« INDIVIDU 0117-CC
NOM : Finn
PRENOM : Kilarn

Institut Confédéré des Tests d’Aptitudes de la Population de BOORA.


L’individu vient ici pour la première fois. Le précédent rendez-vous avait été annulé pour une raison inconnue. Aujourd’hui, le 25 mai 2583, il nous a appris qu’il avait été mordu par un Shrang. Ces créatures, vivant hors du Cercle, sont réputées pour avoir leur morsure venimeuse et mortelle. Pourtant, le voilà devant moi, deux semaines après cette hypothétique morsure.

Après vérification, il s’agit bien d’une blessure infligée par un Shrang adulte. Les renflements caractéristiques noirs sont présents, bien que la couleur ai maintenant viré à pourpre. C’est le second cas connu pour avoir résisté à un tel venin. Cependant, il semblerait que le premier survivant l’ai été dans des conditions laborantines.
Des prélèvements ont été effectués.

Le prélèvement sanguin montre une adaptabilité certaine à toute sorte de traitements. Je crois que nous avons devant nous un sang d’une qualité supérieure à tout ce qui est connu dans le domaine du vivant. C’est extrêmement dommage que l’individu n’ai pas été implanté plus tôt. Seules ses motivations l’ont poussé à s’aventurer dans le Cercle, une soif d’ambition caractéristique des jeunes Externes.

Il a quatre frères ; Il serait intéressant d’étudier toute la fratrie et de les envoyer faire des tests plus approfondis.
S’ils possèdent tous les mêmes capacités physiques notables, il pourrait être utile de les affecter à des missions gouvernementales. J’ai en effet noté des réflexes hors du commun pour un être non cybernétisé, ainsi qu’une force comparable à nos plus grands athlètes. L’intelligence n’est pas en reste non plus, puisque l’individu a répondu juste à toutes les questions ordinairement posées ainsi qu’à celles normalement réservées aux enfants précoces et surdoués.


Je vous transfère le dossier complété par sa fiche d’implémentation, en espérant que vous saurez quoi faire de ce Kilarn Finn. Je l’ai laissé déambuler dans le Cercle, afin de ne pas le perdre de vue au cas où.



Krondan ORLYDAR, Docteur en chef de l’institut ;
Pour Mr Versovir BARRIUND, Directeur Confédéré de la planète BOORA. »




KILARN

Je marchais dans l’avenue centrale. La visite à l’Institut était obligatoire à partir du moment où l’on voulait visiter le Cercle.
Mais ce n’est pas cette formalité qui allait me détourner de mon rêve. Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai toujours rêvé de découvrir ce qu’il se cachait derrière cette cloche en métal gris terne. On racontait que dessous, le métal se mêlait à la chair pour former les hommes les plus forts, les femmes les plus belles et les cerveaux les plus puissants de Boora, et qu’il en était de même pour les autres planètes.

Les autres planètes.
D’instinct, quand ces astres étaient mentionnés, je levais la tête pour scruter la voute étoilée, en imaginant que là-haut, quelque part, un autre enfant devait faire de même. Et alors je suppliais mon grand frère Aleix de me laisser partir au Cercle ; Chaque fois sans obtenir satisfaction, le fait qu’il doive veiller sur nous ne nous permettant pas de nous séparer. Les Finn sont liés comme les doigts de la main.
J’ai attendu tout ce temps pour enfin venir. Une puce au niveau de la tempe, et le rêve se réalise. Cette réalité dépasse de loin mes rêves les plus fous. Voir ce soleil miniature inonder de lumière des bâtiments étincelants, aux structures élancées et épurées...
Les rayons filtraient à travers les interstices et les énormes baies vitrées pour atterrir sur un arbre étincelant, trônant au milieu du Cercle. Quelques bancs, simples, étaient disposés autour, mais personne n’avait l’air d’oser s’y assoir, de peur de troubler la magie du moment. D’ailleurs, les personnes en question étaient bien peu nombreuses, la population devant être connectée chez elle, au Rezo, s’enlisant dans une réalité virtuelle.
Je profite de la quasi absence de badauds pour flâner dans les immenses avenues du Cercle. Le ciel parait plus bleu que dehors. Un filtre apposé sur le dôme sans doute. Des écrans géants parsèment la ville, vantant chaque petite merveille technologique. Comme ce bras cybernétique, reluisant dans sa vitrine. Cette chose m’appelle, alors je pousse la porte, bien décidé à tâter de ce bijou.
Le vendeur, qui a dû voir que je n’étais pas du coin, me saute dessus et me déblatère le même charabia que la pub d’il y a quelques minutes.
J’en déduis vite que c’est un gadget hors de prix qui ne fait rien d’intéressant. Le marchand continue de me parler, mais je n’en ai cure. Celui-ci cependant, ne comprenant pas que j’ai évité son attrape-touriste, continue de me sortir la même rengaine.
Inutile de tergiverser, je sors donc.

Une impression bizarre flotte dans l’air. Une paire d’yeux a suivi notre petit manège avec le vendeur, et mon intuition me dit que quelque chose d’excitant se cache par là. Je me dirige vers la devanture.
Sans un grincement, la lourde porte s’ouvre devant moi, et je dévisage la personne qui me fait face.
Un amas de métal couvre la moitié du visage et deux yeux bioniques, d’un bleu quasiment transparent me fixent, indifférents à la cicatrice qui fait office de nez et à la bouche déformée dans un rictus éternel. Une cape recouvre les épaules de cet individu trapu.
Aucune chaleur n’émane de lui, et pourtant je sais qu’il est humain. Ou l’était, il n’y a pas si longtemps.
Tandis que je me contemple cet être mystérieux, les taches rougeâtres au niveau de mes côtes commencent à pulser d’un battement sauvage, comme si le venin lançait ses dernières forces dans une bataille perdue d’avance...