<h1>Noelfic</h1>

Comment tuer sa mère (en cinq façons) ?


Par : faces-of-truth

Genre : Nawak

Status : Terminée

Note :


Chapitre 7

Publié le 02/06/11 à 12:15:21 par faces-of-truth

Non loin de chez moi se trouvait un magasin de plantes où l’on vendait végétaux, outils de jardinage, animaux de compagnie, terreaux et crottins de cheval. Nous nous y rendions souvent à pied, « en famille », et, pendant que ma mère et ma sœur travaillaient à leurs achats, je déambulais dans les rayons, jetant des coups d’œil hagards aux articles, espionnant les clients, caché derrière les bambous et baignant dans mes pensées.
J’avais l’air d’un autiste ; mais comment ne pas devenir fou dans un tel endroit ?
Ce jour-là, j’abandonnai ma frangine et la madre dès l’entrée dans le premier hall, pour une fois fixé sur quelque chose de précis.
-Y a un espace jeunesse avec un bassin de boules de couleurs près de la sortie, on te retrouve là-bas, me lança Sylvie en me voyant les quitter précipitamment.
-Je vais plutôt étudier les fougères pour savoir derrière lesquelles vous serez le plus à l’aise, Juju et toi, pour tirer un…
-Matthieu ! s’exclama notre maternelle, outrée.
Je m’enfuis avant qu’elle n’eût le temps de me sermonner. Je traversai des rangées d’orchidées, de fleurs de saison et de frondaisons diverses, animé par la chanson Hip to be Square de Huey Lewis and the News que diffusait la radio du magasin.
J’arrivai alors dans un recoin peu fréquenté, en retrait, et parfaitement lugubre. C’était ce que je recherchais.
Devant moi, sur différents niveaux, se dressaient des plaques tombales de formes variées et aux messages funèbres plus recherchés les uns que les autres. « A notre mère » ; « A notre sœur » ; « Tu nous manques » ; « Jamais tu ne seras plus proche de nos cœurs » ; « Pour toujours mon amour » ; « Je t’aime pour l’éternité » ; « Jamais nous ne t’oublierons » ; « Mon doux Papa, même maintenant, tu restes en moi ». Je me dis que ce dernier message pourrait être mal interprété par un esprit tordu.
Je me mis alors à la recherche de la plaque parfaite pour l’enterrement de ma mère. J’en voulais une assez classique qui ne s’étalait pas trop sur les sentiments, où l’on ne voyait pas Jésus et qui fut suffisamment solide pour je n’eusse pas à en acheter une autre.
« Mmh… Trop grand… Trop gris… Trop pompeux… Trop affectif… Ah ! Et non, trop cher… »
Je finis par abandonner mes recherches, vite dépité. Mais dîtes, j’aurai le droit de revenir quand Maman boira la tasse dans le Styx, hein ?
Je visitai les rayons, le regard perdu sur les insecticides et les détergents. J’avais vraiment l’air de me faire chier, du moins je ne me gênais pas pour le montrer ouvertement. Aussi, je ne comprenais pas l’acharnement des vendeurs à se jeter sur moi pour me sortir :
-Je peux vous aider ? Vous cherchez quelque chose ?
Non mais ils croyaient quoi ? J’avais quinze ans, j’étais pas venu avec ma voiture et ma carte de crédit !
Mon secteur préféré était sans conteste celui des animaux. Je suis sérieux, voir des enfants s’extasier devant des lapins dépressifs « aidez-moi, s’il vous plaît » parce qu’ils croyaient qu’ils leur souriaient était tordant. Et le spécialiste qui récitait son discours habituel :
-J’adore les animaux.
-C’est pour ça que vous enfermez un écureuil dans une cage qui fait trois fois sa taille ?
-Va-t-en, s’il te plait.
Au bout d’une heure d’errance (oui, une heure… Allez chercher ce que faisaient les deux autres greluches), je tombai sur un article qui attira mon attention. Il s’agissait d’un faux nid d’oiseau. La première des questions qui me vint à l’esprit fut « Mais ça sert à quoi cette merde ? ». La deuxième « Et pourquoi je m’y intéresse ? ». Réfléchissez, quel est l’intérêt d’acheter une telle chose ? Trop intrigué, je tendis mon bras pour saisir l’objet. Un oiseau surgit alors du creux et me fonça dessus. Surpris, je fis un bond en arrière et m’étalai de tout mon long sur le carrelage du magasin. Les gens me regardaient d’un air mi-moqueur mi-contrarié. Je grommelai un juron et me redressai en faisant un doigt d’honneur à la caméra de surveillance, m’imaginant les mecs dans leur bureau morts de rire. Je reposai mes yeux sur le nid. L’oiseau était toujours là, en plastique, attaché à un câble en fer. Je saisis une boîte à côté et lus la plage présentative : « équipé d’un détecteur de mouvements, ce piège à pies effraiera les nuisibles qui harcèlent votre jardin ou votre balcon pour un bon bout de temps ».
La société humaine me fit bien de la peine à cet instant… Piège à pies ? Piège à pigeons surtout.
Bon ok, elle était facile.

De retour à la maison, Maman prit une grande enveloppe et partit à la banque, nous laissant seuls, ma sœur et moi. Mon téléphone vibra. Un sms. Virginie. « On se voit quand ? Tu me manques ». Je lui répondrais demain que hier c’était bien. Puis ce fut le portable de Sylvie, posé sur la commode du salon qui vibra. Elle recevait un appel. Je saisis le mobile. De Julien. Je ricanai mentalement et pressai la touche « Décrocher ». Mais ma frangine fut plus rapide et me l’arracha des doigts avant que je ne puisse répondre « Allô chéri ? » avec ma voix la plus grave.
-Oui ? Oui, Julien ! Oui. Oui, ce serait super… Tu as l’adresse ? Ça marche, à tout de suite !
Elle raccrocha.
-Julien est pas loin, il va passer.
-Sur toi ? Je ne veux pas être là…
-Ta gueule.
-Non, sérieusement, c’est trop pour moi, il vaut mieux que j’y aille…
-Tu restes, répliqua-t-elle sèchement. Maman a dit qu’elle rentrerait tôt, et elle va pas se tenir si elle sait que tu es sorti maintenant.
-Elle rentre tôt ? J’espère qu’il est préc…
-Mais putain, tu vas la fermer !!!
-Quoi ? Je m’inquiète juste…
-Tu me soules avec tes blagues à la con !
-Oh… Moi elles me font rire.
-Et bien pas moi !
-C’est parce que t’es une fille. Ju les trouvera géniales, lui.
Le teint de peau de ma sœur vira au blanc.
-Si… Si jamais… tu lui fais la moindre remarque…
-Eh mais zen… Dans le pire des cas, je fais une blague, mais je remplace ton nom par « une blonde »…
-Matthieu.
-Oui ?
-Je crois qu’en fait, il vaut mieux que tu sortes.
-Et bien voilà, répondis-je avec un sourire satisfait.
Sylvie monta les escaliers quatre à quatre pour aller se préparer. Je pris mon temps pour boire un verre d’eau et grignoter un cake et sortis ensuite de la maison. Le soleil était assez bas, le soir allait tomber d’ici une heure. J’avais assez de temps pour me dégourdir les jambes. Et puis, cette petite ballade me permettrait d’échafauder un nouveau plan.
En quittant le jardin, je vis une petite voiture se garer devant notre entrée. Un grand mec en sortit. Brun, yeux bleus, cheveux courts, chemisette à carreaux, beau gosse. Aucune chance que ma sœur ait pu chopper une prise pareille.
-C’est ici qu’habite Sylvie ? demanda-t-il en me voyant approcher.
Non, en fait il était moche.
-Oui, tout à fait, répondis-je avec un sourire.
Je lui tendis ma main et il la serra avec une bonne poigne.
-Je suis Matthieu, le frère de Sylvie, elle m’a beaucoup parlé de toi, je suis heureux d’enfin pouvoir te rencontrer, Benjamin.
Son sourire se transforma lentement en une petite grimace d’incompréhension.
-Euh… Je ne suis pas… Benjamin…
-Ah ? fis-je avec mon air idiot.
-Non, je suis Julien… Je devais passer…
J’exagérai un « Oh merde » mental et mis ma main sur ma bouche.
-Ah oui... euh… Julien, oui… Putain… Euh, je suis désolé mais je dois y aller…
Et je m’enfuis en marchant vite, sans me retourner, me défiant de ne pas éclater de rire avant au moins deux cents mètres.

Se promener seul était une activité que je pratiquais depuis ma plus tendre enfance ; je pouvais à la fois profiter d’une intimité totale, me dégourdir les jambes et laisser tourner mon imagination pour qu’elle me délivre une nouvelle idée. La marche est une sorte de sport en quelque sorte, puisqu’elle met à contribution l’ensemble de nos muscles et qu’elle permet de nous oxygéner le cerveau ; parfait pour les révisions… ou lorsqu’on travaille à un plan. Notez bien ceci lorsque vous vous attellerez à une telle tâche.
Je déambulai entre les arbres du petit parc situé non loin de chez nous, et profitai d’une température fraîche et fort agréable.
Récapitulons, cher lecteur. Jus d’orange empoisonné. Echec. Flaque électrifiée. Echec. Je devais trouver une méthode qui surpassait les précédentes. Et pour ce faire, je devais analyser mes techniques pour en déduire les failles qui m’avaient conduit à conserver mon rôle de fils dans une famille monoparentale.
Le jus d’orange était un bon plan, mais trop abstrait. Il jouait plus sur la chance que sur l’application. Un détail était intervenu, et c’était toute l’entreprise qui avait coulé. Le piège de la douche était dans un sens parfait, le sort m’avait juste privé du succès quasi-assuré sur un coup de tête. Mais je ne récidiverais pas dans la salle de bain, j’avais eu une chance de cocu de ne pas me faire repérer.
J’observai un groupe d’enfants dans le parc, en train de jouer à un jeu débile. Logique me direz-vous. Ils avaient trouvé le cadavre d’un lézard et s’amusaient à se le balancer dans la figure. Fous rires garantis. Ça vous a déjà pris de vous comparer à des gosses de cet âge-là et de vous dire « Mais j’étais pas aussi con moi, si ? » ? Moi ça m’arrive tout le temps… Et j’avoue que ça me fait souvent peur.
Les morveux se regroupèrent alors et formèrent un cercle ; ils gloussèrent comme des filles de leur classe et préparèrent quelque chose, mais la barrière que formaient leurs corps m’empêcha de distinguer quoi que ce soit. Dire que dans quelques années, je devrais les retrouver avec une clope dans le bec et en cercle pour comparer la taille de leur…
Une explosion me coupa (heureusement) dans mes pensées et me fit faire un petit bond en arrière. Mon cœur battait la chamade, plus surpris qu’effrayé. Entre ça et le piège à pies… Quelle journée ! Les éclats de rires reprirent et le groupe admira son œuvre avant de plonger dans un nouveau jeu : la recherche des bouts de lézard éclaté par un pétard bon marché.
Je m’avançai vers eux. A ma vue, leurs sourires s’évanouirent et la crainte de représailles se lut dans leurs pupilles.
-Ça vous amuse ? demandai-je d’un ton sévère.
Ils étaient quatre : un petit, un gros, un plus gros et un blond.
-Il… Il était mort, il a rien senti, dit ce dernier.
-Avec une telle argumentation, tu devrais penser à faire du droit après l’école, toi, me moquai-je.
-Vous allez nous balancer ?
Ah… Le bonheur d’être vouvoyé.
-Vous pouvez pas de toute façon, s’exprima alors le plus gros. Avec l’explosion, toutes les preuves ont… ont disparu et ce serait idiot de… de nous dénoncer… Le lézard a disparu maintenant.
Un sourire se dessina sur mon visage. Il devait être pervers, à l’image de l’idée qui venait de germer dans mon esprit, car leurs yeux trahissaient une vive inquiétude.
-Une explosion, dis-je en éclatant de rire.

Je n’étais pas un amateur d’alcools, mais ce que je cherchais au plus profond de mon placard m’arracha un sourire satisfait : une bouteille de vodka, vieille de cinq ans. A l’époque, je l’avais achetée pour saouler Croquette et le regarder marcher en se prenant les murs. Cette fois, elle me servirait dans un but plus important mais tout aussi ludique.
« Avec l’explosion, toutes les preuves ont… ont disparu et ce serait idiot de… de nous dénoncer… Le lézard a disparu maintenant. »
Maman n’aimait pas trop la vodka. Il était temps de vérifier la réciproque. Le lendemain était un dimanche. Et le dimanche, nous avions pour habitude de manger dans le salon-salle à manger, histoire de préserver une certaine illusion comme quoi le jour du seigneur (non, pas de majuscule ici merci) était bien distinct des autres. En quelque sorte, c’est vrai : c’est le jour le plus triste !
Maman irait préparer la viande dans la cuisine pendant que moi, je cuisinerai ma frangine sur le QI de Julien. Et lorsque notre maternelle allumerait la plaque (que j’aurais malmenée avec un couteau fin au niveau des sorties de gaz avant de les imbiber de vodka), les flammes de mon au revoir la prendraient par surprise et lui exploseraient le visage. Avec un peu de chance, du verre pourrait éclater aussi et finir de l’achever (oui, les plaques d’aujourd’hui sont de bien piètre qualité).
« Cette fois, ni la coupure d’électricité, ni le téléphone ne te sauveront Maman. »
Satisfait de cette fin de journée, je me décidai à me mettre au lit assez tôt pour lire un comics. Après le repas, je me rendis rapidement sur l’ordinateur dans le coin du salon pour me connecter à Headpage, le réseau social le plus en vogue du moment. Je m’étais inscrit uniquement pour que Virginie me lâche la grappe à ce sujet ; elle voulait absolument que je sois marqué comme étant son petit ami sur sa page personnelle. Chiant sur le coup, je dus rapidement reconnaître que ce bol à grains pour pigeons constituait un bon divertissement. Les mecs et les gonzesses inscrits y étalaient à la troisième personne toute leur vie, parfois dans des détails assez « intimes » : « Un tel est fatigué », « Un tel a mangé des pâtes. », « Une telle se sent seule ». Passionnant. La palme de carton étant toutefois réservée à « Un tel ne veut plus qu’on lise quoi que ce soit de lui ».
Headpage était un phénomène contemporain vraiment incroyable, qui permettait à tout un chacun d’y trouver son compte. Certains participaient à une apparente compétition consistant à accumuler le plus de contacts possibles, et je doutais qu’ils les connussent tous ; le syndrome « la mienne est plus grosse que la tienne » je présume. D’un autre côté, les sans-amis étaient satisfaits, car ils se retrouvaient très vite avec deux voir trois cents contacts, tous plus moqueurs les uns que les autres, mais au moins, ils n’étaient plus des reclus officiels. Les pervers amoureux du fond de classe avaient, quand à eux, un moyen parfait pour s’agiter l’asticot devant les photos de leurs greluches préférées postées par leur propre soin ! Ceci pouvait-il être autre chose que parfait ?!
Le plus drôle de tout dans Headpage était donc son utilisation par les internautes. Sérieusement, ce site était un vrai compteur d’intelligence. Quand je voyais une gosse de riche qui mettait sur son profil des photos de soirées alcoolisées dans la maison de ses parents à deux étages avec piscine et jardin et qu’elle précisait un beau jour « Part en vacances dans un autre pays »… Vous avez compris. Nom : de Service. Prénom : Blonde. Profession : brocante gratuite.
Je ne postais jamais rien dessus, je n’en voyais pas l’intérêt, ni de partager une joie quelconque, ni d’expliciter une certaine tristesse. Mon choix fut vite pris. Un jour, quelqu’un avait posté « Est célibataire, ma copine m’a abandonné, je me sens nul, je veux mourir. » Quinze personnes ont aimé ça. Bon ok, quatorze si vous ne me comptez pas !
Je me déconnectai, vérifiai que personne ne m’observait, et tapai un nouveau mot de passe. Je me retrouvai alors sur le compte de Sylvie. Cette garce avait plus d’amis que moi et, curieusement, elle avait refusé de me reconnaître comme étant son frère. C’était d’autant plus vexant qu’elle considérait sa meilleure amie comme sa sœur sur sa page.
Je tapai rapidement un message en son nom « A oublié ses tampons chez la gynéco, je vous parle pas des soldats anglais dans les draps. » Oui, je sais, c’est petit, mais il fallait bien que je me venge. Je me déconnectai à nouveau et quittai l’ordinateur.
Je souhaitai la bonne nuit à la madre, snobai ma sœur et jetai un coup d’œil à la plaque de cuisson dans la cuisine avant de monter les escaliers.
Une question me trottait dans la tête : mettrais-je sur Headpage « Est orphelin » ?
En tout cas, une chose était sûre, je serais le premier à aimer.

Commentaires

glastrone

03/06/11 à 11:33:00

On voit le changement !
j'apprécie aussi les bons sous entendus, plus tirés irl qu'autre chose..

même si c'est pas très fin, je me sens flattée :p

a vrai dire, je préfère maintenant..
donc..

SWEET !

Coco-57

02/06/11 à 21:08:55

Un seul mot : J'aime

Sheyne

02/06/11 à 17:48:07

Je suis toujours aussi fan. J'espère une suite bientôt ! =)

Fannalo

02/04/11 à 18:35:53

Jviens de tout lire, et j'ai qu'une chose a dire: Félicitation. Continue comme ça! (non, continue pas a faire le flemmard :noel: )

IIXdarkXII

01/04/11 à 21:19:40

:hap:

IIXdarkXII

01/04/11 à 21:19:25

Ce n'est pas une mère mais les méthodes marchent également pour un autre membre de sa famille

DoublePatte

01/04/11 à 19:09:02

J'attends avec impatience : J'ai une mère à tuer :hap:

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