Un morceau du ciel
Par : Ostramus
Genre : Réaliste
Status : Terminée
Note :
Chapitre 1
Un morceau du ciel
Publié le 16/11/12 à 13:53:59 par Ostramus
Le soleil rampait entre les hautes herbes de la plaine. Des oiseaux tachaient le ciel rougi par le jour naissant. Des enfants couraient vers le seul arbre qui se dressait comme une anecdote dans la ligne d’horizon. Benoit courait en tête du petit groupe et gagna en premier le grand chêne.
Les immenses branches projetaient un réseau d’ombres sur le sol tiède. Seul un carré sombre plus grand trahissait la présence de leur cabane qui culminait dans l’épaisse ramure. Benoit se dépêcha d’y grimper. Comme chaque fois, leur modeste refuge avait essuyé une année d’usures et d’intempéries. La couleur du bois s’était un peu plus affadie pour tirer vers un gris qui prenait des teintes d’ambres avec le soleil levant. Une nouvelle branche avait troué le toit et du lierre enlaçait les planches des murs. Une légère poussière sculptait le relief de l’air, avec quelques collines de sifflements provoquées par le vent qui se promenait dans le feuillage.
Les garçons se hissèrent dans ce nuage verdoyant et ils sortirent de leurs sacs d’osiers des gâteaux et des sandwichs. Cela n’avait rien d’un festin, pourtant, ils mangèrent comme des princes tout en riant et discutant comme s’ils s‘étaient quittés la veille alors qu’une année les avait séparés. Ils étaient quatre et venaient de lieux différents. Ils aimaient se considérer chacun à leur manière comme un point cardinal en s’imaginant jouer dans un arbre-boussole. Depuis des années déjà, ils avaient coutume de se retrouver dans ce champ désert avec le ciel comme seul témoin de leurs manigances. Un ciel pour lequel il concevait une immense fascination depuis une fraîche nuit d’août.
Ce soir-là, les quatre enfants étaient venus admirer le spectacle des Perséides dont les étoiles filantes transformaient la voûte d’encre en une harpe de lumière. Pendant des heures, ils s’étaient partagé un vieux télescope et avaient pu apprécier une symphonie silencieuse avec la Lune en chef d’orchestre. Une note de cette mélodie stellaire avait pourtant échappé au ciel pour venir se perdre sur terre. Sous leurs yeux médusés, Benoit et ses trois compères avaient pu observer une météorite s’écraser. Ils avaient vu la trainée brillante, ils avaient entendu le bruit, ils avaient ressenti la secousse, mais ils ne l’avaient jamais retrouvé.
Dès lors, ces astronomes de fortune avaient prospecté des heures durant et des jours entiers, rincés par la pluie ou écrasés par le plein soleil à la recherche de ce morceau du ciel. Et puis, au fil de leurs courses et de leurs explorations, la météorite était devenue un prétexte à de plus grandes aventures. Ce fragment cosmique avait ainsi la propriété de se transformer tantôt en trésor de pirate tantôt en satellite espion tantôt en créature fantastique. Jamais ils ne parvenaient à destination, mais le voyage les comblait de bonheur tant ils s’amusaient à improviser des palais d’histoires.
Ils n’avaient jamais invité quiconque à prendre part à leurs jeux. Nul ne pouvait comprendre, personne ne pouvait partager l’engouement, la folie qui les liait par cette appétence pour la découverte. Le but ultime était de trouver la météorite et alors, chacun l’espérait, celui qui mettrait la main dessus deviendrait le roi du monde.
Ce jour-là, ils entreprirent de redonner à leur cabane son lustre des premiers jours. Ils traversèrent le champ et sa collection de graminées qui dansaient sur leur passage. Benoit filait vers l’est muni de sa boussole à la recherche d’un bosquet de sorte à y trouver des arbustes pour réparer le toit. Il marchait d’un pas sûr tout en se délectant du néant qui l’entourait, apaisé de se savoir loin de la ville et proche de ses amis.
Soudain, les aiguilles de sa boussole s’affolèrent. Elles tournaient dans le petit cadran comme une girouette prise dans une tempête. Benoit ne comprit pas tout de suite ce qui se passait, avant de réaliser quel phénomène était à l’œuvre. Le jeune garçon se souvint d’un cours en classe où son professeur avait expliqué que pareille anomalie pouvait être générée par des machines. Toutefois, se sachant au milieu d’une vaste plaine, Benoit en déduit que l’origine de la perturbation ne pouvait être que l’émanation de la nature, d’une singularité tout à fait unique.
Il éloigna sa boussole de son regard qui s’arrêta alors sur un curieux rocher. Benoit sut immédiatement que c’était elle : la météorite. Ce caillou de l’espace qu’ils recherchaient depuis toutes ces années trônait là, sous une fougère. Sa surface polie renvoyait faiblement l’éclat du midi. La pierre ressemblait à un gruyère métallique qui se serait fossilisé, avec des circonvolutions et de petites cavités.
Un ouragan de joie traversa l’esprit de Benoit en voyant la roche céleste. Il la ramassa et palpa sa surface comme pour mieux affirmer son emprise sur ce rêve qui s’accomplissait.
Benoit s’élança avant de s’arrêter net.
L’âge commençait à gâter leurs expéditions et déjà, il sentait que ce temps ne durerait pas. D’ici quelques années, peut-être même l’an prochain, ses compagnons ne goûteraient plus avec le même enthousiasme à leurs péripéties. La cabane deviendrait étroite, et l’ennui les rongerait telle la rouille grignotant le fer. S’il revenait, son triomphe serait sans égal, cependant il redoutait que sans avoir quelque chose à chercher, leurs explorations s’en retrouvent bien vaines. Il réalisa que cette météorite, d’aussi loin qu’elle pouvait provenir de l’univers, n’égalerait jamais la valeur des souvenirs qu’il se fabriquait avec ses amis.
Benoit soupira, puis s’agenouilla. Il creusa un trou dans l’humus et y plongea la pierre, avant de l’ensevelir. Il entendait déjà au loin ses amis qui s’approchaient, à jamais ignorants de l’incroyable trouvaille, toujours en train de créer d’improbables aventures. Benoit les rejoint.
L’histoire pouvait continuer.
Les immenses branches projetaient un réseau d’ombres sur le sol tiède. Seul un carré sombre plus grand trahissait la présence de leur cabane qui culminait dans l’épaisse ramure. Benoit se dépêcha d’y grimper. Comme chaque fois, leur modeste refuge avait essuyé une année d’usures et d’intempéries. La couleur du bois s’était un peu plus affadie pour tirer vers un gris qui prenait des teintes d’ambres avec le soleil levant. Une nouvelle branche avait troué le toit et du lierre enlaçait les planches des murs. Une légère poussière sculptait le relief de l’air, avec quelques collines de sifflements provoquées par le vent qui se promenait dans le feuillage.
Les garçons se hissèrent dans ce nuage verdoyant et ils sortirent de leurs sacs d’osiers des gâteaux et des sandwichs. Cela n’avait rien d’un festin, pourtant, ils mangèrent comme des princes tout en riant et discutant comme s’ils s‘étaient quittés la veille alors qu’une année les avait séparés. Ils étaient quatre et venaient de lieux différents. Ils aimaient se considérer chacun à leur manière comme un point cardinal en s’imaginant jouer dans un arbre-boussole. Depuis des années déjà, ils avaient coutume de se retrouver dans ce champ désert avec le ciel comme seul témoin de leurs manigances. Un ciel pour lequel il concevait une immense fascination depuis une fraîche nuit d’août.
Ce soir-là, les quatre enfants étaient venus admirer le spectacle des Perséides dont les étoiles filantes transformaient la voûte d’encre en une harpe de lumière. Pendant des heures, ils s’étaient partagé un vieux télescope et avaient pu apprécier une symphonie silencieuse avec la Lune en chef d’orchestre. Une note de cette mélodie stellaire avait pourtant échappé au ciel pour venir se perdre sur terre. Sous leurs yeux médusés, Benoit et ses trois compères avaient pu observer une météorite s’écraser. Ils avaient vu la trainée brillante, ils avaient entendu le bruit, ils avaient ressenti la secousse, mais ils ne l’avaient jamais retrouvé.
Dès lors, ces astronomes de fortune avaient prospecté des heures durant et des jours entiers, rincés par la pluie ou écrasés par le plein soleil à la recherche de ce morceau du ciel. Et puis, au fil de leurs courses et de leurs explorations, la météorite était devenue un prétexte à de plus grandes aventures. Ce fragment cosmique avait ainsi la propriété de se transformer tantôt en trésor de pirate tantôt en satellite espion tantôt en créature fantastique. Jamais ils ne parvenaient à destination, mais le voyage les comblait de bonheur tant ils s’amusaient à improviser des palais d’histoires.
Ils n’avaient jamais invité quiconque à prendre part à leurs jeux. Nul ne pouvait comprendre, personne ne pouvait partager l’engouement, la folie qui les liait par cette appétence pour la découverte. Le but ultime était de trouver la météorite et alors, chacun l’espérait, celui qui mettrait la main dessus deviendrait le roi du monde.
Ce jour-là, ils entreprirent de redonner à leur cabane son lustre des premiers jours. Ils traversèrent le champ et sa collection de graminées qui dansaient sur leur passage. Benoit filait vers l’est muni de sa boussole à la recherche d’un bosquet de sorte à y trouver des arbustes pour réparer le toit. Il marchait d’un pas sûr tout en se délectant du néant qui l’entourait, apaisé de se savoir loin de la ville et proche de ses amis.
Soudain, les aiguilles de sa boussole s’affolèrent. Elles tournaient dans le petit cadran comme une girouette prise dans une tempête. Benoit ne comprit pas tout de suite ce qui se passait, avant de réaliser quel phénomène était à l’œuvre. Le jeune garçon se souvint d’un cours en classe où son professeur avait expliqué que pareille anomalie pouvait être générée par des machines. Toutefois, se sachant au milieu d’une vaste plaine, Benoit en déduit que l’origine de la perturbation ne pouvait être que l’émanation de la nature, d’une singularité tout à fait unique.
Il éloigna sa boussole de son regard qui s’arrêta alors sur un curieux rocher. Benoit sut immédiatement que c’était elle : la météorite. Ce caillou de l’espace qu’ils recherchaient depuis toutes ces années trônait là, sous une fougère. Sa surface polie renvoyait faiblement l’éclat du midi. La pierre ressemblait à un gruyère métallique qui se serait fossilisé, avec des circonvolutions et de petites cavités.
Un ouragan de joie traversa l’esprit de Benoit en voyant la roche céleste. Il la ramassa et palpa sa surface comme pour mieux affirmer son emprise sur ce rêve qui s’accomplissait.
Benoit s’élança avant de s’arrêter net.
L’âge commençait à gâter leurs expéditions et déjà, il sentait que ce temps ne durerait pas. D’ici quelques années, peut-être même l’an prochain, ses compagnons ne goûteraient plus avec le même enthousiasme à leurs péripéties. La cabane deviendrait étroite, et l’ennui les rongerait telle la rouille grignotant le fer. S’il revenait, son triomphe serait sans égal, cependant il redoutait que sans avoir quelque chose à chercher, leurs explorations s’en retrouvent bien vaines. Il réalisa que cette météorite, d’aussi loin qu’elle pouvait provenir de l’univers, n’égalerait jamais la valeur des souvenirs qu’il se fabriquait avec ses amis.
Benoit soupira, puis s’agenouilla. Il creusa un trou dans l’humus et y plongea la pierre, avant de l’ensevelir. Il entendait déjà au loin ses amis qui s’approchaient, à jamais ignorants de l’incroyable trouvaille, toujours en train de créer d’improbables aventures. Benoit les rejoint.
L’histoire pouvait continuer.
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