Comme la première fois, Samus se posa lourdement sur le sol, mais son exosquelette amortit grandement le choc. La salle était sombre, et le halo bleuté qu’elle avait vu en entrant la première fois avait bien entendu disparu.
Samus fit un pas, mais s’arrêta aussitôt après : des spots s’allumèrent et la lumière vive l’aveugla quelque peu. Apparemment, on l’attendait… Quand ses yeux furent habitués à la clarté, elle put enfin voir la salle. Les Pirates avaient donc installé leur vrai poste de commande ici, au plus profond du cratère, à l’abri de tout, sauf de sa détermination. Il y avait là bien entendu de nombreux ordinateurs de contrôle, quelques scientifiques et beaucoup de soldats. Et au milieu de tout ce beau monde, trois gradés, qui la dévisageaient… Tous les fusils galvaniques étaient pointés sur elle, la chasseuse ne pouvait pas bouger.
Un des trois gradés, qui était environ à vingt mètres d’elle, fit un pas en avant et lui demanda de s’approcher. Peu confiante, Samus regarda les soldats, anxieuse. Voyant qu’il n’y avait pas d’issue, elle se résigna et avança lentement vers les gradés. A son passage, les Pirates tremblaient presque mais essayaient de rester stoïques et de la tenir en joue.

Samus arriva tout près du capitaine. Elle allait écouter ce qu’il avait à dire, et après, elle tenterait sans doute une percée.
Le Pirate s’approcha encore d’un pas, et commença son discours.

« Tout d’abord, félicitations, jeune fille ! Nous ne pensions pas que tu trouverais cet endroit aussi vite. C’était une bonne idée de venir se cacher ici, tu ne trouves pas ?
- …
- Ah, tu préfères garder le silence. Très bien, dans ce cas, ouvre bien tes oreilles. Tu te trouves donc ici dans notre usine secrète. C’est ici que sont créés les clones de notre cher Ridley et c’est ici que sont implantés les endosquelettes bioniques. Tout le reste n’était que supercherie, mais ça, tu le sais déjà. Aussi, je tiens à te féliciter pour avoir survécu à l’explosion de la fausse usine sur Drobe.
- Je serais morte sans l’aide de votre ancien allié… Ridley.
- Oh ? Il t’a sauvé ? Comme c’est touchant… Après avoir ruiné ta vie, voilà qu’il la sauve. Je suis ému ! dit le Pirate en se moquant, accompagné par les rires des soldats.
- Rigolez tant que vous le voudrez mais pour une fois, j’ai un allié. Ridley vous cherche et veut se venger de ce que vous lui avez fait subir. Il arrivera d’une seconde à l’autre et viendra vous réduire en lambeaux !
- Je sais. Il est déjà là, il t’attend.
- … Hein ? Je…
- Hé oui. Il faut se rendre à l’évidence : encore une fois, tu es tombé dans le piège ! »

Une ombre s’approcha alors, venant d’un coin reculé de la salle, qui n’était pas éclairée par les projecteurs. Samus reconnut cette silhouette caractéristique et pataude dès qu’elle n’était plus dans les airs… C’était bien lui. Il était là, terré dans son coin. Il l’avait trompé. Elle n’en croyait pas ses yeux. Comment avait-elle pu être si naïve… ?

Ridley prit la parole :

« Ah, content de te revoir, X-28 ! Ou plutôt devrais-je dire Samus ! Franchement, qui pensais-tu pouvoir berner avec cette ruse pitoyable ?
- Mais… Je… Tu n’es…
- Jamais je ne me rangerais à tes côtés, petite sotte ! Tu t’es fais avoir, une fois de plus. Dans toute cette affaire, tu as été mené en bateau du début à la fin !
- Mais… Je ne comprends plus…
- Il faut donc tout t’expliquer… Eh bien, c’est facile. De la même façon que nous t’avons fait venir sur Drobe, nous nous sommes arrangés pour te faire venir ici. Je me suis glissé dans le réservoir de stase et je t’ai sauvé exprès pour que tu puisses venir ici afin que je te tue. J’avais l’occasion de te lacérer entre mes griffes, il a été difficile pour moi de me retenir…
- Tout ceci n’était… que mensonge.
- Oui. Tu as été trompé. La base de données que tu as détruite contenait des données erronées, sauf celles concernant l’emplacement de l’usine. Nous savions que tu ne prendrais pas le temps de tout examiner, donc que tu te précipiterais ici sans faire attention que les fichiers que tu avais téléchargé étaient tous faux.
- … J’aurais dû m’en douter. La garde était trop faible pour une base de données centralisée. J’ai été stupide.
- On peut le dire, oui ! dit-il en riant.
- Mais… Je voudrais savoir… Qui ai-je affronté durant toutes ces années ? Des clones ?
- Oui et non. Je suis mort sur Zebes lors de ta première mission. Depuis, tu as affronté des clones dotés de ma conscience, mes souvenirs, mon caractère. Des doubles, ce serait le terme approprié. Cependant, dire que je suis mort et inexact. Grâce à une technologie pirate, les survivants de Zebes m’ont ramené à la vie. Je suis le seul être à avoir pu disposer de ce genre de progrès. Mais les conséquences ont été dures pour moi : graves troubles musculaires et cérébraux, instabilité cellulaire, troubles divers. C’est pourquoi durant toutes ces années, le plan RV7 a pris ma place. Tu as affronté des doubles pendant que j’étais soigné en toute sécurité. Désormais, j’ai retrouvé toutes mes capacités. Je suis bien l’original, le seul et unique Ridley !
- …
- Et maintenant, il faut que je termine quelque chose que j’ai commencé il y a longtemps. Il faut que j’en termine une fois pour toute avec ta famille. Ton père a ruiné mon vaisseau et la cargaison d’afloraltite que nous venions voler. Et ta mère m’a empêché de te tuer ! Je dois en finir avec ta misérable vie, vermine ! »

A ces mots, les Pirates se dispersèrent, en prévision du combat approchant, et se cachèrent un peu partout dans la salle. Ridley cracha subitement une boule de feu vers Samus, qui esquiva tant bien que mal. Elle roula sur le côté, activa son lance-missiles et fit feu avec tant de haine que le ptérodactyle ne put pas éviter les cinq missiles lancés vers lui. Il fut touché à la tête et au torse, mais il en fallait plus que ça pour mettre à terre cette masse de muscles.
Ridley ne pouvait pas voler dans cette salle, trop basse de plafond. Mais il pouvait toujours se servir de ses ailes comme protection. Samus lança une nouvelle salve, mais Ridley agita ses ailes si violement qu’il repoussa les missiles en direction de la jeune dame ! Un tir revint exploser près de ses pieds, Samus fut projeté en arrière et heurta un rocher : elle était sonnée.
Le Dragotournos s’approcha de sa proie. Il allait la saisir entre deux griffes et transpercer le métal, lorsque Samus se releva soudainement et assena un grand coup de pied dans la patte du reptile. Surpris, il recula un peu, et Samus put exploiter la faille en tirant un super missile en plein torse. Ridley fut touché violement, si on juge par le craquement que produisirent certaines de ses côtes. Du sang commençant à s’écouler de la plaie, il avait du mal à respirer. Mais dans un effort draconien, il parvint à surprendre Samus d’un geste brusque : la gueule ouverte, il saisit la proie entre ses crocs et tenta de l’avaler ! Samus réagit vite en faisant feu dans sa gueule. Ridley hurla de douleur mais ne lâcha pas prise tout de suite. Samus fit feu de nouveau, et cette fois, Ridley jeta sa proie violement en l’air. Samus heurta le plafond de la salle et retomba, quatre mètres plus bas. Elle avait perdue connaissance. Son costume avait subi de graves séquelles et elle était blessée. Ridley n’allait pas fort non plus, il crachait du sang par litre et avait du mal à garder son équilibre.
Péniblement, Samus se releva. Son viseur afficha un message qu’elle n’avait pas envie de voir : défaillance du lance-missiles. Elle ne pouvait plus s’en remettre qu’à ses rayons, à moins que…
Elle chargea donc un tir et fit feu vers Ridley. Elle lui transperça une aile, dans un cri de déchirement atroce. Fou de rage, Ridley se jeta de nouveau la gueule ouverte sur Samus. Affaiblie, elle ne put pas éviter l’attaque. Et Ridley l’engloutit d’une traite…
Sauf que c’était ce que Samus voulait... Elle se changea en boule morphing, et Ridley put l’avaler plus facilement encore. Elle y était presque… L’estomac du monstre. Enfin, elle y était arrivée. Si elle ne pouvait pas le détruire de l’extérieur, elle le détruirait de l’intérieur.

Ridley n’était pas mécontent de ce qu’il venait de faire. Soudain, il sentit une chaleur intense au plus profond de lui, suivi d’une douleur indescriptible. Et finalement, son ventre explosa sous la poussée de la bombe de puissance posée par la chasseuse, répandant son sang et ses viscères dans toute la pièce. Au beau milieu de cette mare rougeâtre, Samus se releva et contempla son œuvre. Il n’était pas encore mort mais c’en était fini, cette fois. Il la dévisagea et l’aurait insulté s’il l’avait encore pu. Il s’effondra peu à peu dans un silence de mort. Ses yeux se fermèrent, son cœur lacéré s’arrêta de battre. Samus avait gagné, elle avait vengé sa famille, une fois encore.
Dans ce silence qui suit les cataclysmes, les soldats commencèrent à sortir de leurs cachettes comme des rats. Leurs yeux exorbités contemplaient ce qui restait de leur chef. Les moins courageux décidèrent de jeter leurs armes et de se mettre à genoux pour implorer la chasseuse de les épargner. Quant aux plus réticents, ils durent se rendre à l’évidence et rendrent les armes à leur tour, car ils étaient trop peu face à cette terreur. Samus n’était pas peu fière d’elle. Elle se demanda ce qu’elle devait faire maintenant : tout faire sauter pour effacer les traces, ou bien appeler des renforts de la Fédération pour faire le ménage. Pour une fois, la violence serait sans doute la moins bonne solution, puisque des survivants pourraient s’enfuir à nouveau. Elle décida donc de contacter la Fédération. Puis elle ordonna à un des gradés d’annoncer via des haut-parleurs que toute l’usine devait se rendre et que les chaînes de montage devaient être stoppées, sans quoi tout sauterait. En quelques minutes, l’intégralité du personnel était rassemblé dans l’ancienne chambre du Phazon, tandis que Samus surveillait tout ce beau monde en attendant les secours.