<h1>Noelfic</h1>

Le_Dieu_Mouche


Par : Pseudo supprimé

Genre : Inconnu

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 5

Publié le 19/08/13 à 01:18:13 par Pseudo supprimé

Une entrée doit se trouver quelque part dans ma caverne, mais je ne sais pas si la rapidité de cette avenue permettra de rattraper le temps perdu à la rechercher. A l’inverse un retour à ma dimension originelle serait aisé, je sais comment me repérer, à la lueur des songes, dans le dédale de néant qui sert de frontière. Chaque matin j’interromps mes recherches à la venue d’arcs-en-ciel de brume étrange qui posent un pied dans mon royaume et illuminent son horizon infini. Je monte sur une colline et m’abandonne à une contemplation songeuse. Des visages humains, des villes ensevelies, des créatures mystérieuses apparaissent par transparence dans cet impalpable brouillard de lumière. Je sais désormais ce que sont ces arcs-en-ciel, ce sont des résidus de rêve humains au réveil, en transition entre la conscience et l’oubli, un pied dans cette dimension et l’autre encore posé dans mon monde d'origine.

Alors, je sais que je n’ai qu’à remonter le courant de cette brume étincelante pour refaire surface sur ma terre natale. Je pourrais à nouveau sentir ce goût perdu que ne font que m’évoquer ces apparitions, faire peser mes pas sur les sentiers du réel, respirer de l’air, céder au sommeil, bref, me sentir humain à nouveau. Il me faudra en revanche faire très attention à ne pas recréer de liens similaires à ceux qu’autrefois j’ai eu tant de mal à rompre. Je ne veux pas faire marche arrière et les liens sont des chaînes dans lesquelles je ne veux pas revenir. Je peux m’autoriser à me sentir humain à nouveau, mais certainement pas à le redevenir et ainsi retomber sous le joug du Dieu Mouche, moi qui suis si près d’être son égal ! Que penserait-il d’un tel rebondissement ? Il rirait certainement de ce dénouement qui signifierait que les humains sont trop attachés à leur faiblesse, à leur soumission aux destins qu’il leur compose. Pourtant, s’il a un jour été autre chose, s’il a, comme je l’ai fait, dû sacrifier une partie de sa nature pour obtenir ses pouvoirs, je suis sûr que son rire prendrait vite une teinte amère. Il se poserait certainement la question de savoir ce qui avait bien pu m’amener à vouloir retrouver l’humain dont j’avais eu tant de mal à m’échapper, et il repenserait avec nostalgie à l’époque où il était si agréablement vulnérable et faible, où il n’avait qu’à se laisser porter par la destinée plutôt que de devoir perpétuellement la forger à coups de mort. Quelle issue ironique ce serait, de le voir finalement se morfondre dans de la nostalgie !

Il est évident que je ne peux accepter cela. Je veux lui donner bien plus, lui offrir la bataille de sa vie d’immortel, lui donner la peur et l’excitation ; au fond je suis sûr que malgré son sens du devoir il m’est quelque part reconnaissant de le faire enfin sortir de sa routine meurtrière.

D’un autre côté, je ressens, presque imperceptible, une perturbation à l’idée de retourner dans mon monde natal. Un murmure, un souffle des confins de mon être m’incite à abandonner cette entreprise, comme si elle impliquait obligatoirement cette marche arrière que je ne veux pas accomplir, comme si au contact du monde réel je redeviendrais inévitablement humain. A l’inverse l’alternative de la route ancestrale qui m’est encore invisible m’inspire un « oui » presque inaudible. J’ai tout à apprendre de ce sentier abandonné, je ne sais dans quel but elle fut construite, ni qui pouvait voyager ainsi entre les mondes. J’ai le sentiment que c’est cet itinéraire qui me permettra d’apprendre et de grandir, d’acquérir les aptitudes nécessaires pour vaincre mon adversaire, c’est même logique : le Dieu Mouche surveille mon monde depuis la nuit des temps et il a du prendre soin de détruire tout ce qui pourrait, même à une probabilité ténue à l’extrême, risquer de remettre son règne incontesté en question. Je n’ai rien à apprendre d’utile dans cette direction, alors que les diligences qui voyageaient de monde en monde renferment, j’en suis sûr, un savoir infiniment plus grand. Un savoir qui me permettra notamment de mieux connaître l’armurier que je dois rencontrer.

Il m’apparaît désormais évident que c’est vers ce raccourci dissimulé que je dois m’orienter. J’ai donc fait mon choix, et déjà mon regard revisite chaque recoin de mon antre. Le passage est là, il ne devrait plus m'être secret. L'humain me ronge encore de trop, je me comporte comme lui. La tentation du beau, le désir de l'émerveillement m'attire. Je ne dois plus regarder ces arcs-en-ciel aux rayons fabuleux avec l'impatience d'un petit garçon curieux. Au prochain cycle je ne me précipiterai pas pour contempler ce feu d'artifice, je n'abandonnerai pas mes recherches comme je l'ai toujours fait jusque ici, hypnotisé par le désir de la contemplation, par l'envie de me vautrer dans les sentiments humains. D'avoir échappé au réticulé fait de moi un décalé en mutation et mon antre est ma chrysalide.

Mes sens doivent pouvoir acquérir de nouvelles fonctions et je me dois de les posséder. Ces éclairs à la lumière rémanente qui éclairent par intermittence mon refuge sont à moi. Je piégerai ces particules lumineuses dans le miroir de l'eau de mes yeux pour avoir une autre optique, je pourrai alors voir ce que je n'ai encore jamais vu, regarder avec une acuité visuelle qui m'est inconnue. L'aveugle que j'étais verra pour la première fois. Je ne dois plus douter, ni laisser la peur s'insinuer en moi. C'est ça qui me fait traîner dans mon cocon, la frayeur de mon devenir me paralyse. C'est trop tard, mon métabolisme est déjà en train de se métamorphoser et je ne peux plus rien y faire. Je n'ai plus à craindre mais à accepter de perdre mon identité primaire. D'ailleurs je ne la perdrai pas entièrement, je garderai mes initiales molécules et ce que j'étais deviendra ce que je serai. Mes yeux sont irradiés, je ne vois plus rien parce que je vois tout autrement. Je trébuche sur ce qui m'était invisible et j'ai l'impression de pleurer du sang. Je reste assis dans un coin sûr en attendant que cette agonie devienne une délivrance. Je ne sais pas encore de quoi mes yeux sont capables maintenant mais je vois enfin cet escalier qui descend et qui mène au chemin ancestral.

Je suis suffisamment vaillant pour l'emprunter. Mes pas résonnent dans un son qui m'est inconnu. J'ai juste eu l'idée d'ôter mes chaussures et me voilà déjà pieds nus, ma peau me renseigne sur mon espace plus que jamais, je ne reconnais pas les odeurs qui m'entourent, je ne connais pas cette dimension. Je ne sais combien de temps a duré cette escalade inversée. Le temps s'oublie de lui même ici, c'est à moi de vouloir m'en rappeler ou pas. L'exercice est très déstabilisant. Je ne suis pas surpris de me retrouver dans cette gare silencieuse. Je ne sais pas pourquoi je m'y sens bien, je la connais comme si c'était moi qui l'avais construite. C'est l'originelle dimension, le carrefour des chemins, là ou tout commence et tout se perd. Je ne suis plus dans le pensé, je suis dans l'action. Un train viendra bientôt je le sais, est ce celui là qu'il faut que je prenne ? Le doute n'est plus permis je m'en remets à...

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