« Joyeux Noël Rodrick Misty ! »
MonsieurF
Il était une fois, une petite ville blottie au pied d’une grande montagne. Elle était prospère, joyeuse et prenait vie avec le temps des fêtes. A Snowflakes City, les étés y étaient très chauds et les hivers très froids. Si froid, que chaque année, il neigeait dès le mois de septembre jusqu’en avril, et ce sans presque aucune interruption. La ville était donc tout naturellement le plus souvent recouverte d’un magnifique manteau blanc.

Les habitants de Snowflakes City adoraient l’hiver, et plus particulièrement pendant tout le mois de décembre, où les rues de la ville étaient remplies d’enfants joyeux se chahutant dans la neige, et de leurs parents qui passaient leurs temps à boire des chocolats chauds aux terrasses des cafés en faisant mine de surveiller leur progénitures alors qu’ils passaient le plus clair de leurs temps à papoter de ragots et potins sur les habitants de la ville.

Notre histoire commence donc en plein mois de décembre alors que l’esprit des fêtes s’était déjà allégrement emparé des rues de la petite ville niché au creux de la montagne enneigée. Au sommet de cette montagne, une grande maison était plantée là, et surplombait la région toute enneigée. Qui pouvait bien vivre là-dedans, exilé de tout le bonheur qui jaillissait plus bas ? Ce quelqu’un était Rodrick Misty, le vieux maire aigri de Snowflakes City. Rodrick Misty n’aimait pas Noël, et tous les habitants le savaient. C’était d’ailleurs ce qui faisait en partie la réputation de la ville. Chaque année, le vieil homme bougon se barricadait dans sa grande maison et ne mettait pas un seul pied dehors avant que toute la neige ait disparue. Personne n’essayait plus de convaincre Rodrick de se joindre aux habitants de la ville pour fêter Noël, tous savaient que ce serait peine perdue. Tous ? Peut-être pas.
Ce jour-là, on toqua à la porte de Rodrick. Le vieux petit homme boiteux n’était pas pressé pour aller ouvrir, ce qui était normal ; sa demeure était si grande qu’il lui fallait plus de cinq minutes pour se rendre d’un bout à l’autre du manoir. Quand il atteignit enfin la porte d’entrée et qu’il l’ouvrit, ce qu’il découvrit le laissa coi. Un petit garçon -peut-être un tout petit peu plus petit en taille que Rodrick- se tenait là, devant sa porte.

-« Que-veux-tu gamin ? » fît l’homme grognon

Le petit garçon s’avança d’un pas léger et tenta de s’exprimer malgré sa grosse veste et sa grosse écharpe lui recouvrant la bouche.

-« S’il vous plait, venez passer Noël avec nous ! » lança maladroitement le petit garçon

Rodrick fût immédiatement prit une colère noire. Il se retourna et claqua la porte au nez de l’enfant, qui tourna les talons, déçu et attristé de la réaction du vieil homme.

Nous sommes le 23 décembre, et alors que tout le monde dans la ville se prépare à fêter le réveillon, Rodrick Misty, assis devant le feu de sa cheminé et emmitouflé dans une grosse couette, somnole doucement avant de s’endormir sans même s’en rendre compte. Tout d’un coup, un étrange bruit semble provenir de l’intérieur de la cheminée… Et dans un fracas absolu, un gros personnage semble dévaler le conduit pour terminer sa chute dans le foyer de la cheminée. Rodrick se réveilla en sursaut et se frotta les yeux, il n’avait pas l’air de croire ce qu’il
voyait ; un gros bonhomme à barbe blanche, tout de rouge vêtu et taché de suie se releva avec peine devant lui. Le
personnage se réajusta les vieilles lunettes qu’il portait sur le nez, et se retourna sur Rodrick en s’adressant enfin
à lui, devant le regard médusé de ce dernier ;

-« Bonsoir ! Désolé pour le dérangement, d’habitude je descends sans encombre… mais cette cheminée n’a pas été
ramonée depuis longtemps ! »

Rodrick avait perdu tous ses moyens, mais cela ne l’empêcha pas de demander ;

-« Qui êtes-vous ? Et que faites-vous chez moi ! »

Le gros bonhomme rouge semblait surpris d’entendre une telle question.

-« Mais voyons ! Je suis le Père Noël ! » fît-il d’une voix grave et assurée

Rodrick avait l’impression qu’on lui faisait une mauvaise blague, et il sentait qu’il commençait à perdre son calme devant tant d’inepties.

-« C’est très intelligent de faire ça ! Vous savez bien que je déteste cette fichue fête ! Allez donc faire votre numéro
ailleurs ! » hurla Rodrick, prit de colère

L’homme en rouge, surpris par ce qu’il venait d’entendre, se sentait résolu à faire quelque chose qu’il n’avait pas nécessairement envie de faire. D’un claquement de doigts, il fît apparaitre un épais morceau de ruban adhésif qui se colla de toute sa longueur sur la bouche de Rodrick.

-« Je ne m’attendais pas à un accueil fort chaleureux de ta part Rodrick, mais là tu dépasses allégrement les bords ! Tu dois être à peine moins âgé que moi, mais tout de même tu me dois le respect. Et puis les habitants de Snowflakes City m’attendent pour le 24 décembre, pas avant. Si je suis là c’est pour une bonne raison ; j’ai entendu dire que tu n’avais plus l’âme de fêter Noël ces dernières années… que t’est-il arrivé ? »

Rodrick marmonna quelques mots incompréhensibles jusqu’à ce que l’homme en rouge se rappelle qu’il n’avait pas libéré la bouche de Rodrick. D’un autre claquement de doigts, la voix du vieil homme aigri fût libérée.

-« Comment voudrais-je fêter Noël ? Cette fête me répugne, plus rien ne me fait envie, pendant cette période tout
m’exaspère. » lança Rodrick, hargneux

-« Et pourquoi ça ? » fît le Père Noël, tout en rapprochant ses lunettes de Rodrick

Rodrick n’avait aucune envie de répondre. L’homme en rouge se recula et leva une de ses mains gantés.

-« Attention Rodrick, je t’ai coupé la parole, je peux aussi te la délier avec un peu de magie… »

Le vieil homme bougon eu une petite seconde de réflexion.

-« Je préfère tout te dire de ma propre volonté, plutôt que d’en être forcé.. » fît Rodrick, résigné.

Rodrick se releva, et pria au Père Noël de le suivre. Il l’emmena devant un magnifique et grand cadre accroché dans le couloir le plus abandonné et poussiéreux de la demeure. Ce cadre représentait une femme à côté d’un Rodrick apparemment plus jeune.

-« C’était ma Emma, elle adorait Noël. Chaque année elle décorait le manoir de toutes les décorations de Noël qu’on possédait, on voyait le manoir d’en bas, c’était magnifique. Puis un 24 décembre, elle est tombée gravement malade et ce qui devait arriver arriva… Comment voulez-vous que j’ai encore envie de fêter Noël après ça ? » fît Rodrick attristé.
-« Oh je comprends mon pauvre Rodrick… Mais allons, je ne suis pas sûr que ton Emma serait très contente de te voir dans cet état là… dénigrer Noël comme tu le fait ne te la rendra pas ! »

-« Et comment je dois faire alors ? Je dois l’oublier ? Hors de question, et je n’y arriverais pas ! »

-« Je pense que je devrais te montrer quelque chose. » fît le Père Noël dans l’oreille de Rodrick.

L’homme en rouge, posa sa main sur l’épaule de Rodrick, et claqua des doigts une fois de plus. C’est alors que dans un tourbillon blanc, les deux hommes disparurent.

Ils réapparurent alors, devant une toute petite maison en bois, ayant l’air si fragile qu’un souffle aurait pu la faire s’effondrer.

-« Que faisons-nous là ? » demanda Rodrick

-« Regarde par cette fenêtre et dis-moi ce que tu vois. » conseilla le Père Noël à Rodrick.

Le vieil homme intrigué, regarda discrètement par la fenêtre de la petite bâtisse. Il vit alors une petite famille décorant un frêle sapin dans la joie et la bonne humeur.

-« Cette famille n’a pas une demeure très confortable, comme tu peux le constater, elle vit dans la précarité, et pourtant l’esprit et la magie de Noël est bien présente. Ils sont heureux, parce-qu’ ils sont ensemble, tu comprends ça ? »

Rodrick fît mine de comprendre. Puis le Père Noël reposa sa main sur l’épaule du vieil homme, et tous deux disparurent une deuxième fois dans un claquement de doigt.

Cette fois ci, ils atterrirent devant un grand bâtiment ; il s’agissait d’un orphelinat. Une fois de plus Rodrick regarda par la fenêtre ; il vit une vingtaine d’enfants, se chahuter, rire aux éclats et courir dans tous les sens, dans la grande salle commune de l’orphelinat, décorée de magnifiques décorations de Noël.

-« Le malheur de ces enfants c’est qu’ils n’ont pas de parents. Et pourtant ils sont heureux c’est indéniable, la magie de Noël est dans leurs coeur malgré tout. »

Rodrick semblait petit à petit prendre conscience de quelque chose qui semblait plus important que tout mais dont il était longtemps passé à côté.

Pour finir, le Père Noël amena Rodrick devant son propre manoir sur la montagne au-dessus de Snowflakes City.

-« Nous sommes rentrés, et qu’y a-t-il à voir ? » demanda Rodrick intrigué.

-« Regarde par la fenêtre et dis-moi ce que tu vois »

Le vieux bougon regarda alors, et vit Emma, son Emma, passer Noël seule, dans son manoir sombre, au coin du feu à se rappeler comment elle déteste Noël depuis la disparition de son Rodrick Misty… Rodrick comprit alors, il venait de saisir ce que son vieil ami le Père Noël voulait lui faire comprendre si ardemment.


***


Nous sommes le 24 décembre, la joie et la bonne humeur foisonne dans les rues de Snowflakes City. C’est un jour particulier, très particulier, parce-que pour la première fois depuis des années, le manoir Misty est de nouveau habillé de ses magnifiques et lumineuses décorations de Noël. Toute la ville a été surprise de redécouvrir le Manoir illuminé comme au temps où Emma Misty était présente. D’ailleurs, la ville entière a été conviée à venir fêter le réveillon de Noël au Manoir. Rodrick n’avait plus rien du vieillard bougon et malheureux que la ville avait l’habitude de côtoyer, c’était un Rodrick festif, heureux et convivial qui était présent ce soir-là. Il leva son verre, et profitant d’un moment de silence pendant le brouhaha de la réception fît une annonce ;

-« J’aimerais remercier tous les fabuleux habitants de cette ville, qui, même dans le malheur, continuent de garder espoir, et plus particulièrement pendant les fêtes de Noël. Comme celles et ceux qui ne vivent pas dans des conditions décentes, et qui pourtant forment une famille unie et solide. Comme les plus orphelins d’entre nous, qui parviennent non sans mal à remplacer l’amour d’un cher parent, par l’amour venant de frères, soeurs et amis. Et comme celles et ceux, qui finissent par trouver dans le partage, la force nécessaire pour se relever d’une lourde perte. »

Rodrick s’approcha alors d’un petit garçon aux allures familières ; c’était le petit garçon qui était venu toquer plus tôt chez le vieil homme encore rabougri à ce moment-là.

-« Je suis désolé de t’avoir fermé la porte au nez. Pour me faire pardonner, prends ce petit cadeau qu’un vieil ami m’a donné pour toi... »
Rodrick passa la main dans une de ses poches, et en sorti une magnifique pièce d’Or avec imprimée sur la face, la tête d’un gros bonhomme à la barbe épaisse et portant des petites lunettes trônant sur son nez.
Le regard du petit garçon brilla de mille feux.

-« J’espère que le Père Noël va te gâter cette année ! » lança le petit garçon

Rodrick posa son regard sur le cadre représentant Emma Misty qui trônait au-dessus de la table du banquet, puis il plongea son regard dans le ciel bleu marine étoilé que l’on pouvait apercevoir à travers les fenêtres de la salle de réception.

-« Oh ne t’en fais pas, ce vieux bonhomme m’a déjà bien gâté... »
Joyeux Noël à tous, passez de bonnes fêtes et n’oubliez pas ; qu’importe vos malheurs, ne vous refermez pas sur vous-même, il y aura toujours quelqu’un pour partager un peu de bonheur avec vous !

« Nothing else to say » !