<h1>Noelfic</h1>

L_etreinte_du_serpent


Par : Pseudo supprimé

Genre : Inconnu

Status : C'est compliqué

Note :


Chapitre 1

Rêve

Publié le 19/08/13 à 01:14:52 par Pseudo supprimé

L'étreinte du serpent

Ce soir-là, Une belle nuit étoilée recouvrait les immeubles du XVIème arrondissement de Paris. L'air de la capitale respirait une tranquilité inhabituelle, parfois troublée par le bruit feutré et lointain d'une voiture solitaire. Des flocons tombaient avec paresse sur une couche de poudreuse fraîche et douce. Deux heures du matin, au coeur de l'hiver. La ville entière recouverte de neige, tout le monde restait chez soi pour la nuit, au chaud sous des oreillers de plume.
Pourtant, à la fenêtre d'un appartement du cinquième étage, une silhouette blanche au cheveux noirs se tenait à la fenêtre. Une jeune fille, en robe de chambre, pieds nus. Son index délicat posé sur la vitre crasseuse, elle perdait son regard dans la myriade de flocons blancs qui dansaient au dehors.
Elle n'attendait personne. Elle jetait juste ses yeux vert olive sur l'immeuble d'en face, sans même regarder vraiment les balcons. Non, elle ne fixait que son reflet, image éthérée de sa silhouette blanche, qui laissait transparaître le boulevard enneigé, et les riches façades des immeubles du centre de Paris.
Elle ne pouvait pas dormir. Même glissée sous les couvertures, la tête sur l'oreiller, elle gardait les yeux désespérément grand ouverts, sans savoir pourquoi. Elle s'était levée pour contempler la nuit, cette si belle nuit d'hiver en noir et blanc.
Alice repassait sans sa mémoire les évènements de la soirée. Un dîner familial, dans le grand salon de l'hôtel particulier de son père. L'abondance du repas avait peut être provoqué ces insomnies habituelles. Dindes rôties, cailles en sarcophage, plat de saumon frais, petites assiettes de foie gras et de caviar, et enfin champagne, sans doute beaucoup trop de champagne. Un prétendu dîner d'affaires, mais surtout une bonne occasion pour son père de rencontrer ses amis hauts-placés, et d'entretenir des relations cordiales. Le genre de repas auquel Alice assistait pour les plaisirs de la table plus que pour la conversation des invités. Elle savait qu'elle était une poupée, un bel objet de plus à ajouter dans la collection d?antiquités de son père. Sans doute même le clou de sa collection, qu'il présentait avec fierté à ses camarades, qui en appréciaient la valeur. Après tout, Alice n'était pas si gênée. Elle connaissait son charme, et l'influence qu'elle avait naturellement sur les hommes. Jouer un moment la vierge effarouchée ne la dérangeait pas outre-mesure, tant que les attentions de ses admirateurs ne dépassaient pas le regards. Et puis, son père lui laissait la liberté de rentrer chez elle avant la fin de ces interminables soirées. Comme ce soir.
La vue du boulevard, pourtant si calme, ne l'aiderait pas à s'endormir. Résignée, elle se recoucha, la tête sur l'oreiller de velours blanc, le regard posé sur la petite glace installée à l'extrémité de son lit. La chambre était plongée dans l'obscurité, et seules quelques faibles lueurs venant de l'extérieur se reflétaient sur le cadre doré du miroir. L'image calme de son reflet, légèrement éclairée par la lune et les étoiles, avait le don de reposer ses yeux. Alice se sentait, enfin, gagnée par le sommeil, partir, s'envoler, tomber, dans la chaleur rassurante des couvertures. Ses paupières alourdies se fermaient lentement.
Alors qu'elle achevait de sombrer dans l'inconscience, une lueur au fond du miroir attira l?½il encore entrouvert d'Alice. Une lueur, et un regard. Cette sensation étrange d'être observée. Une image traversa son esprit en un éclair. Deux grands yeux noir, ambrés, qui s'approchaient lentement d'elle, au travers du miroir. Un regard froid, mais un regard brillant, inhumain. L'image était si claire et saisissante qu'elle voulut ouvrir les yeux, mais elle n'avait plus même la force de soulever ses paupières. Et pourtant sa conscience éveillée criait de détresse, impulsant à son corps de bouger, de se lever, de courir. Pourtant, ses bras et ses jambes ne répondaient pas, tendus, crispés, accrochés au matelas.
La température de la pièce augmentait, comme si un feu de braises et de flammes s'était allumé dans la chambre, diffusant lentement sa chaleur. Ce n'était pas désagréable, même tranquillisant peut-être. Une voix chantante lui parvenait à l'oreille, qui récitait une étrange comptine, dont elle ne saisissait pas le sens. Toujours clouée à son lit , la jeune fille sentit ses membres se détendre malgré elle, et sa conscience s'éloigner, sombrer à nouveau. La comptine se fit plus douce, la chaleur l'enveloppait lentement, la berçait comme un enfant trop nerveux. Ses épaules s'étaient affaissées sur le matelas, et son lit semblait plus confortable que jamais. Au fond d'elle même, une petite voix criait toujours sa peur, mais tout son corps s'était abandonné à un sommeil tranquille et profond. D'un ultime effort de volonté, elle voulut ouvrir ses paupières, mais elles restaient résolument fermées, alourdies par la fatigue et le plaisir du repos.
Bientôt, l'esprit suivit le corps, et l'angoisse cessa. Sa conscience s'éteignit lentement, comme la flamme d'une chandelle qui faiblit, et elle sentit à nouveau partir. Comme soulevée de son lit, puis transportée avec délicatesse.
Une chaleur torride brûlait sa peau, sans douleur. Elle sentait des grains de sable caresser doucement ses bras allongés sur le sable. Levant les yeux, elle aperçut une femme, basanée, qui jouait de la flute. L'image éthérée d'une jeune orientale, de dos, cachée par une tempête de sable. Au sol, des serpents couverts de motifs finement dessinés l'entouraient, se dressaient devant elle, glissaient autour de son cou, sur ses genoux et ses anches. Une bague, un anneau d'or fin, était glissé à son doigt. Alice n'en distinguait pas le motif.
Elle était nue, sur le sable, toujours incapable de bouger. Mais elle ne l'aurait pas voulu. Elle désirait toujours plus de cette délicieuse chaleur. Elle aurait voulu s'enfoncer dans le sable brûlant, si elle l'avait pu, et se donner au feu qui la dévorait déjà. Et ces yeux, qui la regardaient toujours. Ces yeux noirs et brillants. Angoissants ? Non, plutôt bienveillants, paternels, protecteurs.
Soudain, le froid du lit. la couverture. Déjà le matin. Alice regarda un moment le miroir, et n'y vit que son visage aux traits détendus. Elle se sentait reposée, plus vive et forte que jamais. Elle se souvenait de chaque détail du rêve.
Alors qu'elle se levait en souriant, elle sentit que sa robe de chambre était trempée, comme si elle avait été prise d'une puissante fièvre. Un des effets secondaires de ce rêve si réel. Son corps avait dû réagir de lui même. Elle retira sa robe de chambre désormais inconfortable, et s'assit sur le bord de son lit, les yeux fixés sur le miroir. Elle n'avait pas dormi longtemps, sans doute quatre ou cinq heures. Pourtant, elle n'avait d'autre envie que de s'éclipser hors de la maison. Elle fixait toujours le pupitre de bois et le miroir, comme si les yeux allaient revenir. Elle se sentait coupable de désirer revivre ce stupide rêve. C'était un dimanche, mais elle avait besoin de prendre l'air.
Décidée à se souvenir et à se libérer, Alice s'empara d'une feuille de papier et d'un stylo, et rédigea le rêve, qui s'effaçait lentement au fur et à mesure qu'elle l'écrivait, comme si il passait de son esprit au papier. Elle s'efforça de retranscrire chaque sensation, et chaque personnage. Cette jeune orientale... Alice ne l'avait pas vraiment vue, juste aperçue, au milieu des serpents. Pourtant, elle était belle, merveilleusement belle, Alice aurait pu le jurer. Tout est si évident et symbolique, dans un rêve...
Alice posa la feuille sur sa table de nuit, et regarda par les fenêtre. Elle était toujours nue, mais, si tôt le matin, les rues étaient vides, . Une belle journée, froide et ensoleillée. La couche de poudreuse était toujours là, fraîche, bien épaisse. Elle referma les rideaux, et se dirigea vers sa douche. L'eau coulant sur son corps évacuait la sueur, en même temps que les derniers souvenirs du rêves, qui se dispersaient et disparaissaient dans les méandres de son esprit. Alors qu'elle levait la main pour se savonner les cheveux, un éclat attira son attention. Un anneau d'or fin, à l'annulaire de sa main droite.
La jeune fille lâcha presque la pomme de douche. Tremblante de froid et de peur, elle retira l'anneau. Elle ne l'avait pas même senti, tant il allait à son doigt. Elle sentit à nouveau des sueurs froides parcourir son corps. Alice n'avait jamais porté d'anneau, elle n'en possédait même pas. Ses souvenirs du repas étaient flous, brouillés par l'alcool. Quelqu'un avait pu le lui passer pendant la soirée.
Le tenant entre ses doigts, elle l'observa attentivement. C'était de l'or fin et doré. Elle l'aurait très vite remarqué à la sortie de l?hôtel de son père. Quoique discret par sa taille, il brillait d'un éclat presque surnaturel. C'était un serpent, enroulé sur lui même, qui se mordait la queue, la gueule ouverte. L'ouvrage était d'une précision remarquable, la tête du reptile finement dessinée. L'anneau de la jeune orientale à la flute, de son rêve ? Elle avait aussi un anneau d'or...
Alice ne savait que faire. Elle ne pouvait parler de cette aventure à personne : on la croirait folle. Cet anneau n'avait pas pu apparaître seul. Quelqu'un s'était glissé dans sa chambre, c'était certain. Sa fenêtre n'était pas restée ouverte, mais pas cadenassée non plus. Le rêve avait peut être été suffisamment intense et réel pour la garder endormie. Mais même alors, quel intérêt de faire tant d'efforts pour lui glisser une bague au doigt à son insu ?
La jeune fille eut un rire nerveux. Elle avait déjà imaginé qu'un amant enflammé escalade son balcon pour la rejoindre, mais devant le fait accompli, elle ressentait plus d'angoisse que d'excitation. S'habillant machinalement, elle fourra l'anneau dans une de ses poches, et sortit sur le boulevard.

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