<h1>Noelfic</h1>

Dunon, ou le Sanctuaire de Teutatès.


Par : Conan

Genre : Action

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 3

Publié le 31/12/14 à 01:55:42 par Conan

''Ton discours a certainement fait trembler de rage Oghmos lui-même, Celtill.''

Le vieux sage est penché au-dessus du foyer, illuminant son visage fourni de la barbe des sages, et marqué par un grand nombre d'hivers, la paume des mains tournée vers les flammes qui crépitent lentement au centre de la grande pièce où ils se trouvent.

Le guerrier, assis non-loin derrière lui sur un épais tabouret de bois, est songeur. Sa verve passée, la colère est retombée et laisse la place au doute et à l'inquiétude.
-Combien d'hommes avons-nous en état de combattre, Dagomaros ?
-Tes clients sont au nombre de huit, tous parents de plusieurs fils d'âge mur et en bonne forme, et notre village compte non-loin d'une centaine d'hommes habiles et robustes.
-N'essaye pas d'échapper à ma question, ô druide. Combien parmi ces hommes sont capable de tenir une lance ?
-La plupart d'entre-eux connaît le maniement des outils.
-Peuh ! S'exclame Celtill en renfrognant son visage, accentuant les nombreuses cicatrices lui balafrant les joues et le front. Des paysans, des artisans, voire des marchands. Je te parle de guerriers. Et je te parle d'armes. D'armes sacrées, dédiées à la guerre. Faucher les blés est une chose, aisée pour tout homme de bonne constitution. Tenir une lance, et transpercer l'ennemi avec en est une autre, plus difficile même pour le plus solide des paysans.

Le vieux sage pivote légèrement, et son visage replonge dans l'obscurité afin de jauger le chef assis à sa table.
-Cela n'est point ma tâche, Celtill. Et tu le sais. Dit-il en tournant les talons vers la sortie de la grande habitation. Saisissant un capuchon de laine qu'il avait posé sur la table en entrant, c'est que le froid commence à se faire sentir ! il s'en recouvre la tête en jetant un dernier regard à son ami.
-La prochaine pleine lune est dans trois nuit. Je ferais des sacrifices et des incantations pour que les dieux nous aient en leur bonne garde. Pour le reste, cela est de ton ressort, et le spirituel ne peut empiéter sur le guerrier... Pas plus que le guerrier ne peut prendre la place du spirituel.

Sur ces mots, l'ancien s'en retourne au-dehors. Mais à peine Dagomaros est-il sorti que la femme aux cheveux rouges pénètre à l'intérieur de la grande maison. Celtill lève ses yeux d'un gris perçant vers elle.
-Inutile de me regarder avec une telle sévérité. Je sens ton inquiétude, mon époux.

En plus d'une beauté semblant héritée de Belissama elle-même, on prête à Rowena, la femme du chef, des pouvoirs divinatoires. Bien entendus, cela ne sont que des rumeurs de paysans, mais elles aident à alimenter la légende de cette illustre famille et à asseoir l'autorité du chef sur ses terres et après de ses clients.
-Ton fils est inquiet, lui-aussi. Continue la femme en installant une marmite de cuivre remplie d'eau au-dessus du foyer,
-Il ne l'est pas plus que ces pauvres hères dont j'ai la vie entre les mains, Rowena. Ce garçon aura besoin d'être endurci s'il veut pouvoir un jour reprendre mon héritage.
-Ton fils est fort. Les enseignements que Dagomaros lui donne sont très satisfaisants. Et lorsqu'il ne passe pas ses journées à apprendre des dieux, du monde et de la nature, il les remplit à l’entraînement avec son oncle Gobannitio.
-Ha ! Mon frère est fort pour ce qui est des armes et des belles paroles, mais nullement concerné par ce qu'il peut bien se passer à l'intérieur de nos murs. J'ai parfois l'impression que seuls Dagomaros et moi avons quelque chose à faire de l'avenir de notre village ! S'emporte le guerrier.
-C'est faux, et tu le sais très bien.

Rowena la rousse s'approche de la table et s'assoit en face de son mari, puis elle saisit ses mains, qui font quasiment le double de taille que les siennes.
-Combien de vies ces mains ont-elles enlevées ? Demande-t-elle d'une voix perdue.
-Combien pourront-elles encore prendre avant que je ne m'écroule ? Renchérit son mari, les yeux perdu vers le vide. Il enserre le poing autours des doigts de sa femme avant de porter son avant-bras à ses lèvres. Ce que j'ai fait, continue-t-il, et ce que je vais faire, c'est pour vous. Pour toi, pour notre fils, et pour le clan. Jamais je ne saurais tolérer que des barbares ne viennent faire leur loi sur la terre de que m'ont légué mes ancêtres et qui doit revenir à mes héritiers.

Rowena embrasse le poing de son époux, qui continue :
-Et si je dois mettre moi-même le feu à notre maison et te tuer de mon épée, je le ferais. Conclut Celtill en levant ses yeux durs vers celle qu'il aime.
-Je le sais. Dit-elle en fermant les siens. Mais tu es encore fort, et notre peuple a encore de la ressource. Il ne tient qu'a toi de les lever, de les entraîner, et de les mener au combat. J'ai foi en toi, autant que le jour ou tu es parti servir Rome et ses légions. Mais tu m'es finalement revenu, et tu as pris la tête de ce village, car c'était ton droit et ton devoir.
-Et tu m'a donné un fils, qui sera bientôt en âge de combattre.

Rowena ouvre subitement ses grands yeux clairs, comme paniquée par ce qu'elle vient d'entendre.
-Ne vas-tu pas l'emmener sur le chemin de la guerre ? Pas si tôt ?
-Il devra s'y rendre un jour ou l'autre. Autant qu'il soit prêt au moment venu.
La femme se lève d'un bond , et ses cheveux flamboyants semblent se hérisser, lui donnant l'air d'une harpie surmontée de flammes.
-Tu ne peux pas risquer la vie de notre enfant, pas si tôt !
-Il aura passé treize ans au prochain Samain, préfères-tu attendre qu'il soit un vieillard sénile pour prendre le glaive et le bouclier ?
Rowena s'écroule à genoux aux pieds de son mari, suppliante.
-Ne me le prends pas, si tôt. Attends encore un hiver. Seulement un hiver je t'en conjure.

Mais aussi froid et dur qu'un bloc de pierre, le guerrier a pris sa décision, et se lève, les sourcils froncés et le visage plus renfermé que jamais.
-Ma décision est prise. Si notre fils aspire à régner sur ces terres un jour, il doit mériter dans le sang. Je m'occuperais personnellement de son entraînement ainsi que de celui de tout homme en âge de se battre. Si nous voulons continuer à vivre en paix, nous devrons savoir faire preuve de courage et de sacrifice. Notre liberté en dépend.

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