" S'il te plaît, tu es toujours là ?
- Euh oui oui, qu'est-ce qu'il y a ? " Lui répondis-je abasourdi et presque sous le choc.

" Peux-tu me passer ma serviette sur le lavabo tout à gauche s'il te plaît ? J'ai... Je l'ai laissé là tout à l'heure, jamais personne ne passe à cette heure-là donc bon... "

Elle avait une voix un peu grave mais féminine. Une voix parfaite. J'étais sous le choc. Depuis mes 12 ans, aucune fille de mon âge, je dis bien aucune, n'est venue pendant les vacances d'été. Instantanément, je me suis senti tout timide et tout chaud. De ma voix la plus assurée possible, je lui dis:

" Ouais, attends, je te la passe par en dessous. Tiens. "

Je ne l'avais toujours pas vu, cachée dans sa cabine. Je me penche, la serviette en main et je lui tends par le trou sous la cabine en m'accroupissant. Je sens l'espace d'une seconde ses doigts mouillés qui saisissent la serviette mais qui me touchent par mégarde. Je me sous tout drôle et tout con en même temps.

" Merci beaucoup, c'est gentil. " Ne répondant rien, elle continue:
" Tu viens d'arriver au camping ?
- Ouais, ça fait 3 heures qu'on est arrivé... "

En même temps que je lui réponds, je l'entends se sécher, les frottements de sa serviette sur son corps, alors qu'elle est à 2 mètres de moi. Je suis presque en train d'avoir une demi-molle, nom d'un chien. Voyant que je réponds toujours rien de plus, elle me dit avec un ton amusé:

" T'es pas super bavard, dis donc. Tu t'appelles comment ?
- Alex. Et toi ?
- Moi c'est Lucie. Bah écoute, enchanté !
- Ouais, idem... Bon, je te laisse te changer tranquillement.
- Tu me déranges pas. Mais comme tu veux. Tu viens à la soirée d'inauguration ce soir ? "

Cette soirée, en quelques mots, c'est le truc le plus à chier qui existe ici. En gros, tous les résidents se présentent au micro, sur une petite estrade et tout le monde applaudit comme des trisomiques. Le tout accompagné d'une musique type Patrick Sebastien. Par réflexe et sans réfléchir, je lui réponds:

" Non, c'est lourd et c'est débile.
- T'es sérieux ? Déjà que je connais personne de mon âge, si en plus tu viens pas, je vais être toute seule. "

Toujours un peu à l'ouest à cause de la rencontre et de ma timidité et à cause de ma haine de cette soirée, je lui dis cash:
" Désolé, j'y vais pas.
- Oh... t'es à quel emplacement ?
- Rangée 4, numéro 23.
- Ok. Si tu changes d'avis, je serai là-bas. A plus tard. "

Ouais c'est ça, que je pense tout de suite. Et puis en sortant, je me rends compte de ma stupidité affligeante. Putain Alex, t'as failli "sortir" avec la SEULE fille de ces 10 dernières année dans ce putain de camping et tu l'as envoyé chier. Mais quel con... Finalement, je rentre à notre emplacement, les mains dans les poches de mon jean, en repensant à sa voix. Elle a quoi ? 17 ? 18 ans ? J'ai hâte de voir comment elle est. Mais j'ai pas envie d'aller à ce rendez-vous de beaufs. Et bien sûr je lui ai pas demandé son emplacement...

Encore tout penaud, je rentre dans ma tente, je m'installe sur ma couchette, et c'est parti pour du Beatles en somnolant, dernier moment de solitude avant que les autres guignols rappliquent. Finalement, tout ne commence pas si mal. Une fille de mon âge, ma tente à moi... Je commence tout de suite à m'imaginer des choses et c'est après un m+z discret que je m'endors, Lucy In The Sky With Diamonds résonnant dans mes oreilles.