Craindre le temps en fait notre ennemi.




Aujourd'hui, j'ai tout perdu, comme le tissu d'un bracelet de perles qui s'effile
Aujourd'hui, tout a disparu, mes yeux sont-ils donc vraiment devenus si vides?
Aujourd'hui, je n'ai plus rien, je n'aurais jamais cru replonger dans cette brèche
Aujourd'hui fut un nouveau matin, et demain, ma terre me paraîtra si rêche…
Je pensais que j'oublierais cette rivière à l'aurore du crépuscule
Mais je m'aperçois rapidement que mes rêves me rendront trop crédule.

Demain, mes souvenirs se mélangeront et mes songes deviendront peu à peu des ronces
Demain, les mémoires disparaîtront avant que les incertitudes ne trouvent leurs réponses
Demain, le vent aura balayé le sable, je ne le sais malheureusement que trop bien
Demain, se figeront mes pensées irrévocables, jusqu'à laisser place au vide, au néant… à rien
Voir périr ce jardin si peu de temps après l'avoir connu est une situation si douloureuse
Car il a beau disparaître sous nos yeux, on reste impuissants face à cette ivresse amoureuse.

Hier, j'étais déjà si différent que le futur ne pouvait être qu'une étape
Hier encore, je pensais que l'avenir ne connaissait pas le crachin qui nous happe
Hier, le chagrin était si lointain qu'il me paraissait déjà incertain
Hier pourtant, la semence de ces grains de l'enivrement ne me manquait en rien
Les bons moments ne serviraient-ils qu'à être regrettés dans la nostalgie?
Quant à la souffrance… Vivre, est-ce prouver que l'on vit?

Et qu'arrivera-t-il demain, lorsque le passé aura parfaitement été poli?
Que s'est-il passé pour qu'hier soit aussi différent d'aujourd'hui?
Pour que demain soit un jour où l'antan me rende si mélancolique?
Jusqu'au temps où ce passé que j'aimais tant me fasse regretter cette empreinte idyllique?
En parlant d'empreinte, peut-être aurait-il fallut éviter cette cicatrice qui m'affaiblit?
Qui m'anéantit et me rend fragile, soit-elle aussi sombre que jolie,

Car ce regard passé fut probablement l'instant le plus féerique de ma vie
Et pourtant, la crainte la plus grande que l'on puisse avoir, c'est la peur de l'oubli.