Journal de bord bug +145
Par : Boris-Ivanovich
Genre : Science-Fiction
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 24
23 - la peur
Publié le 27/09/11 à 09:36:58 par Boris-Ivanovich
C'est stupide à écrire, mais aujourd'hui, je sais ce que je sais.
Non, ce n'est pas un savoir théorique émaillé de mises en situations et de déductions empiriques. C'est différent. Bien plus profond, bien plus sincère aussi. Comme une musique intérieure trop longtemps assourdie, une lueur jusqu'alors occultée.
Je sais qu'en écrivant cette page de ce journal, je ne peux pas être fidèle à mes sentiments et impressions d'alors.
Je sais que le temps a joué son rôle de générateur de souvenirs digérés et revécus malgré moi.
Mes souvenirs sont comme une odeur, je ne peux pas la recréer, pourtant j'en ai décodé toutes les fragrances.
Quand dans notre abri, juste après notre fuite du camp et notre première nuit en forêt nous avions vu ce petit groupe d'hommes armés, quelque chose s'était réveillé en moi. Une prise de conscience nette et tranchante, non, bien plus encore... et ce, malgré tout ce que je venais de vivre.
J'avais vu et vécu la violence de l'affolement le soir de l'évacuation, la peur et l'inquiétude de l'ignorance, les ravages intérieurs du questionnement, subi l'arrivée au camp, subi les autres, subi la folie de la foule, vu s'exprimer une fois encore les bas instincts, la faiblesse, la détresse. Je sais que tout cela, bien qu'inimaginable, ne m'a pas ébranlé autant que la vision de ce fusil d'assaut dans les mains de cet homme.
Là, tout vacillait. Ce "petit" détail pourtant déductible, logique et prévisible venait d'engluer mon cerveau.
A la vitesse de la lumière, je venais de comprendre que cet homme incarnait et incarnerait désormais l'ennemi. Mon ennemi !
Celui pour qui mon existence était celle d'un parasite, ma vie, une injure, mes possessions, une convoitise... mon chemin, mon destin, une aberration insupportable, dont l'élimination procurerait un plaisir maléfique sans limites.
La peur abstraite venait enfin de prendre sa forme tangible, cet homme !
Celui qui mettait sa vie avant celle des autres, lui seul digne de vivre, celui dont l'existence même signifie : "je veux ce qui est à toi et de toute façon, c'est toi ou moi et n'espère même pas une seconde, je suis plus fort".
Le visage de cet homme resterait pour toujours la représentation vivante du prédateur. A chaque fois qu'un danger invisible me menacerait c'est ce visage qui en serait l'incarnation, la cause. Et loin d'exprimer la bêtise, la force bestiale, ce visage était fin, vif, respirait l'intelligence, suintait le vice efficace et la froide détermination. Pas un atome d'humanité, de bonté, rien. Juste la promesse d'une confrontation "sine missione"
Je restais alors caché, comme paralysé, comme un faon qui a vu le tigre. Je n'avais pas eu à penser quoi faire, à analyser le pourquoi de ma conduite, fuir ou combattre, exister et s'affirmer, lutter pour sa propre estime de soi. Non, du plus profond de ma mémoire humaine, mon premier ancêtre venait bien me faire comprendre ce que signifiait le mot "proie". Et mon esprit venait de l'accepter sans rechigner, sans combattre. Sortir et faire face, hydromel de mon orgueil m'aurait couté au mieux une humiliation insupportable, au pire ma vie. J'étais le faible, le vaincu... sans combattre.
J'oubliais Lisa, j'oubliais tout.
Juste espérer, espérer que cet homme parte sans me voir. Juste passer ces secondes sans y laisser la vie.
La goutte eu le temps de couler lentement de mon front, laissant sa trainée brillante sécher sur ma joue, mon menton. C'est quand elle s'écrasa sur mon poignet blanchi par la crispation et déjà trempé par les dizaines d'autres gouttes que je pus revenir enfin à la réalité et reprendre possession de mon esprit et de mon corps. Les hommes étaient partis depuis quelques minutes mais dans l'air la présence maléfique stagnait, bien présente. Ma respiration était rauque et saccadée, mon cœur ? des grêlons sur la tôle de ma poitrine.
Je vis alors le visage de Lisa, les yeux exorbités, figée. Elle me regardait, blême et tremblante, victime de ma propre peur... je ne pouvais même pas l'aider.
Je ne sais pas combien de temps je suis resté là, immobile, tétanisé. Sans pouvoir bouger, sans oser... on ne sort pas indemne de cette descente aux âges sombres et farouches de la lutte primordiale pour la vie. Comme souillé par la terreur.
Fini les idées du héros romantique parfumé à l'héroïsme et à l'abnégation, fini aussi l'immensité de l'imaginaire orgueilleux. Reste juste la confrontation binaire : vie-mort... choix-résultat... action-réaction.
Je venais "enfin" de connaître la peur.
Evoquer à nouveau ce souvenir me vide de tout espoir... pourtant la suite de l'histoire allait encore une fois basculer ma vie.
Non, ce n'est pas un savoir théorique émaillé de mises en situations et de déductions empiriques. C'est différent. Bien plus profond, bien plus sincère aussi. Comme une musique intérieure trop longtemps assourdie, une lueur jusqu'alors occultée.
Je sais qu'en écrivant cette page de ce journal, je ne peux pas être fidèle à mes sentiments et impressions d'alors.
Je sais que le temps a joué son rôle de générateur de souvenirs digérés et revécus malgré moi.
Mes souvenirs sont comme une odeur, je ne peux pas la recréer, pourtant j'en ai décodé toutes les fragrances.
Quand dans notre abri, juste après notre fuite du camp et notre première nuit en forêt nous avions vu ce petit groupe d'hommes armés, quelque chose s'était réveillé en moi. Une prise de conscience nette et tranchante, non, bien plus encore... et ce, malgré tout ce que je venais de vivre.
J'avais vu et vécu la violence de l'affolement le soir de l'évacuation, la peur et l'inquiétude de l'ignorance, les ravages intérieurs du questionnement, subi l'arrivée au camp, subi les autres, subi la folie de la foule, vu s'exprimer une fois encore les bas instincts, la faiblesse, la détresse. Je sais que tout cela, bien qu'inimaginable, ne m'a pas ébranlé autant que la vision de ce fusil d'assaut dans les mains de cet homme.
Là, tout vacillait. Ce "petit" détail pourtant déductible, logique et prévisible venait d'engluer mon cerveau.
A la vitesse de la lumière, je venais de comprendre que cet homme incarnait et incarnerait désormais l'ennemi. Mon ennemi !
Celui pour qui mon existence était celle d'un parasite, ma vie, une injure, mes possessions, une convoitise... mon chemin, mon destin, une aberration insupportable, dont l'élimination procurerait un plaisir maléfique sans limites.
La peur abstraite venait enfin de prendre sa forme tangible, cet homme !
Celui qui mettait sa vie avant celle des autres, lui seul digne de vivre, celui dont l'existence même signifie : "je veux ce qui est à toi et de toute façon, c'est toi ou moi et n'espère même pas une seconde, je suis plus fort".
Le visage de cet homme resterait pour toujours la représentation vivante du prédateur. A chaque fois qu'un danger invisible me menacerait c'est ce visage qui en serait l'incarnation, la cause. Et loin d'exprimer la bêtise, la force bestiale, ce visage était fin, vif, respirait l'intelligence, suintait le vice efficace et la froide détermination. Pas un atome d'humanité, de bonté, rien. Juste la promesse d'une confrontation "sine missione"
Je restais alors caché, comme paralysé, comme un faon qui a vu le tigre. Je n'avais pas eu à penser quoi faire, à analyser le pourquoi de ma conduite, fuir ou combattre, exister et s'affirmer, lutter pour sa propre estime de soi. Non, du plus profond de ma mémoire humaine, mon premier ancêtre venait bien me faire comprendre ce que signifiait le mot "proie". Et mon esprit venait de l'accepter sans rechigner, sans combattre. Sortir et faire face, hydromel de mon orgueil m'aurait couté au mieux une humiliation insupportable, au pire ma vie. J'étais le faible, le vaincu... sans combattre.
J'oubliais Lisa, j'oubliais tout.
Juste espérer, espérer que cet homme parte sans me voir. Juste passer ces secondes sans y laisser la vie.
La goutte eu le temps de couler lentement de mon front, laissant sa trainée brillante sécher sur ma joue, mon menton. C'est quand elle s'écrasa sur mon poignet blanchi par la crispation et déjà trempé par les dizaines d'autres gouttes que je pus revenir enfin à la réalité et reprendre possession de mon esprit et de mon corps. Les hommes étaient partis depuis quelques minutes mais dans l'air la présence maléfique stagnait, bien présente. Ma respiration était rauque et saccadée, mon cœur ? des grêlons sur la tôle de ma poitrine.
Je vis alors le visage de Lisa, les yeux exorbités, figée. Elle me regardait, blême et tremblante, victime de ma propre peur... je ne pouvais même pas l'aider.
Je ne sais pas combien de temps je suis resté là, immobile, tétanisé. Sans pouvoir bouger, sans oser... on ne sort pas indemne de cette descente aux âges sombres et farouches de la lutte primordiale pour la vie. Comme souillé par la terreur.
Fini les idées du héros romantique parfumé à l'héroïsme et à l'abnégation, fini aussi l'immensité de l'imaginaire orgueilleux. Reste juste la confrontation binaire : vie-mort... choix-résultat... action-réaction.
Je venais "enfin" de connaître la peur.
Evoquer à nouveau ce souvenir me vide de tout espoir... pourtant la suite de l'histoire allait encore une fois basculer ma vie.
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