Second Hope
Par : Squiller
Genre : Réaliste , Fantastique
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 1
Publié le 01/01/12 à 19:57:35 par Squiller
"Le vent de prairie"
Mes yeux sont fixés sur l'enseigne de ce café, situé dans la rue de l'autre côté du canal. Un symbole conclut le nom. J'appuie mes bras contre la barrière en fer, me courbe en avant et plisse les yeux afin de mieux discerner le dessin. C'est une fleur. Une fleur passablement mal dessinée, au passage.
Un coup de vent frais fait virevolter mes cheveux et soulève des vaguelettes à la surface du fleuve. Je continue de regarder, solidement campé contre le barreau, la rue en face de moi.
"Hé, ###### !"
Une voix m'appelle. Je n'ai pas compris ce qu'elle m'a dit.
"Hé, ###### ! Retourne-toi ! Je suis derrière !"
Je me tourne, et constate avec stupeur que le paysage derrière moi n'est autre que le bord d'une falaise. Je baisse les yeux : sous mes pieds, à quelques centimètres, le vide.
J'effectue un mouvement de recul quand je vois le visage de mon interlocuteur à quelques centimètres de moi.
Deux yeux noirs d'où coulent un liquide magenta me figent sur place.
La bouche de cette vision d'horreur s'écarte lentement, et en sors une langue fourchue qui tourne et gigote en me pointant.
Des mots assourdissant d'un langage incompréhensible fusillent alors mes oreilles, tel une nuée de corneilles se regroupant sur un cadavre à toute allure. Des mots violents, bien que prononcés calmement.
Une force me propulse en arrière, et je tombe dans le vide.
Et soudain, une gifle.
"Ben dis donc ma couille, je croyais que tu te réveillerais jamais !"
Fabio. Va te faire foutre.
"Ho, tu dors encore ? Faut arrêter la coke, bro !
- Nique ta mère, Fabio ! Fous moi la paix putain !"
J'ai juste un horrible grésillement dans ma tête, qu'est-ce qui se passe ?
J'ouvre les yeux, tentant d'analyser mon espace. Je suis allongé dans un canapé rouge, les jambes sur l'accoudoir.
J'ai une serviette sur mon ventre, une bouteille de calva à mes pieds et une mare de gerbe à mes côtés. Bien qu'introuvable à mon regard, mais bien localisable à l'odeur.
Qu'est-ce qui s'est passé ici ? On est quel jour ?
"Mervé, fais pas la con ! Donne les verres, tu va les péter !"
J'entends la voix d'Adrianne. Je suis rassuré, enfin une présence reconnu et appréciée.
La lumière aveuglante laisse peu à peu place à un amas de formes et de couleurs. Je bouge la tête, et je reconnais l'intérieur du garage d'Adrianne.
Ça me reviens.
Hier, on était le 31. Aujourd'hui, on est le 1. Le premier.
Le premier, janvier, 2012, me dis-je lentement dans ma tête.
Et je me suis foutu une sacrée race, ça c'est clair.
"Tu ne dors plus ?"
Cette phrase, survenant hors de mon champ de vision, me fait sursauter. Une onde de frissons parcourt mes muscles encore engourdis.
Je tourne la tête pour voir de qui provient cette voix, me rendant compte à ce moment que mon corps n'est pas encore tout à fait prêt à bouger. Je serre les dents et aperçoit Arthur.
Arthur, c'est un pote à Adrianne. Je sais pas pourquoi elle l'apprécie, en fait. C'est un espèce d'asocial endurci, le genre de mec qui ne sort que quand son unique amie le tire hors de ses jeux vidéos pour fêter le nouvel an dans un garage. Le genre de mec à rester assis toute une soirée en disant 2 mot et qui ne cherche pas à connaitre les gens qu'il ne connaît pas. Le genre de type que j'aime pas, en somme.
Comble du bonheur, Arthur semble avoir pour moi une espèce de fascination sans bornes, faisant de moi la seule personne avec Adrianne avec qui il échange ses 10 mots quotidiens.
Je retourne ma tête dans sa position initiale et referme les yeux. Me rendant compte que ça n'est pas très sympa, je répond brièvement : "Ouais."
Je me rend également compte que ma voix est super enrouée. J'ai du encore gueuler comme un porc hier soir.
J'aperçoit du coin de l'oeil Adrianne s'avançant vers le canapé.
Je ferme les yeux, faisant, dans un élan d'idiotie, semblant de dormir, quand un frottement suivi d'une sensation fraîche assaille mon ventre : Adrianne a tiré la couette, me dis-je.
"Tu va quand même pas dormir toute l'après-midi, grosse merde ? Aide nous un peu à ranger, Thomas !"
Je souris. Grosse merde, c'est bien un surnom affectif propre à Adrianne.
"Ouais, j'me lève", dis-je sans conviction.
J'étire mes bras et prends appui sur eux pour relever mon buste.
Quand faut y aller, faut y aller. D'une traite, je glisse mes pieds au sol, prend un inspiration et me met debout.
"Nique sa mère !" sont les seuls mots qui sortent de ma bouche.
J'ai l'impression d'avoir vieilli de 50 ans en une soirée.
Mes muscles semblent à la fois tous bloqués et tous survitaminés. Faisant fi de mes douleurs et migraines, je m'étire en avant, puis en arrière pour me réveiller tout en regardant autour de moi.
Adrianne, Mervé et Fabio sont en train de ranger le garage. Arthur, lui, est assis sur une chaise et semble se contenter de regarder les gens s'agiter autour de lui.
D'autres personnes semblent être en haut, en train d'aider. Je les entends.
"Tu va bien, Thomas ?"
C'est Arthur. Pourquoi ce con prend toujours la peine de ponctuer ses phrases de mon prénom ? Je le connais, mon prénom !
"Ouais, mollo ... lâchai-je en souriant.
Juste une vilaine impression d'avoir été piétiné par un troupeau de gnous pendant la nuit."
Thomas sourit. Epic win. Je prend un malin plaisir à passer pour un Dieu auprès des gens comme ça. Ça me conforte dans l'idée que je suis quelqu'un de bien, de populaire et de drôle.
Adrianne me passe devant avec une pile d'assiette dans les mains.
"Tu compte regarder les mouches voler longtemps ? Ironisa-t-elle.
- Et pourquoi pas ? Répliquai-je en piochant un petit morceau de gâteau au chocolat qui trônait au dessus des assiettes.
Certaines font d'admirables vols planés."
Arthur sourit encore. J'en profite pour engloutir le morceau de gâteau, faire la grimace et le recracher immédiatement.
"Élise a renversé de la vodka dessus", expliqua Adrianne d'une voix sans expression en continuant sa route vers les escaliers.
J'engage mes pas dans sa direction, mais je trébuche sur ce qui semble être le reste d'un corps.
Ah, salut Élise. Je fais immédiatement la liaison entre le gâteau, l'odeur de gerbe ambiante et le zombie à mes pieds.
Esquivant promptement le corps, je m'engage dans les escaliers tandis qu'Arthur m'emboite le pas.
Arrivé dans la cuisine d'Adrianne, les gens me sourient et me disent bonjour.
"Waouh mec, tu t'es shooté combien de fois cette nuit ? T'as une vraie tête de rat malade !" sortit un mec dont j'ai oublié le nom.
Je n'ai pas le temps de répondre mollement comme à mon habitude, qu'Adrianne enchaîne avec un "On se grouille les gens, mes parents vont débarquer d'une minute à l'autre ! Faut que quelqu'un aille essuyer la flaque de vomi en bas please !".
Et sur ces mots, elle s'engage en courant dans le jardin pour aller réveiller les derniers endormis dans les tentes.
Toujours aussi surexcitée celle-là.
"Sérieux Thomas, va faire une toilette, là t'as vraiment une gueule de déterré", me souffle Mervé.
Mervé est une amie d'Adrianne depuis le collège. Je ne l'apprécie pas particulièrement, mais je ne la déteste pas non plus.
Le genre de fille à se fondre trés vite dans la masse, sans grand intérêt.
"Tu m'écoute ? ajouta-t-elle en agitant sa main devant mes yeux pour me réveiller. T'as pris une dose de trop, vieux !"
Je n'ai pourtant pas pris de drogue cette nuit. Du moins ce que je m'en souviens. D'ailleurs, je ne me souviens pas de grand chose.
Une réponse brève et monocorde sort de ma bouche tandis que je me dirige vers la salle de bain.
En voyant ma tête dans la glace, je me surprend moi-même : on dirait que je n'ai pas dormi depuis des semaines.
"Effectivement, une petite toilette ne peut me faire que du bien", lâchai-je.
Tout en me passant un gant d'eau sur le visage, je réfléchis à ce qui a pu se passer hier soir. Mes derniers souvenir remonte à 23h30 à peu près. J'étais plutôt sobre, de ce que je me rappelle, et la soirée semblait se passer sans problème.
Alors qu'est-ce qui a pu se passer après ?
Ce qui est certain, c'est que je me suis mit une sacrée mine, songeai-je en plongeant ma tête dans l'eau.
Les souvenirs d'avant 23h30 remontent alors. des souvenirs pas géniaux. La soirée était pas si géniale, en fait.
Préférant occulter ces pensées négatives, je relève la tête et sèche mon visage. Un coup d'oeil dans le miroir et ... woaw !
Toute trace de lendemain de soirée semble avoir disparu, comme si on m'avait maquillé pour que je paraisse fatigué.
Après une admiration de mon visage semblant en parfaite santé, je retourne, fier, dans la cuisine.
Les commentaires quant à mon physique n'ont pas le temps de fuser : j'entends un cri venant du jardin.
Reconaissant la voix d'Adrianne, la réaction est la même pour chacun : nous fusons en bloc vers le jardin, où j'aperçois mon amie assise sur l'herbe, une fille à ses côtés l'aidant à reprendre ses esprits.
"C'est bon, no stress, j'ai juste eu un coup de migraine et j'ai perdu l'équilibre !" lance Adrianne en nous apercevant.
Je sors de la masse et accourt vers elle. "T'es sûre que ça va ?" sont les mots idiots qui me viennent le plus vite à l'esprit.
"J'ai rien, j'ai juste trébuché. Les autres, vous pouvez retourner à vos occupations, j'ai rien !"
Adrianne se relève, s'essuie et ramasse les objets éparpillés par sa chute.
Peu convaincu par cette réponse, je persiste : "Tu as pris quelque chose hier soir ?
- Pas du tout, lâche moi Thomas ! J'ai juste eu la tête qui a tourné pendant 3 secondes, y'a rien de grave !"
Un sentiment étrange s'empare alors de moi. Je suis persuadé qu'Adrianne me cache des choses, mais je pense que je dois la laisser.
Après tout, elle a sûrement raison.
L'implication de chacun permet de changer en l'espace d'une heure ce qui ressemblait précédemment en un champ de bataille du 4ème millénaire en un espace de vie convenable pour une famille middle class.
Les parents d'Adrianne n'arrivant toujours pas, je rejoins la poignée de fêtards restants au garage.
La fatigue générale n'étant pourtant pas propice à une discussion, quelqu'un brise la glace et tente un classique : "C'était sympa comme soirée, non ?"
S'ensuit une vague de moues d'approbations et de remerciements envers Adrianne. Mais celle-ci semble perplexe.
Son regard croise le mien, et je me souviens alors que je ne sais toujours pas ce qui s'est passé après 23h30.
Ma question soulève des réactions de la part des gens.
"T'étais pas dans le garage à 23h30."
"Je crois que t'étais monté dans la maison, avec une autre fille."
"En tout cas, à 2h t'étais en train de danser avec nous." sont les trois indices que je relève.
Je tente d'interroger Adrianne du regard, mais celle-ci ne semble pas prête à me venir en aide. Son comportement est décidément étrange.
C'est en l'observant que je me rend d'ailleurs compte qu'elle semble échanger du regard des idées avec Mervé. Que complotent-elle toutes les deux ?
Encore un regard d'Adrianne. Leur dialogue facial s'interrompt.
"J'y vais, lâchai-je simplement en me levant.
- Tu es sûr de vouloir partir ? demande Arthur."
A vrai dire, je ne l'étais pas vraiment. Mais à l'inverse, rien ne me retenait vraiment ici, et l'attitude d'Adrianne m'avait frustré.
"Ouais, j'y vais. Merci pour tout Adri', et bonne soirée tout le monde"
Je traverse le garage, poussé par les regards des autres.
"On se revoit à la rentrée, énonçai-je machinalement sans même y avoir pensé".
La route jusqu'à chez moi n'étant pas longue, je ralentissait le pas, peu pressé d'arriver chez moi.
En chemin, je réfléchis. "Je fais pas mal de truc sans le vouloir, depuis ce matin, c'est étrange", me dis-je.
Et c'est quoi cette histoire de fille avec qui j'étais à minuit hier soir ?
"Thomas, tu devais rentrer pour midi."
Quel dommage, j'étais presque en haut des escaliers.
"Ouais maman, excuse moi, je me suis réveillé un peu tard ... lançai-je par habitude, sans convictions aucunes.
- C'est pas comme ça que ça marche, Thomas. Jeta-t-elle un ton plus haut. Je sentis à sa voix qu'elle allait me passer un sermon plus fort que d'habitude.
- Je suis désolé, je ferais attention, je ...
- Non Thomas, m'interrompit-elle. Tu dis ça à chaque fois, résultat : tu ne respectes pas tes engagements. J'en ai marre d'être ta bonniche et de devoir me plier à tes envies, d'accord ? On avait dit que tu rentrais pour midi, puis que tu travaillais, verdict : tu rentre à 17h, tu va encore aller sur l'ordi ou t'endormir, tu n'aura pas bossé, et tes résultats vont encore baisser.
Mais qu'ai-je fait pour mériter ça, putain ? 13 de moyenne en terminale, c'est très bien.
- Tu as 17 ans Thomas, il serait temps de te prendre en main. Tu ne travaille jamais, tu ne vis pas avec nous, tu t'en contrefout des autres. Ce midi, j'avais préparé quelque chose de bon pour qu'on puisse fêter le nouvel an tous les 5, et une fois de plus à cause de toi, ça ne s'est pas passé comme prévu.
Cette phrase me heurta. "à cause de toi, ça ne s'est pas passé comme prévu". Une fois de plus, j'ai merdé, et c'est ma famille qui prend.
Fait chier.
- Tu m'écoutes ?
Ouais, maman, je t'écoute. Mais là, je suis trop fatigué pour te répondre, et de toute façon j'ai aucune envie d'argumenter.
- Thomas, ne t'enferme pas dans ta chambre, c'est trop facile !
- Écoute Maman, pour l'instant je suis un peu crevé ...
Je marque un temps d'arrêt. Ma mère me regarde et semble éffarée. J'ai un bouton sur la gueule ou quoi ?
- ... et ... et là je vais aller piquer un somme, mais je te promet qu'on en reparlerais sérieusement plus tard.
Faisant demi-tour vers ma chambre, je m'étonne que ma mère ne trouve rien à redire.
Je ferme la porte de ma chambre et me jette sur mon lit.
Je constate en jetant un oeil à mon PC que j'ai reçu deux messages sur Facebook. Je m'approche de l'écran. Le premier est d'Adrianne. Je n'ai pas envie de le lire.
Le deuxième est de ... Fabio ? Il me veut quoi ce con ? Je clique,et mes yeux s'illuminent en voyant le mail.
"Moi, je sais ce qui t'es arrivé hier à minuit ! ;D"
Mes yeux sont fixés sur l'enseigne de ce café, situé dans la rue de l'autre côté du canal. Un symbole conclut le nom. J'appuie mes bras contre la barrière en fer, me courbe en avant et plisse les yeux afin de mieux discerner le dessin. C'est une fleur. Une fleur passablement mal dessinée, au passage.
Un coup de vent frais fait virevolter mes cheveux et soulève des vaguelettes à la surface du fleuve. Je continue de regarder, solidement campé contre le barreau, la rue en face de moi.
"Hé, ###### !"
Une voix m'appelle. Je n'ai pas compris ce qu'elle m'a dit.
"Hé, ###### ! Retourne-toi ! Je suis derrière !"
Je me tourne, et constate avec stupeur que le paysage derrière moi n'est autre que le bord d'une falaise. Je baisse les yeux : sous mes pieds, à quelques centimètres, le vide.
J'effectue un mouvement de recul quand je vois le visage de mon interlocuteur à quelques centimètres de moi.
Deux yeux noirs d'où coulent un liquide magenta me figent sur place.
La bouche de cette vision d'horreur s'écarte lentement, et en sors une langue fourchue qui tourne et gigote en me pointant.
Des mots assourdissant d'un langage incompréhensible fusillent alors mes oreilles, tel une nuée de corneilles se regroupant sur un cadavre à toute allure. Des mots violents, bien que prononcés calmement.
Une force me propulse en arrière, et je tombe dans le vide.
Et soudain, une gifle.
"Ben dis donc ma couille, je croyais que tu te réveillerais jamais !"
Fabio. Va te faire foutre.
"Ho, tu dors encore ? Faut arrêter la coke, bro !
- Nique ta mère, Fabio ! Fous moi la paix putain !"
J'ai juste un horrible grésillement dans ma tête, qu'est-ce qui se passe ?
J'ouvre les yeux, tentant d'analyser mon espace. Je suis allongé dans un canapé rouge, les jambes sur l'accoudoir.
J'ai une serviette sur mon ventre, une bouteille de calva à mes pieds et une mare de gerbe à mes côtés. Bien qu'introuvable à mon regard, mais bien localisable à l'odeur.
Qu'est-ce qui s'est passé ici ? On est quel jour ?
"Mervé, fais pas la con ! Donne les verres, tu va les péter !"
J'entends la voix d'Adrianne. Je suis rassuré, enfin une présence reconnu et appréciée.
La lumière aveuglante laisse peu à peu place à un amas de formes et de couleurs. Je bouge la tête, et je reconnais l'intérieur du garage d'Adrianne.
Ça me reviens.
Hier, on était le 31. Aujourd'hui, on est le 1. Le premier.
Le premier, janvier, 2012, me dis-je lentement dans ma tête.
Et je me suis foutu une sacrée race, ça c'est clair.
"Tu ne dors plus ?"
Cette phrase, survenant hors de mon champ de vision, me fait sursauter. Une onde de frissons parcourt mes muscles encore engourdis.
Je tourne la tête pour voir de qui provient cette voix, me rendant compte à ce moment que mon corps n'est pas encore tout à fait prêt à bouger. Je serre les dents et aperçoit Arthur.
Arthur, c'est un pote à Adrianne. Je sais pas pourquoi elle l'apprécie, en fait. C'est un espèce d'asocial endurci, le genre de mec qui ne sort que quand son unique amie le tire hors de ses jeux vidéos pour fêter le nouvel an dans un garage. Le genre de mec à rester assis toute une soirée en disant 2 mot et qui ne cherche pas à connaitre les gens qu'il ne connaît pas. Le genre de type que j'aime pas, en somme.
Comble du bonheur, Arthur semble avoir pour moi une espèce de fascination sans bornes, faisant de moi la seule personne avec Adrianne avec qui il échange ses 10 mots quotidiens.
Je retourne ma tête dans sa position initiale et referme les yeux. Me rendant compte que ça n'est pas très sympa, je répond brièvement : "Ouais."
Je me rend également compte que ma voix est super enrouée. J'ai du encore gueuler comme un porc hier soir.
J'aperçoit du coin de l'oeil Adrianne s'avançant vers le canapé.
Je ferme les yeux, faisant, dans un élan d'idiotie, semblant de dormir, quand un frottement suivi d'une sensation fraîche assaille mon ventre : Adrianne a tiré la couette, me dis-je.
"Tu va quand même pas dormir toute l'après-midi, grosse merde ? Aide nous un peu à ranger, Thomas !"
Je souris. Grosse merde, c'est bien un surnom affectif propre à Adrianne.
"Ouais, j'me lève", dis-je sans conviction.
J'étire mes bras et prends appui sur eux pour relever mon buste.
Quand faut y aller, faut y aller. D'une traite, je glisse mes pieds au sol, prend un inspiration et me met debout.
"Nique sa mère !" sont les seuls mots qui sortent de ma bouche.
J'ai l'impression d'avoir vieilli de 50 ans en une soirée.
Mes muscles semblent à la fois tous bloqués et tous survitaminés. Faisant fi de mes douleurs et migraines, je m'étire en avant, puis en arrière pour me réveiller tout en regardant autour de moi.
Adrianne, Mervé et Fabio sont en train de ranger le garage. Arthur, lui, est assis sur une chaise et semble se contenter de regarder les gens s'agiter autour de lui.
D'autres personnes semblent être en haut, en train d'aider. Je les entends.
"Tu va bien, Thomas ?"
C'est Arthur. Pourquoi ce con prend toujours la peine de ponctuer ses phrases de mon prénom ? Je le connais, mon prénom !
"Ouais, mollo ... lâchai-je en souriant.
Juste une vilaine impression d'avoir été piétiné par un troupeau de gnous pendant la nuit."
Thomas sourit. Epic win. Je prend un malin plaisir à passer pour un Dieu auprès des gens comme ça. Ça me conforte dans l'idée que je suis quelqu'un de bien, de populaire et de drôle.
Adrianne me passe devant avec une pile d'assiette dans les mains.
"Tu compte regarder les mouches voler longtemps ? Ironisa-t-elle.
- Et pourquoi pas ? Répliquai-je en piochant un petit morceau de gâteau au chocolat qui trônait au dessus des assiettes.
Certaines font d'admirables vols planés."
Arthur sourit encore. J'en profite pour engloutir le morceau de gâteau, faire la grimace et le recracher immédiatement.
"Élise a renversé de la vodka dessus", expliqua Adrianne d'une voix sans expression en continuant sa route vers les escaliers.
J'engage mes pas dans sa direction, mais je trébuche sur ce qui semble être le reste d'un corps.
Ah, salut Élise. Je fais immédiatement la liaison entre le gâteau, l'odeur de gerbe ambiante et le zombie à mes pieds.
Esquivant promptement le corps, je m'engage dans les escaliers tandis qu'Arthur m'emboite le pas.
Arrivé dans la cuisine d'Adrianne, les gens me sourient et me disent bonjour.
"Waouh mec, tu t'es shooté combien de fois cette nuit ? T'as une vraie tête de rat malade !" sortit un mec dont j'ai oublié le nom.
Je n'ai pas le temps de répondre mollement comme à mon habitude, qu'Adrianne enchaîne avec un "On se grouille les gens, mes parents vont débarquer d'une minute à l'autre ! Faut que quelqu'un aille essuyer la flaque de vomi en bas please !".
Et sur ces mots, elle s'engage en courant dans le jardin pour aller réveiller les derniers endormis dans les tentes.
Toujours aussi surexcitée celle-là.
"Sérieux Thomas, va faire une toilette, là t'as vraiment une gueule de déterré", me souffle Mervé.
Mervé est une amie d'Adrianne depuis le collège. Je ne l'apprécie pas particulièrement, mais je ne la déteste pas non plus.
Le genre de fille à se fondre trés vite dans la masse, sans grand intérêt.
"Tu m'écoute ? ajouta-t-elle en agitant sa main devant mes yeux pour me réveiller. T'as pris une dose de trop, vieux !"
Je n'ai pourtant pas pris de drogue cette nuit. Du moins ce que je m'en souviens. D'ailleurs, je ne me souviens pas de grand chose.
Une réponse brève et monocorde sort de ma bouche tandis que je me dirige vers la salle de bain.
En voyant ma tête dans la glace, je me surprend moi-même : on dirait que je n'ai pas dormi depuis des semaines.
"Effectivement, une petite toilette ne peut me faire que du bien", lâchai-je.
Tout en me passant un gant d'eau sur le visage, je réfléchis à ce qui a pu se passer hier soir. Mes derniers souvenir remonte à 23h30 à peu près. J'étais plutôt sobre, de ce que je me rappelle, et la soirée semblait se passer sans problème.
Alors qu'est-ce qui a pu se passer après ?
Ce qui est certain, c'est que je me suis mit une sacrée mine, songeai-je en plongeant ma tête dans l'eau.
Les souvenirs d'avant 23h30 remontent alors. des souvenirs pas géniaux. La soirée était pas si géniale, en fait.
Préférant occulter ces pensées négatives, je relève la tête et sèche mon visage. Un coup d'oeil dans le miroir et ... woaw !
Toute trace de lendemain de soirée semble avoir disparu, comme si on m'avait maquillé pour que je paraisse fatigué.
Après une admiration de mon visage semblant en parfaite santé, je retourne, fier, dans la cuisine.
Les commentaires quant à mon physique n'ont pas le temps de fuser : j'entends un cri venant du jardin.
Reconaissant la voix d'Adrianne, la réaction est la même pour chacun : nous fusons en bloc vers le jardin, où j'aperçois mon amie assise sur l'herbe, une fille à ses côtés l'aidant à reprendre ses esprits.
"C'est bon, no stress, j'ai juste eu un coup de migraine et j'ai perdu l'équilibre !" lance Adrianne en nous apercevant.
Je sors de la masse et accourt vers elle. "T'es sûre que ça va ?" sont les mots idiots qui me viennent le plus vite à l'esprit.
"J'ai rien, j'ai juste trébuché. Les autres, vous pouvez retourner à vos occupations, j'ai rien !"
Adrianne se relève, s'essuie et ramasse les objets éparpillés par sa chute.
Peu convaincu par cette réponse, je persiste : "Tu as pris quelque chose hier soir ?
- Pas du tout, lâche moi Thomas ! J'ai juste eu la tête qui a tourné pendant 3 secondes, y'a rien de grave !"
Un sentiment étrange s'empare alors de moi. Je suis persuadé qu'Adrianne me cache des choses, mais je pense que je dois la laisser.
Après tout, elle a sûrement raison.
L'implication de chacun permet de changer en l'espace d'une heure ce qui ressemblait précédemment en un champ de bataille du 4ème millénaire en un espace de vie convenable pour une famille middle class.
Les parents d'Adrianne n'arrivant toujours pas, je rejoins la poignée de fêtards restants au garage.
La fatigue générale n'étant pourtant pas propice à une discussion, quelqu'un brise la glace et tente un classique : "C'était sympa comme soirée, non ?"
S'ensuit une vague de moues d'approbations et de remerciements envers Adrianne. Mais celle-ci semble perplexe.
Son regard croise le mien, et je me souviens alors que je ne sais toujours pas ce qui s'est passé après 23h30.
Ma question soulève des réactions de la part des gens.
"T'étais pas dans le garage à 23h30."
"Je crois que t'étais monté dans la maison, avec une autre fille."
"En tout cas, à 2h t'étais en train de danser avec nous." sont les trois indices que je relève.
Je tente d'interroger Adrianne du regard, mais celle-ci ne semble pas prête à me venir en aide. Son comportement est décidément étrange.
C'est en l'observant que je me rend d'ailleurs compte qu'elle semble échanger du regard des idées avec Mervé. Que complotent-elle toutes les deux ?
Encore un regard d'Adrianne. Leur dialogue facial s'interrompt.
"J'y vais, lâchai-je simplement en me levant.
- Tu es sûr de vouloir partir ? demande Arthur."
A vrai dire, je ne l'étais pas vraiment. Mais à l'inverse, rien ne me retenait vraiment ici, et l'attitude d'Adrianne m'avait frustré.
"Ouais, j'y vais. Merci pour tout Adri', et bonne soirée tout le monde"
Je traverse le garage, poussé par les regards des autres.
"On se revoit à la rentrée, énonçai-je machinalement sans même y avoir pensé".
La route jusqu'à chez moi n'étant pas longue, je ralentissait le pas, peu pressé d'arriver chez moi.
En chemin, je réfléchis. "Je fais pas mal de truc sans le vouloir, depuis ce matin, c'est étrange", me dis-je.
Et c'est quoi cette histoire de fille avec qui j'étais à minuit hier soir ?
"Thomas, tu devais rentrer pour midi."
Quel dommage, j'étais presque en haut des escaliers.
"Ouais maman, excuse moi, je me suis réveillé un peu tard ... lançai-je par habitude, sans convictions aucunes.
- C'est pas comme ça que ça marche, Thomas. Jeta-t-elle un ton plus haut. Je sentis à sa voix qu'elle allait me passer un sermon plus fort que d'habitude.
- Je suis désolé, je ferais attention, je ...
- Non Thomas, m'interrompit-elle. Tu dis ça à chaque fois, résultat : tu ne respectes pas tes engagements. J'en ai marre d'être ta bonniche et de devoir me plier à tes envies, d'accord ? On avait dit que tu rentrais pour midi, puis que tu travaillais, verdict : tu rentre à 17h, tu va encore aller sur l'ordi ou t'endormir, tu n'aura pas bossé, et tes résultats vont encore baisser.
Mais qu'ai-je fait pour mériter ça, putain ? 13 de moyenne en terminale, c'est très bien.
- Tu as 17 ans Thomas, il serait temps de te prendre en main. Tu ne travaille jamais, tu ne vis pas avec nous, tu t'en contrefout des autres. Ce midi, j'avais préparé quelque chose de bon pour qu'on puisse fêter le nouvel an tous les 5, et une fois de plus à cause de toi, ça ne s'est pas passé comme prévu.
Cette phrase me heurta. "à cause de toi, ça ne s'est pas passé comme prévu". Une fois de plus, j'ai merdé, et c'est ma famille qui prend.
Fait chier.
- Tu m'écoutes ?
Ouais, maman, je t'écoute. Mais là, je suis trop fatigué pour te répondre, et de toute façon j'ai aucune envie d'argumenter.
- Thomas, ne t'enferme pas dans ta chambre, c'est trop facile !
- Écoute Maman, pour l'instant je suis un peu crevé ...
Je marque un temps d'arrêt. Ma mère me regarde et semble éffarée. J'ai un bouton sur la gueule ou quoi ?
- ... et ... et là je vais aller piquer un somme, mais je te promet qu'on en reparlerais sérieusement plus tard.
Faisant demi-tour vers ma chambre, je m'étonne que ma mère ne trouve rien à redire.
Je ferme la porte de ma chambre et me jette sur mon lit.
Je constate en jetant un oeil à mon PC que j'ai reçu deux messages sur Facebook. Je m'approche de l'écran. Le premier est d'Adrianne. Je n'ai pas envie de le lire.
Le deuxième est de ... Fabio ? Il me veut quoi ce con ? Je clique,et mes yeux s'illuminent en voyant le mail.
"Moi, je sais ce qui t'es arrivé hier à minuit ! ;D"
09/01/12 à 21:48:26
Merci de ton commentaire Manesels, content de voir que tu apprécie
Et oui, ça arrive de planter deux trois tentes le jour de l'an pour prévoir un espace aux gens corrects qui veulent copuler/dormir tranquille et sans déranger une chambre
09/01/12 à 20:13:57
Ah oui, et chapitre un peu long pour moi, mais je vois pas où t'aurais pu couper
J'note pas encore, mais tu mérite un 4 pour ce début, 4 qui peux devenir 5 suivant la suite
09/01/12 à 20:12:13
Ouah.
Sympatoche comme tout, ça faisait longtemps que j'avais pas lu un texte aussi bien écrit sur NF (ça faisait aussi longtemps que j'vais pas lu du tout non plus, mais passons).
Pas de fautes, un style imagé impeccable, pas de répétition, simple à lire et à comprendre, tout en restant d'un très haut niveau. Si c'est ton premier texte, chapeau bas !
(J'ai juste bugué sur le "Mervé" au début )
Par contre, deux choses :
1 : T'as interêt de continuer comme ça et d'assurer avec le scénar' derrière, je veux connaitre la suite
2 : Des tentes le jour de l'an ?
31/12/11 à 13:46:53
Pas mal du tout ... Le seul truc qui me fasse tiquer est l'abus que tu as parfois avec la ponctuation et les expressions "djeuns" ... Mettre des putain et des fait chier à tire-larigot ne rend pas forcément le texte plus "proche" du lecteur, puisqu'il y a un décalage énorme en ce qu'on entend, ce qu'on a l'habitude d'entendre, et ce qu'on lit ...
Mais sinon, le style est assez bon. Les descriptions sont sympatoches, dynamiques, l'ambiance "post-spoirée" est bien retranscrite ... Reste à voir la suite ...
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