Encore hier j'étais petit garçon
Par : Salmanzare
Genre : Réaliste , Sentimental
Status : Terminée
Note :
Chapitre 1
Publié le 23/06/16 à 10:42:34 par Salmanzare
Encore hier j’étais petit garçon.
Mais pas ce matin. Ce matin j’ai la bouche pâteuse que te donne l’alcool et l’odeur rance de la sueur. Ce matin j’ai l’oreiller inondé de rêves mouillés, de cauchemars désirés et du souvenir d’un baiser. Volatile. Forcément.
Donc ce matin j’ai la gueule de bois et l’âme rouillée. Couchons ça sur le papier. Faut que ce soit clair pour pas s’y perdre. Toujours important de rester logique ! C’est pour mieux suivre le raisonnement tu piges. Sinon tu te paumes dans des circonvolutions maladroites et là c’est terminé pour toi. Plus rien à faire.
Sur la table basse à côté du gin tonic renversé, du couteau suisse dont l’emblème s’est effacé (est-il encore suisse si c’est plus marqué dessus ?) et un Métal Hurlant avec une nana aux gros nichons (Sérieux ? Comment tu fais pour tenir ça dans une main ? Bah tu peux pas), y avait un début de poème. Un poème qu’a l’air de rien comme ça. Mais il était là. Je présume que je l’ai écrit hier mais je m’en souviens pas. Et je vois pas qui l’aurait écrit. Ni qui l’aurait posé sur ma table basse. Et qu’aurait été assez salaud pour renverser un gin tonic. Non, je pense sincèrement l’avoir écrit. Ca donne ça :
« Il écrit rien
Cet écrivain
Aux écrits vains.
Dans son petit vin
Dans ses cris vains
Il écrit fin
Cet écrivain
C’est un bovin
Cet écrit rien »
Bon, je sais pas s’il était terminé en fait. Faut dire que le gin a salement détrempé la feuille. Alors à ce stade, je présume que comme toute œuvre, c’est pas vraiment terminé. J’ai hésité à le manger. Pour pas gâcher le gin. Mais j’ai senti mon entorse élancer mon pied. Bon point ça. Je ressens encore. Le corps est pas totalement nécrosé. Je me demande jusqu’où elles vont monter toutes ces couleurs bariolées. Un peu de jaune et beaucoup de violet.
J’ai chopé le crayon bleu à terrer et aspiré pour faire venir l’encre. Parce qu’il marche plus très bien en ce moment. Je l’ai fait jusqu’à avoir un sale goût en bouche. Pis j’ai craché de dégoût car c’est pas vraiment agréable l’encre sur la langue. Ça brûle. Et c’est moins sympa que l’entorse. Comme quoi ! Je me suis demandé si un poulpe pouvait se dégoûter. Parce qu’il paraît que le poulpe est pas si con que ça. Mais si t’es pas con, que tu te rends compte que t’es tout mou et que tu chies de l’encre de façon informe, t’as pas des envies de suicide par hasard ?
Avec le crayon j’ai entouré mon cœur. Enfin, la zone où se trouve le cœur. Encore une fois je vais présumer. Techniquement il est là. Mais en pratique ça reste à définir. Toujours non ? Je l’entends battre, je sens le sang qui pulse. Presque une certitude. Mais je l’ai pas vu. Alors je présume que j’ai un cœur. Entendons-nous là-dessus.
Je m’y prends en deux fois pour l’entourer. Rapport au crayon qui marche pas très bien et que je dois me refoutre dans la bouche. Dégueulasse l’encre. Pauvre poulpe. Donc j’ai le cœur entouré maintenant. Je me dis que je pourrais une forteresse. Alors je ris. De façon grasse vu que je suis un adulte maintenant. Les enfants ont un rire plus fin. Je sais pas si tu t’en es déjà rendu compte. Je pense que c’est parce qu’ils y croient encore en fait. Ils rient vraiment parce que pour eux y a pas de remise en question. C’est drôle.
Mais moi la question elle passe. Je me suis demandé si j’étais drôle. Et ça c’est une drôle de sensation pour le coup. Une sale sensation. Et ça te donne un rire gras. Donc plus l’envie de faire une forteresse. Je suis plus un enfant. Je suis un adulte bourré. Qu’à la gueule de bois, le pied en vrac et du gin tonic perdu. Restons focus sinon on s’y perd.
Sous le lit t’as le chat qui miaule.
J’aspire l’encre. C’est abject. Je crois que ça me plaît. On aime les trucs abjects quand on est adulte. Je vois que ça. Si on aimait pas les trucs abjects, est-ce qu’on ferait toutes ces conneries. Tu vois ? Donc j’en aspire beaucoup. Peut-être même que je pourrais en aspirer assez pour devenir un poulpe ! Un poulpe adulte quand même.
Je trace une belle croix dans le rond. Pour faire une sorte de viseur. A moins que ça soit la carte au trésor pour retrouver mon cœur. On décidera plus tard. Pirate ou poulpe. On décidera. Donc j’ai les indices et indications pour le trouver. C’est clair jusque-là.
J’aspire plus à ce stade. J’ai pris le couteau suisse (Du coup faut-il que ça soit noté pour qu’il se sente suisse le couteau ou alors il suffit juste d’y croire ?) et je sors toutes les lames. J’aime bien tout sortir. Lui aussi il est un peu rouillé. En même temps il est vieux. Je l’ai acheté enfant en Suisse. Je range les lames sauf la plus grande. Sur celle-ci d’un côté y a « Victorinox Switzerland stainless rostrfrei ». Admettons. De l’autre « Officier Suisse ». Comme quoi quand tu fouilles, tu trouves. Du coup faut fouiller. C’est la morale non ?
Je commence à découper la marque et j’ai vite une larme qui perle au coin de l’œil. Parce que quand même, se découper la peau ça fait mal. Mais je m’applique et je suis le tracé. C’est au niveau du téton que je dérouille le plus. Pas très érogène pour le coup. A noter que je saigne rouge. C’est pas de l’encre. Je suis pas un poulpe en fin de compte.
Et je bute sur les côtes. J’avais pas anticipé ça. Du coup j’enfonce le doigt dans la plaie pour chercher une masse chaude plus battante que les autres. Je reprends le couteau pour ouvrir un peu plus. Je descends jusque vers le nombril. Je tire la peau doucement avec la main droite pour la décoller sans l’arracher. La main gauche éponge le sang avec du sopalin. Ca me fout en rogne parce que j’y vois rien avec tout ce sang ! J’ai beau éponger, que dalle ! Et j’ai pas la force de me lever du lit pour aller chercher une éponge dans la cuisine. Même pas certain qu’il m’en reste une neuve sous l’évier en plus. Prenons pas le risque quoi.
Le chat est sorti de sous le lit. Je sens sa langue râpeuse sur les bords de la plaie. Il s’active bien plus vite que moi j’ai l’impression. Mais il éponge pas plus que moi au final.
Je finis par capituler et y aller à l’aveugle. C’est chaud. Vraiment chaud. Alors que malgré le beau temps derrière la vitre, j’ai plutôt froid. Mais dans mon corps c’est chaud, ma main s’y sent bien. Elle tâtonne, caresse et trouve. J’ai réussi à remonter jusqu’à la source.
Il est pas froid. Plein de vie. Je le sens battre. Il est petit. C’est un cœur d’enfant ! C’est sûr. Il rit. Je l’entends rire merde ! Alors je le prends dans ma main pour le serrer. Délicatement. J’ai vraiment froid. Je serre plus fort pour me réchauffer. Je me sens de plus en plus fatigué alors que je suis à peine levé ! Je vais m’endormir.
Et me réveiller enfant ?
J’espère.
Je serre.
Mais pas ce matin. Ce matin j’ai la bouche pâteuse que te donne l’alcool et l’odeur rance de la sueur. Ce matin j’ai l’oreiller inondé de rêves mouillés, de cauchemars désirés et du souvenir d’un baiser. Volatile. Forcément.
Donc ce matin j’ai la gueule de bois et l’âme rouillée. Couchons ça sur le papier. Faut que ce soit clair pour pas s’y perdre. Toujours important de rester logique ! C’est pour mieux suivre le raisonnement tu piges. Sinon tu te paumes dans des circonvolutions maladroites et là c’est terminé pour toi. Plus rien à faire.
Sur la table basse à côté du gin tonic renversé, du couteau suisse dont l’emblème s’est effacé (est-il encore suisse si c’est plus marqué dessus ?) et un Métal Hurlant avec une nana aux gros nichons (Sérieux ? Comment tu fais pour tenir ça dans une main ? Bah tu peux pas), y avait un début de poème. Un poème qu’a l’air de rien comme ça. Mais il était là. Je présume que je l’ai écrit hier mais je m’en souviens pas. Et je vois pas qui l’aurait écrit. Ni qui l’aurait posé sur ma table basse. Et qu’aurait été assez salaud pour renverser un gin tonic. Non, je pense sincèrement l’avoir écrit. Ca donne ça :
« Il écrit rien
Cet écrivain
Aux écrits vains.
Dans son petit vin
Dans ses cris vains
Il écrit fin
Cet écrivain
C’est un bovin
Cet écrit rien »
Bon, je sais pas s’il était terminé en fait. Faut dire que le gin a salement détrempé la feuille. Alors à ce stade, je présume que comme toute œuvre, c’est pas vraiment terminé. J’ai hésité à le manger. Pour pas gâcher le gin. Mais j’ai senti mon entorse élancer mon pied. Bon point ça. Je ressens encore. Le corps est pas totalement nécrosé. Je me demande jusqu’où elles vont monter toutes ces couleurs bariolées. Un peu de jaune et beaucoup de violet.
J’ai chopé le crayon bleu à terrer et aspiré pour faire venir l’encre. Parce qu’il marche plus très bien en ce moment. Je l’ai fait jusqu’à avoir un sale goût en bouche. Pis j’ai craché de dégoût car c’est pas vraiment agréable l’encre sur la langue. Ça brûle. Et c’est moins sympa que l’entorse. Comme quoi ! Je me suis demandé si un poulpe pouvait se dégoûter. Parce qu’il paraît que le poulpe est pas si con que ça. Mais si t’es pas con, que tu te rends compte que t’es tout mou et que tu chies de l’encre de façon informe, t’as pas des envies de suicide par hasard ?
Avec le crayon j’ai entouré mon cœur. Enfin, la zone où se trouve le cœur. Encore une fois je vais présumer. Techniquement il est là. Mais en pratique ça reste à définir. Toujours non ? Je l’entends battre, je sens le sang qui pulse. Presque une certitude. Mais je l’ai pas vu. Alors je présume que j’ai un cœur. Entendons-nous là-dessus.
Je m’y prends en deux fois pour l’entourer. Rapport au crayon qui marche pas très bien et que je dois me refoutre dans la bouche. Dégueulasse l’encre. Pauvre poulpe. Donc j’ai le cœur entouré maintenant. Je me dis que je pourrais une forteresse. Alors je ris. De façon grasse vu que je suis un adulte maintenant. Les enfants ont un rire plus fin. Je sais pas si tu t’en es déjà rendu compte. Je pense que c’est parce qu’ils y croient encore en fait. Ils rient vraiment parce que pour eux y a pas de remise en question. C’est drôle.
Mais moi la question elle passe. Je me suis demandé si j’étais drôle. Et ça c’est une drôle de sensation pour le coup. Une sale sensation. Et ça te donne un rire gras. Donc plus l’envie de faire une forteresse. Je suis plus un enfant. Je suis un adulte bourré. Qu’à la gueule de bois, le pied en vrac et du gin tonic perdu. Restons focus sinon on s’y perd.
Sous le lit t’as le chat qui miaule.
J’aspire l’encre. C’est abject. Je crois que ça me plaît. On aime les trucs abjects quand on est adulte. Je vois que ça. Si on aimait pas les trucs abjects, est-ce qu’on ferait toutes ces conneries. Tu vois ? Donc j’en aspire beaucoup. Peut-être même que je pourrais en aspirer assez pour devenir un poulpe ! Un poulpe adulte quand même.
Je trace une belle croix dans le rond. Pour faire une sorte de viseur. A moins que ça soit la carte au trésor pour retrouver mon cœur. On décidera plus tard. Pirate ou poulpe. On décidera. Donc j’ai les indices et indications pour le trouver. C’est clair jusque-là.
J’aspire plus à ce stade. J’ai pris le couteau suisse (Du coup faut-il que ça soit noté pour qu’il se sente suisse le couteau ou alors il suffit juste d’y croire ?) et je sors toutes les lames. J’aime bien tout sortir. Lui aussi il est un peu rouillé. En même temps il est vieux. Je l’ai acheté enfant en Suisse. Je range les lames sauf la plus grande. Sur celle-ci d’un côté y a « Victorinox Switzerland stainless rostrfrei ». Admettons. De l’autre « Officier Suisse ». Comme quoi quand tu fouilles, tu trouves. Du coup faut fouiller. C’est la morale non ?
Je commence à découper la marque et j’ai vite une larme qui perle au coin de l’œil. Parce que quand même, se découper la peau ça fait mal. Mais je m’applique et je suis le tracé. C’est au niveau du téton que je dérouille le plus. Pas très érogène pour le coup. A noter que je saigne rouge. C’est pas de l’encre. Je suis pas un poulpe en fin de compte.
Et je bute sur les côtes. J’avais pas anticipé ça. Du coup j’enfonce le doigt dans la plaie pour chercher une masse chaude plus battante que les autres. Je reprends le couteau pour ouvrir un peu plus. Je descends jusque vers le nombril. Je tire la peau doucement avec la main droite pour la décoller sans l’arracher. La main gauche éponge le sang avec du sopalin. Ca me fout en rogne parce que j’y vois rien avec tout ce sang ! J’ai beau éponger, que dalle ! Et j’ai pas la force de me lever du lit pour aller chercher une éponge dans la cuisine. Même pas certain qu’il m’en reste une neuve sous l’évier en plus. Prenons pas le risque quoi.
Le chat est sorti de sous le lit. Je sens sa langue râpeuse sur les bords de la plaie. Il s’active bien plus vite que moi j’ai l’impression. Mais il éponge pas plus que moi au final.
Je finis par capituler et y aller à l’aveugle. C’est chaud. Vraiment chaud. Alors que malgré le beau temps derrière la vitre, j’ai plutôt froid. Mais dans mon corps c’est chaud, ma main s’y sent bien. Elle tâtonne, caresse et trouve. J’ai réussi à remonter jusqu’à la source.
Il est pas froid. Plein de vie. Je le sens battre. Il est petit. C’est un cœur d’enfant ! C’est sûr. Il rit. Je l’entends rire merde ! Alors je le prends dans ma main pour le serrer. Délicatement. J’ai vraiment froid. Je serre plus fort pour me réchauffer. Je me sens de plus en plus fatigué alors que je suis à peine levé ! Je vais m’endormir.
Et me réveiller enfant ?
J’espère.
Je serre.
23/06/16 à 20:38:26
Très sombre et pessimiste, mais joliment écrit !
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