Aunareth s'allongea sur le sol dur. S'il n'avait pas vu que c'était de la terre, il aurait juré qu'il allait dormir sur de la roche. Les lieux n'étaient pas très confortables. En tout cas, il espérait que cette fois, il allait réellement pouvoir s'offrir une bonne nuit de sommeil. Il s'en voulu d'avoir parlé aussi durement à Grivrath. Il se rendit compte que ce n'était pas la première fois qu'il était aussi irascible. Il fallait qu'il se calme, cette chasse était en train de le changer. Glasaema et Grivrath le rejoignirent.
- Bonne nuit Aunareth.
- Bonne nuit Glasaema... et à toi aussi Grivrath. Je suis désolé d'avoir été aussi dédaigneux avec toi. Tu nous a été d'une grande aide et je t'en remercie.
Le visage de Grivrath s'illumina et il répondit.
- Merci Aunareth. Bonne nuit.
Et ils s'endormirent paisiblement.

Aunareth se réveilla en pleine nuit mais cette fois, ce ne fut pas à cause d'un rêve. Il avait senti un danger approcher à grands pas:
- Glasaema, Grivrath! Réveillez-vous, je sens quelque chose.
Ses deux compagnons ne lui donnèrent pas de réponse. Il allait les réveiller quand il s'arrêta. Avec stupeur, il contemplait l'endroit où il se trouvait et compris que quelque chose n'allait pas. Il n'y avait plus de vent et plus étrange encore, il voyait des feuilles léviter dans les airs. Elles avaient stoppé leur mouvement et restaient suspendu. Plus loin, le feu de leur campement s'était arrêté aussi. Les flammes s'étaient immobilisés et leur danse s'était arrêté net.
- C'est incroyable. Le temps s'est-il arrêté ?

Soudain, une voix se fit entendre.
-Non je suis juste rentré dans ton inconscient pour te parler.
Aunareth se retourna et vit une silhouette près de leur campement. C'était un dragon et son apparence parut familier à Aunareth.
-Ce que tu vois là n'est qu'une image que ton esprit a enregistré et ainsi, nous pouvons parler ici dans ta conscience.
- Mais enfin qui êtes-vous?
- Probablement le dragon qui est le plus heureux de te voir. Et je suis également le seul réel protecteur que tu puisses vraiment avoir face aux ennemis qui te pourchasse.
- Je suis... flatté. Répondit difficilement Aunareth. Mais vous ne répondez pas à ma question et ce n'est pas avec ces paroles que je baisserai ma garde.
-Très bien, je comprends ta confusion, c'est sûrement assez perturbant de se retrouver ici sans que l'on ne nous ait rien expliqué. Je m'appelle Derlyas.

Le dragon s'approcha d'Aunareth et ce dernier put le voir sous la clarté de la lune.
Un peu moins grand que Glasaema et arborant des écailles bleus foncées, il avait une certaine apparence mystique grâce à ces dernières qui brillaient d'une lueur spectrale.
- Vous êtes le compagnon de Glasaema, je me trompe ? Demanda Aunareth.
- C'est ce qu'elle t'a dit ? C'est probablement ce que j'aurais dû faire, et cela aurait été la meilleure chose pour nous deux. Alors disons que oui, je suis son compagnon.
- Mais vous êtes mort !
- Tu sais quand on passe sa vie toute entière à étudier la magie, on se rend vite compte que la mort n'est que relatif et que ce n'est qu'un chemin comme un autre pour notre esprit. Simplement, c'est le seul que l'on connaît. Pour ma part, j'ai pu trouvé un autre chemin comme tu peux le voir.
- Vous êtes quelqu'un de bien étrange.
- Comparé à toi, je ne suis pas plus étrange qu'un écureuil. Si tu savais le nombre d'année que moi et mes frères avons attendu afin de te rencontrer.
- Je suis né depuis quarante ans, vous pouviez venir me voir depuis longtemps.
- Mais à cette époque, tu n'étais pas le prince de lumière.
- Hein ?

Derlyas sourit. Il lança un regard amusé au jeune dragon doré.
" Il a l'air si innocent vu d'ici. " Pensa-t-il.
- J'imagine que personne ne t'a expliqué les raisons pour lesquelles, ce démon est venu te tuer.
- Un démon ? Mais quel démon ?
- Sovrak bien évidemment.
- C'est pour cela qu'il avait des pouvoirs aussi étonnant ? Et vous vous êtes trompez. Sovrak est venu pour tuer mon père... ce qu'il a fait.

Au souvenir du cadavre froid du grand dragon, Aunareth eut une boule dans sa gorge.
Derlyas répliqua.
- Non, Aunareth, c'est toi qui fait une erreur. Il a tué ton père mais c'est toi qu'il était réellement venu chercher. Toi et personne d'autres... Parce que tu es le prince de lumière.
- Mais que voulez-vous dire par prince de lumière ?
- Il y a bien longtemps, plusieurs milliers d'années auparavant, une guerre a opposé les démons d'un autre monde aux habitants de celui-ci. Les démons, avides de nouveaux territoires à annexer, ont voulu prendre notre territoire et ils tuèrent humains, elfes et nains. Mais les dragons, à cette époque, était puissant et savaient utiliser la magie. Ainsi, ils purent s'opposer aux démons. La guerre aurait pu anéantir totalement les deux camps, mais un dragon vint briser l'équilibre. Il n'avait pas de noms mais les dragons de l'ancien temps l'appelait " Somari vir lorna" ce qui veut dire prince de lumière.
Il utilisa une puissance qui nous est... toujours inconnu. Une lumière baignait son corps et montra aux démons leurs faiblesses. Il savait manipuler l'énergie autour de lui et vaincre ses ennemis de l'ombre par centaines. Il fit fuir les démons qui repartirent dans leur monde.
Cependant, avant de partir, Formvottis, le seigneur des enfers, le combattit et le prince de lumière perdit la vie dans ce combat. Formvottis, affaibli n'eut d'autre choix que de s'enfuir par le portail mais le prince de lumière, agonisant, prédit son retour. Il jura cependant à ses frères magiciens que l'un de ses descendants viendrait pour reprendre le flambeau. Et c'est toi, Aunareth, qui est ce descendant.

Aunareth baissa la tête, cherchant à assimiler chaque mot que venait de dire Derlyas.
"Tout ne peut quand même pas être pré-déstiné." Se lamenta Aunareth.
"Etais-je réellement obligé de perdre mon trône sur la seule foi d'un destin ?"
- Comment êtes vous sûr que c'est moi ? S'enquit le jeune dragon.
- Je le sais, c'est tout. Et toi aussi tu le sais. Tu as combattu Sovrak grâce à ces pouvoirs. Donc lui aussi doit le savoir également.
- Et bien ça se voit parce qu'il file à toute vitesse pour s'enfuir le plus loin possible sans que personne ne sache où il va.
- Non, Sovrak ne t'a pas quitté des yeux depuis que tu le poursuis. il s'enfuit parce qu'il sait que tu es à sa recherche. Je suis venu te prévenir qu'il arrivait avec ses sbires là maintenant.
- Quoi ? Alors il faut que je me prépare !
- Inutile, dès que tu te réveilleras, il vous faudra fuir tous les trois. Tant que tu ne contrôles pas tes pouvoirs de lumière, tu n'as aucune chance face à un démon. Lui sait tout de la magie.
- Alors je ne pourrai pas le vaincre, je ne pourrai pas lui échapper.
- N'aie crainte, j'ai un cadeau à t'offrir. Bien que je ne sache rien de tes pouvoirs uniques, je pourrais au moins t'apprendre ce que je sais de la magie.
- Mais je n'ai jamais utilisé la magie.
- Tu vas apprendre très vite. Je vais te donner une partie de ma mémoire. Tu pourras ainsi savoir certaines choses sur la magie à ton réveil, pour pouvoir au moins te défendre. Ce n'est pas une pratique à faire, mais la situation est assez extrême.
Aunareth tremblait de toute part. Cette terrible peur du combat contre Sovrak refit surface.
Il sentait un nœud lui serrer la gorge. L'attente d'un combat dont l'issue était aussi incertaine ne l'enthousiasmait pas vraiment.

Derlyas s'en rendit compte et demanda.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Je... quand j'ai combattu Sovrak, j'ai ressenti une terreur que je ne saurais décrire. Elle m'avait paralysé. Sans ces mystérieux pouvoirs, je ne me serais jamais relevé pour le combattre. Si elle refait surface, j'ignore comment je pourrais la vaincre.
- Ah, c'est la peur Aunareth. Tu l'as déjà connu, mais les démons aussi puissant que Sovrak manipule la peur pour en faire une terrible ennemie. La peur est l'une des émotions les plus intenses qui puisse exister parce que quand un être a peur, la moindre chose qu'il doit faire, la moindre action, au début si simple, devient soudain un véritable défi. La peur peut nous rendre stupide tout comme la rage ou la colère. Il faut que tu combattes ta peur car à ce moment-là, tu verras que Sovrak n'est rien d'autre qu'un ennemi comme tant d'autres. Au fond la seule chose qui change, c'est la façon de faire pour vaincre son adversaire.
- Apprenez-moi à la combattre !
- Ca ne s'apprend pas, quoique... Tout d'abord pour vaincre ta peur, tu dois accepter le fait que tu auras peur. Tu dois accepter qu'elle soit en toi. Tu dois la comprendre, l'apprécier et la vaincre.
Derlyas enroula alors sa queue sur un petit caillou et le souleva à hauteur de Aunareth.
- Tu te souviens du jeu des cailloux dansant?
- Oui c'est un jeu pour les dragonnets. Les deux dragonnets se lancent le caillou avec la queue et celui qui le fait tomber perd la partie, un jeu stupide si vous voulez mon avis. Mais je ne vois pas qu'elle rapport ça a avec notre conversation.
- C'est simple. Nous allons faire une partie. Une partie toute simple en fait, puisque je vais juste t'envoyer le caillou. Si tu le récupères, tu auras gagné, mais si tu ne l'attrapes pas, je partirai et te laisserais ici dans ton propre esprit sans qu tu saches comment en sortir.
- QUOI ?! S'écria Aunareth. Mais vous êtes fous. Vous avez dit que j'étais important et...
- Tu es prêt?
- Attendez !
Derlyas envoya le caillou le plus loin possible du dragon. Aunareth se jeta dessus et l'attrapa de justesse. Il eut un éclair de triomphe et fut extrêmement soulagé.
- Pourquoi te sens-tu si bien ?
- Je... J'ai réussi.
- Non.
- Mais si, j'ai même vaincu ma peur, j'ai senti que si je me calmais, je pouvais y arriver.
- Encore faux. Alors qu'est-ce que tu as fait ?
Aunareth réfléchit l'espace d'un instant et puis sourit.
- Je crois que j'ai compris.
- Alors qu'as-tu fait?
- J'ai simplement attrapé un caillou.
-En effet, jeune dragon, je pense que tu as compris la leçon.

Alors Derlyas sourit, puis Aunareth se réveilla une nouvelle fois mais ici, le temps ne s'arrêtait pas. Alors il réveilla ses amis:
- Vite réveillez-vous !
- Quoi, que se passe-t-il?
- Sovrak et ses sbires sont là. Ils s'apprêtent à nous attaquer.
- Comment sais-tu cela? S'étonna Grivrath.
- Il a raison. Lança soudain Glasaema. Moi aussi je les sens. Ils arrivent.

Ils se mirent tous les trois côte à côte et attendirent leur destin de pied ferme.