n'était pas lui non plus indifférent au look dégoutant de Graig.

"Je peux vous aider... ? "

Dit-il jugeant de haut en bas Graig des yeux.

"Oui, écoutez, mon amie travaille ici, Justine Delroy, je dois absolument la voir !"

"Navré monsieur mais ceci est un lieu de travail et pas un café, vous allez devoir attendre ici. "

"Non, vous ne comprenez pas... faites-la venir alors, je dois absolument la voir ! "

Le gardien commençait à sentir la situation s'envenimer. Il pouvait clairement percevoir que Graig semblait à moitié désespéré mais aussi en colère. L'homme avait bien l'habitude de ce genre d'individu.

"Ecoutez monsieur, je vais devoir vous demander de partir, auquel cas je serai contraint d'appeler la police... "

"La police ? MAIS APPELEZ-LA ! Une catastrophe va arriver si vous ne me laissez pas entrer tout de suite ! Oh, putain, fait chier... "

Graig asséna une violente droite au gardien qui ne vit rien venir. Profitant des quelques secondes de confusion de celui-ci, il se mit à courir en direction des cages d'escalier. L'homme couvert de boue et de terre savait qu'à présent il venait d'atteindre le point de non retour et qu'il devait à tout prix joindre Justine. Traversant les quelques bureaux se trouvant sur sa route, il saisit son téléphone. Les quelques personnes présentes ne prêtaient visiblement pas attention à lui. Le gardien n'avait pas encore du avertir la sécurité.

" J'y suis presque ! Je suis dans les bureaux, là ! Si tu m'entends, surtout, n'ouvre pas la mallette ! Putain, répondeur de merde ! "