<h1>Noelfic</h1>

Si je tombe


Par : Lucie

Genre : Sentimental , Réaliste

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 1

Chapitre 1

Publié le 19/08/13 à 18:21:02 par Lucie

Lui je l'aime autant que je te hais, je crois.

« Le désir est contagieux quand il est passionnel »
[ Andrei stoiciu ]



Je n'ai pas le temps de souffler un mot que tu es déjà assis à l'extrémité du matelas, aussi loin de moi que l'espace du lit te le permet. Tu allumes une cigarette, comme toujours. Tu ne prends pas la peine de croiser mon regard, et c'est tant mieux, j'ai peur de ce que je pourrais lire dans le tien. J'ai envie d'entendre ta voix, mais je sais que c'est trop te demander, alors je reste silencieuse et immobile, enroulée dans tes draps blancs.

Tu te demandes sûrement comment on en est arrivé là. Ne t'inquiète pas, je me pose la même question, chaque jour ; elle est récurrente. Si tu as trouvé une réponse, dépêche-toi de me la dire, je n'en peux plus de tout ça. Ne vois-tu pas combien j'ai mal ? Combien ta présence consume doucement le peu d'existence qu'il me reste ?

Je sais que tu me détestes, mais c'est pas grave parce que je te déteste aussi. Pour ce que tu fais, ou plutôt pour ce que tu ne fais pas. Pour tes actes passés mais aussi pour tes actes futurs. Je déteste le fait que tu sois en vie, le fait que tu existes toi aussi. Il aurait fallu que Dieu nous sépare. Qu'Il nous place assez loin l'un de l'autre ; pour qu'on ne puisse plus se faire autant de mal, tu ne crois pas ?

Tu souffres ? Moi aussi. J'espère que c'est très douloureux de ton côté, parce que du mien, ça fait un mal de chien. Tu as peur ? Moi aussi. J'ai peur de toi, de nous, de ce qui pourrait bien se passer ensuite.

Tu écrases ta clope prématurément, puis recraches ce qu'il te reste de fumée. Je la regarde s'éparpiller autour de toi jusqu'à ce qu'elle disparaisse complètement, flottant dans un nuage qui nous est maintenant invisible.

Dis-moi de partir. Retourne-toi et hurle-moi de partir d'ici, et de ne plus jamais revenir. J'aimerais que l'un de nous deux soit capable de faire ça. Mais je sais que c'est impossible. C'est impossible parce qu'on a pas les tripes de se séparer une bonne fois pour toutes. On n'a pas les tripes de se dire « Adieu ». C'est con, mais c'est comme ça. Alors, pour compenser, on se détruit mutuellement.

Je n'ose pas bouger, j'ai peur de réveiller quelque chose en toi. Quelque chose de bestial. C'est ce que tu étais, tout à l'heure, bestial. Y a rien de romantique entre nous deux, pas vrai ? Je sais que tu n'aimes pas ça toi non plus. Mais je sais aussi que tu es conscient qu'aucun de nous deux n'est capable de tendresse, et surtout pas l'un envers l'autre. Quand ça nous concerne, on devient vraiment impitoyable, t'as remarqué ? On se fait mal, comme pour se venger. Oui, c'est ça, on se venge à notre façon. Tu veux que je te dise ? Tout ça n'est ni plus ni moins que de la haine. 

La logique n'est plus de notre monde. Je crois que je n'arrive même plus à comprendre le sens du mot logique. Il a déserté mon esprit depuis trop longtemps, sans doute. Notre monde. Ça sonne faux, hein ? Y a jamais eu de nous, alors pourquoi quelque chose, n'importe quoi, pourrait bien être nôtre ? Y a rien de tout ça dans notre histoire. Je suis même tentée de penser qu'on ne s'aime pas, mais ce serait mentir. 

Je t'aime autant que je te hais. Je pense que c'est pareil de ton côté, non ? J'arrive même plus à différencier la haine de l'amour. Avant, je pensais que c'était deux sentiments bien distincts, mais je commence à avoir des doutes. 

J'ai ton dos en vue. Il est encore marqué de mes ongles. Les traces sont flagrantes. Je crois même que tu saignes un peu. J'ai envie de m'excuser pour ça, mais je sais que tu t'en fous. J'ai envie d'effleurer la trace de mes ongles parcourant ta peau de mes doigts, mais je sais que tu vas me rejeter, et après tout je t'en voudrais pas. Mais si tu le fais, rejette-moi une bonne fois pour toute. 

Et si jamais elle voit l'état de ton dos, quel mensonge inventeras-tu ? Je n'en sais rien, et j'avoue que parfois j'ai envie de te poser la question. Elle n'a cependant jamais franchi le barrage de mes lèvres, et nous savons tous les deux pourquoi. 

Honnêtement, qui aurait cru qu'on en arriverait là tous les deux ? Qu'on en arriverait à se haïr tel qu'on souhaite tous deux la mort de l'autre ? Je l'avoue, je veux vraiment que tu crèves. Peut-être que je ressentirais le besoin de te rejoindre directement après, mais ce n'est pas grave, parce qu'à ce moment-là, tu n'existeras déjà plus. 

Meurs. Mourons tous les deux, bordel. Qu'on en finisse. 

Tu rallumes une cigarette, en silence. T'as pas bougé, depuis tout à l'heure. Pourquoi est-ce que tu restes là, sans rien dire ? À quoi tu penses ? Je m'assois dans le lit puis me penche vers toi. Je récupère ensuite la cigarette que tu pinces légèrement entre tes lèvres, puis retourne à ma place. Tu ne dis rien ; tu te contentes d'en rallumer une nouvelle. Ton manque de réaction est limite flippant, parfois. Ça m'angoisse d'attendre quelque chose qui ne viendra sûrement jamais. Surtout quand ce quelque chose est censé venir de ta part.

 Je tire une bouffée de ma cigarette, de ta cigarette. Y a que quand je suis avec toi que je fume, je crois que tu m'as contaminée. J'observe un instant ton dos. Tes muscles roulent sous ta peau quand tu entreprends de jeter ta cendre. Je hais la partie de moi qui te trouve incroyablement beau. Tout chez toi m'attire. C'est dingue, mais j'y peux rien. 

Tu me jettes finalement un coup d’œil et je croise tes iris bleutés. Ce que je vois dans ton regard n'est pas tout à fait ce à quoi je m'attendais. Peut-être que tu t'es enfin décidé. Tu vas le faire, n'est-ce pas ? Fais-le. Si tu ne comptes pas franchir ce pas, détourne le regard, que je ne vois plus cet éclat de remord les traverser. Je déteste quand tu fais ça. Je te déteste quand tu fais ça. 

Tu récupères la cigarette qui s'est consumée entre mes doigts, puis tu l'écrases. Tu n'as pas l'air de te soucier des cendres qui sont tombés sur tes draps, puisque directement après, tu te rallonges près de moi. Je sais ce que tu veux. Je le sais et je sais aussi que je ne pourrai te le refuser. Au fond, on est pareil tous les deux, pas vrai ? 

Si on le refait, c'est pour faire disparaître ce remord qui nous écrase de tout son poids, même si ce n'est que pour un court instant. On se laisse aller. C'est cet acte qui nous ronge, et pourtant, on ne peux s'empêcher de recommencer. C'est devenu comme un médicament. C'est la seule chose qu'on partage réellement. 

Je passe une main dans tes cheveux blonds. Tu ne me regardes pas. On ne se regarde jamais dans ces moments-là. Tu enfouis ton nez dans mon cou et je fais glisser ma main jusqu'à ta nuque. T'es brûlant. Ta peau est brûlante. Tes lèvres sont brûlantes. Ta langue est brûlante. J'aime cette impression de chaleur que tu me procures. L'espace d'un instant, j'ai l'impression d'être en sécurité.

Quand tu en as terminé, le même rituel se produit. Tu t'écartes, je sens alors le froid m'envahir, et je frissonne. Tu t'assois loin de moi, à l'extrémité du matelas, j'ai l'impression que tu es maintenant à des kilomètres, je ne peux plus t'atteindre, le moment est terminé. Fini. Ta respiration est encore un peu hachée, mais tu allumes quand même une cigarette, je sens la fumée venir jusqu'à moi, se mélangeant à l'odeur de notre transpiration, de ton parfum, du mien, et aussi de celui de ce que nous venons de faire. Je suis sûre que tu l'as sens toi aussi, cette odeur. Peut-être un peu trop. 

Je me lève, et commence à m'habiller. Il faut que je m'en aille. Tu ne dis toujours rien, tu me regardes simplement faire. Combien de fois ton regard a t-il suivit mes gestes, au moment où je pars enfin ? Je ne compte plus. Treize ans qu'on se connaît. Treize ans, putain. Tu imagines? Comment on a fait pour en arriver là ? 

On aura tout vu, tous les deux. Quand j'étais plus jeune, je pensais vraiment que tu serais mon meilleur ami pour toujours, tu sais ? Je ne sais pas quand ça a changé. Je crois que le moment où on l'a fait pour la première fois y a beaucoup contribué. Puis ça c'est enchaîné. On l'a refait ; plusieurs fois. 

Si je devais choisir deux mots pour décrire notre relation se serait sûrement : Haine et Sexe. 

C'est tout, n'est-ce pas ? C'est tout ce qui nous lie, tout les deux. Je t'ai aimé, et je crois que je t'aime encore, mais ça ne suffit plus à présent. Ça ne suffit plus parce que ce qu'on fait est mal, et que je te tiens pour responsable. C'est injuste, je le sais. C'est de notre faute à tout les deux si on en est là. 

Je prend mon sac et me dirige vers la porte de ton appartement. Ton regard me suis, je le sens. 

-Tu pars ?

J'ai du mal à croire que ce n'est que maintenant que tu t'en rends compte. Je ne me retourne pas. Je sais que tu es toujours à la même place, immobile. Pourquoi te sens-tu obligé de poser la question ? 

-Claire ?

C'est quand je m'en vais que tu me laisses enfin entendre le son de ta voix. Elle est un peu rauque, un peu mélancolique, pleine de remords. 

-Oui. 

Je te réponds d'une voix égale, même si une boule obstrue ma gorge depuis quelques secondes. Depuis que tu as ouvert la bouche, pour être plus précise.

-N'oublie pas le dîner de ce soir. 
-Je n'ai pas oublié. 

Non, je n'ai pas oublié. C'est quelque chose que je n'oublie jamais. Je sais que je dois venir, que ma présence est une obligation. Si tu me le rappelles, c'est parce que tu veux enfoncer un peu plus le couteau dans la plaie, pas vrai ?
Je sors finalement, refermant doucement la porte derrière moi. La lumière du couloir s'allume à mon passage, et je descends les trois étages qui me séparent de la sortie. Une sensation de liberté m'envahit à l'instant où je pose le pied dehors. Je suis sûre que toi aussi tu te sens beaucoup mieux quand je ne suis pas avec toi.
Je traverse la ville endormie. Il n'y a personne dans les rues qui peut constater mon désarroi, et c'est tant mieux. Je suis vaguement nauséeuse en repensant à ce qu'on vient de faire, à ce qu'on a fait, et à ce qu'on va assurément refaire. Mes pas sont mal assurés, et si j'en venais à croiser quelqu'un, il se dirait sûrement que je suis saoule. Ce n'est pas le cas, mais c'est tout comme. 

Je pénètre dans mon bâtiment. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai parfois l'impression qu'on a fait exprès de prendre des appartements si proches. Cette relation nous consume tout les deux, on en vient même à faciliter ces échanges inconsciemment, jusqu'à habiter trop près l'un de l'autre.  

Il y a Jess assit devant la porte de mon appartement. Mon cœur s'affole, comme toujours. J'ai peur qu'il comprenne. Qu'il comprenne que mes absences en pleine nuit ne sont pas aussi justifiées qu'il n'en paraît. Je vais encore lui sortir un bobard, pour nous couvrir. Je déteste faire ça. Je déteste lui faire ça. 

Parce que lui je l'aime autant que je te hais, je crois. 

-Qu'est-ce que tu fais là ?

Il relève la tête, et même dans la pénombre du couloir, je peux voir le soulagement se lire dans ses prunelles dorées. Il est soulagé que je sois rentrée en un seul morceau. Il se lève et s'approche, alors que je cherche les clefs dans mon sac d'une main tremblante. Les mensonges me rendent fébrile.

C'est de ta faute.

-Je t'attendais. Où étais-tu ?

Il m'attendait. Comme toujours. Lui m'attend alors que moi je tente de le fuir. Je ne veux pas qu'il souffre, et pourtant je ne veux pas qu'il me laisse. Si quelqu'un doit le laisser, alors ce sera à moi de le faire. Mais je n'en ai pas le courage. Je n'en ai jamais eu le courage. 

-Chez Marie. 

Marie ne sait rien elle non plus. Personne ne sait rien. Personne n'a compris et personne ne comprendra jamais rien. C'est comme ça, on fait tout pour que ce soit comme ça, et ça restera toujours comme ça, pas vrai ? 

Il ne dit rien et m'enlace par derrière alors que j'ouvre la porte de l'appartement. Je ne sais pas s'il sent ton odeur sur ma peau, s'il sent l'odeur de ma sueur se mélanger à la tienne. J'ai peur qu'il le découvre, si tu savais. 

Il est minuit passé, depuis combien de temps attend t-il devant ma porte ? Pourquoi ne pose t-il jamais de question ? Pourquoi jamais plus que l'habituel « où étais-tu ? » ? Fait-il semblant de ne rien voir ? Fait-il semblant de ne pas savoir ? 

-Je vais prendre une douche. 

Je lui annonce ça d'une voix blanche. Il ne se préoccupe pas de mon état catastrophique et acquiesce en silence, alors qu'il s'assoit sur mon canapé blanc. Il se désintéresse de moi au moment où la télé s'allume. Il n'a pas l'air en colère, ni fatigué. Il est juste là. On est censé formé un couple, après tout. Est-ce que ça te met en colère de savoir ça ? Je ne pense pas, parce qu'au fond, c'est pareil de ton côté. 

Je me lave de tout ce qu'on a fait ce soir alors que l'eau chaude coule sur ma peau. Je ferme un peu plus le robinet d'eau froide au fur et à mesure que les minutes s'écoulent. Ça brûle, mais c'est pas grave. J'ai la peau presque rouge maintenant, la morsure de l'eau brûlante est plutôt douloureuse. Je frotte mon corps et l'odeur de vanille remplace bientôt la précédente. À partir de là, c'est comme si j'avais rêvé tout ce qu'on a bien pus faire jusqu'ici. La réalité s'imposera vraiment à nous que lorsqu'on aura décidé d'en discuter à voix haute. Je ne sais pas si ça arrivera un jour, mais ça n'a pas d'importance. C'est mieux comme ça, après tout. 

J'enfile ma nuisette bleue et attache rapidement mes cheveux noirs en un chignon lâche. Je rejoins ensuite Jess sur le canapé, posant ma tête sur son épaule. Je ne sais pas à quoi il pense. Parfois il me fait penser à toi, ainsi muré dans son silence. Je déteste penser à toi lorsque je suis avec lui, mais ça ne se contrôle pas.

-Tu dors ici ?
-Si ça ne te dérange pas. 

Non, ça ne me dérange pas. Pas vraiment, du moins. 

-Non, tu peux. 

Il me sourit vaguement, puis repose les yeux sur l'écran de télévision. Son bras passe autour de mes épaules et il me serre contre lui. Je ferme un peu les yeux.

Jess à la tendresse, lui.
Pas comme toi.
Pas comme nous.

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