Sur la côte gisait un radeau, mal construit et abîmé, à peine assez solide pour être arrivé jusqu'à cette plage de galets, où, seule, une personne était assise. Le jeune homme regardait l'océan, depuis un carré d'herbe qui, derrière-lui, donnait naissance à une véritable forêt, et sur deux de ces arbres s'étendait une corde et des habits, attendant de sécher sous le coup du vent marin.

Le soleil disparaissait, ne laissant plus qu'une maigre lueur, réfléchie par les vagues jusqu'au voyageur solitaire, dont les yeux brillaient d'un orange encore plus pur que les nuages du crépuscule ne le pouvaient. Il semblait étinceler sous la noirceur tombante, tel un astre tandis que ses cheveux blonds s'agitaient au rythme du vent, quittant ses hanches pour la liberté du ciel, comme une flamme tentant de s'étendre sur le continent. À le voir de plus près, rien dans son expression ne paraissait pourtant luire, et il faisait au contraire preuve d'un air pensif, hypnotisé par l'horizon.

L'Atlantique s'étendait à l'infini face à lui, et au loin existaient une multitude d'îles, formant les archipels méconnus et mal exploités d'Atlant. L'île dont il provenait était encore visible, mais elle grondait d'un bruit violent, tandis qu'elle s'enfonçait sous l'eau, faisant surgir un véritable tsunami de tous côtés. Rapidement, elle se fanait entièrement de sa vue, remplacée par d'immenses vagues déchaînées, dérobant sans hésitation sa barque, et le laisser sans retour possible, car il ne restait ni transport ni destination. Cela marquait son adieu à sa patrie, et la disparition d'un archipel, qui ne ne deviendrait alors guère plus qu'un mythe.

Ni joie ni tristesse n'étaient présents sur son visage. Il repensait aux cinq dernières années, seul sur le territoire îlien, et se sentait soulagé d'avoir enfin atteint le continent. Malgré cela, il restait en lui un manque, et il voulait retourner à bien plus de cinq ans en arrière, à une vie joyeuse qui n'était plus sienne. Voir l'Atlant disparaître le privait définitivement de son passé, mais il réalisait même sans cela qu'il ne récupérerait rien.

L'eau se frottait impétueusement à l'air en face de lui, noircie par ses capacités surnaturelles et similaire à un bouclier. Sans le moindre effort, il étendait un champ de particule, à peine suffisamment grand pour l'entourer, lui et ses habits, se protégeant de la tempête déferlante. La nature finit par se fatiguer bien avant l'homme, et alors que l'océan reprenait son calme, il eut l'occasion de voir un dernier rayon de soleil, aminci au possible, mais d'une intensité qui l'aveugla, ses yeux aussi bien que son esprit. Le rayon vert sembla envahir son esprit, y instaurant un véritable calme et harmonisant alors sa personne à l'image du monde. Son chagrin s'allégea alors, ne serait-ce que temporairement, et il put esquisser un encore plus léger sourire.

Soupirant, il reprit sa mine usuelle et décida de se lever, vérifiant une dernière fois ses habits. Remballant ses affaires, il entreprit de finalement pénétrer le pays, et des mers fut visible, pour la dernière fois, la silhouette d'un jeune homme au visage de noble, à l'habit gris de paysan et l'aura d'un fantôme.