Goût de sang amer dans la bouche. J'ai l'impression que je vais mourir tellement mes côtes me font mal. Je me retourne difficilement sur le dos et regarde les étoiles scintiller là-haut. A côté de moi, la balançoire continue de grincer. J'ai mal, horriblement mal. Et je pleure devant la voûte céleste... Une pensée absurde me vient à l'esprit, mourir un soir de pleine lune pour ses idées est terriblement romantique. Un rire rauque s'échappe un instant de ma gorge avant de redevenir un râle sourd. Je serre les poings au dessus de l'herbe humide. Puis soudain, nouvelle douleur fulgurante ! Il me lance son pied dans le ventre et me crache au visage.

- On aime pas les pédés ici ! Tu reviens ici avec ta fiote et plus personne ne vous retrouvera.

Je ferme les yeux pour retenir de nouvelles larmes. Dire qu'il y a quelques mois je n'aurai jamais imaginé ça. Ca semble remonter à tellement loin maintenant et pourtant j'ai l'impression que c'était hier que tout a basculé.



***



- Martin ?
- ...
- Martin ! Lève-toi ! La rentrée est dans moins d'une heure !

Je plonge la tête dans l'oreiller pour oublier les cris de ma mère. Toujours la même rengaine chaque année, à croire que je suis toujours un gamin pour elle. Dire que j'entre en terminale, il serait temps qu'elle me laisse un peu grandir...

- Martin ?! Debout !
- Laisse moi encore cinq minutes... J'arrive.

Je respire l'odeur de mon oreiller, espérant retrouver quelques instants la magie de mon sommeil. Peine perdue, ça sent juste le fauve. Je me lève doucement et titube pour attraper un caleçon dans la commode en face. J'attrape le premier jean qui me tombe sur la main et choisit un t-shirt sympa. Plus qu'à supporter l'éternel rengaine de ma mère, rien de mieux qu'un sourire naïf sur le visage et la laissez déblatérer ! J'ouvre la porte de la cuisine et le spectacle commence aussitôt.

- C'est pas trop tôt ! Ca fait déjà 30 minutes que ta soeur est levée elle ! Et puis c'est quoi cette tenue ! Il y a des trous dans ton pantalon au niveau des genoux ! Ca fait voyou ! Et regarde ton t-shirt, il est même pas repassé. Non, ça va du tout ça. Vient me voir, je t'ai repassé une chemise pour ta rentrée.
- Maman, tout le monde porte ça maintenant. C'est le standard, t'inquiète pas.
- Mais qu'est ce que j'ai fait pour avoir un fils indigne ! Si tu prenais exemple sur ta soeur.

Je lance un regard à ma soeur qui crâne fièrement tout en buvant un jus d'orange. Cette catho extrémiste fait sa rentrée en seconde cette année. Je vais devoir la supporter tout les matins en faisant le trajet avec elle. « Les règles de sécurité » selon ma mère... Moments pénibles en perspective.

- Quand est-ce que tu deviendras un homme ?
- C'est pas prêt d'arriver, pouffe ma soeur, faudrait déjà qu'il soit moins imberbe.
- Oui, on en reparlera le jour où t'auras tes règles !
- Martin ! N'embête pas ta soeur avec ça ! Chez certaines filles, c'est plus long que chez d'autres. Et puis de toute...
- Maman ! Parle pas de ça avec Martin. Ca le regarde pas.
- Mais chérie, c'est pas si important que ça.
- Oh ! On se calme ! J'irais au lycée comme je suis ! Et j'y vais de suite d'ailleurs ! A ce soir !
- Mais attends ! T'as pas pris ton petit-déjeuner ! Et attends ta soeur.

Je me lève soudainement, attrape mon sac et quitte la maison en claquant la porte sauvagement. Je ne suis pas en colère, pas du tout même. J'ai pris goût à ces petites piques en famille. C'est plutôt e rôle de l'adolescent blasé que je me donne chez moi qui me plaît. Claquer la porte est donc juste un moment jubilatoire pour offenser ses dames.

Après tout l'année ne commence pas si mal. Et puis avec un peu de chance, je tomberais sur une bonne classe. J'ai jamais été un mec populaire, au contraire, je suis plutôt discret. Mais j'ai une bande d'amis avec qui tout se passe bien. Qui a dit que les années adolescentes étaient les plus bâtardes ?

- Hey Martin !

Devant moi une petite blonde agite nerveusement ses mains pour me signaler sa présence. Elle ? C'est Camille. Mon ex, ma meilleure amie et ma voisine. Ce qui fait déjà beaucoup pour une seule fille. On s'est quitté l'année dernière en se rendant compte qu'on s'adorait mais que c'était juste une sincère amitié. Tout s'est très bien passé, j'ai de la chance de connaître cette fille.

- Alors ? T'as refait le coup de l'ado en rogne contre la société.
- Tu en sais trop, tu auras des ennuis un jour.

Je la serre dans mes bras et lui embrasse la joue gauche. Oui, je suis ce genre de type feignant qui ne fait qu'une bise.

- Prêt à draguer les nouvelles ?
- Tu en sais vraiment trop !

Oui, je la sens vraiment bien cette rentrée !



Si j'avais su...