Chapitre 2 : Un Malemort-Sec


Vêtu de ma chainse, de mes braies et de mes houseaux, je sortis par cette humidité de printemps, le fléau sur mes épaules, la houe et la faucille retenus par la ceinture, l'ayr sûr de moi.
Le domayne était peu vaste, et attendoit encore d'être battu. Et la seule chose que je n'espérois point voir était là.

Malemort-Sec et sa bande de freluquets étaient encore venus me chercher querelle !

- Malemort-Sec : "Donne-moi ton fléau et laisse-moi battre de ton blé, sale jouvenceau, si tu ne veux que ce soit toi que je batte ! "
Et sa bande de rire.

Malemort-Sec était originoyre d'une famille plus pauvrette encore que la mienne. Il avait pour habitude de, à peu près tous les matins, venir substituer un peu de mes victuailles.
Que pouvois-je faire ? Malemort-Sec me surpassoit. Il était passé sur maintes catins, avait violé maintes vierges, et si je ne voulois pas que ce soit moi qu'il violasse ( ), il me falloit me plier à sa mercy.


- Moi : "Voilà", que fis-je en donnant le fléau.
Je reviendroy à treize heures battantes. Heureusement que nous avions de la réserve.

- Malemort-Sec : "Bien, le misérable. Maintenant, disparais, et va jouer avec ta tribu des jouvenceaux."

Voilà ce qui avait lieu chaque jour, et ce depuis mon plus jeune âge. Malemort-Sec me laisseroit un peu de blé ; à croire qu'il aimoit me voir encor en vie.
Et voilà ce qui devoit avoir lieu : je m'engageroy entre les champs et les paysans, et je me rendrois chez mon ami Jean-Castre les Boules, où je l'aideroy à battre son propre manger.