L'Ombre et l'Extase
Par : Canis_Wolfborn
Genre : Action , Fantastique
Status : C'est compliqué
Note :
Chapitre 1
Publié le 10/12/11 à 23:39:14 par Canis_Wolfborn
Oltan. Son nom signifiait "La ville de tout", car selon les proverbes, il aurait fallu que quelque chose n'existe pas pour ne pas l'y trouver.
Pourtant beaucoup manquait à Oltan aux yeux de certains. Pour commencer la Justice. Un an et quelques mois plus tôt, les guildes marchandes, excédées par l'indulgence de la Main de Nole, organe judiciaire de la Cité, dont les lois suivaient les préceptes du Dieu Nole, fondamentalement bienveillant et prompt à pardonner, avaient fait dissoudre l'organisation pour un système plus pragmatique, plus procédurier et surtout, couché sur papier. L'avènement de la bureaucratie dans le domaine de la criminalité, ayant achevé la transformation de l'Omni-Cité en une vaste machine dont le moteur principal était l'argent.
Là où le voleur pouvait se faire pardonner en travaillant pour sa victime pendant une durée proportionnelle au préjudice infligé, il devait désormais choisir entre la Prison, l'Arène ou l'Exil. Les Guildes avaient volontairement évité d'autoriser la peine de mort. L'Arène remplissait très bien ce rôle. Les meilleurs combattants étaient vendus en tant que guerriers aux Nations voisines, qui toutes avaient interdit les combats de gladiateurs, et les autres agonisaient dans le sable du Colisée impérial, brûlant et irritant, sous les acclamations de gens avides de voir la mort, mais incapables de la donner.
Car oui, c’était une ville dominée par un Empereur. Un titre en réalité ridicule. Quel Empereur digne de ce nom ne pouvait régner que sur une seule ville, aussi grande soit-elle ? Personne n’osait cependant le dire, aussi en retrait fut-ce le seigneur. Il était en charge de la sécurité militaire et de la gloire diplomatique d’Oltan la Grande, ayant perdu au fil des décennies toute emprise sur le plan économique. Lui-même subissait les agressions monétaires des Guildes, devant leur obéir quant à la façon d’équiper ses soldats, et même de faire la guerre contre les hommes de l’Est qui parfois tentaient de s’emparer de sa Cité-État. Une Cité immense, mais si fragile et petite en comparaison des riches pays qui entouraient sa vallée. Traverser Oltan de long en large, ou de bas en haut, demandait un jour complet de marche à pied, en supposant que la foule compacte qui déambulait dans ses rues ne vous ralentisse pas au point de tripler cette estimation. À cela s’ajoutaient les contrôles et patrouilles des Gardes Impériaux, qui n’avaient presque plus de devoirs à remplir. En vérité, ils étaient le dernier rempart entre la domination marchande et les Lois Impériales, aussi défigurées fussent-elles, et en cela ils jouissaient d’un soutien important des couches modestes de la population, tandis que les milieux bourgeois et aisés les méprisaient au mieux, et complotaient contre eux au pire. Car les véritables forces de l’ordre d’Oltan, depuis la dissolution de la Main de Nole, étaient les milices privées des Guildes.
Milice était un euphémisme pour désigner une armée miniature, équipée selon des standards militaires plus que décents, tolérée par l’Empereur et autorisée à utiliser de la force si nécessaire, tout comme à procéder à des arrestations et à transférer quiconque vers le Grand Tribunal. Il en existait beaucoup, en réalité presque autant qu’il y avait de familles puissantes pour régner sur la Cité en place de l’Empereur.
Un homme honnête aurait sans peine avoué que les milices ne se comportaient pas en occupants et remplissaient leur rôle sans abuser de leur pouvoir en règle général, mais la question était de savoir si l’on pouvait confier le pouvoir judiciaire à des hommes uniquement parce qu’ils étaient fortunés. Car selon les nouvelles lois, maintenir une milice ne suffisait pas, il fallait également payer une taxe à l’Empereur pour cela. C’était, et cela peut être surprenant, un accord arraché in extremis par l’Empereur, afin de conserver une légitimité monétaire face aux Guildes, sans quoi il aurait déjà dû mettre la clé sous la porte et livrer Oltan à ceux qu’il haïssait tant, ceux qui avaient fait de la Cité de ses ancêtres une vaste jungle où l’argent était roi, et d’où les valeurs et les divinités avaient été chassées à grands renforts de métaux précieux.
Cela attristait le Seigneur d’Oltan de voir sa magnifique ville bradée ainsi, et de se sentir impuissant face à de tels changements. Lorsqu’il montait au sommet de sa tour, et qu’il observait son domaine s’étendre à perte de vue, un réseau complexe de rues et d’avenues, de maisons et de cours, il ne pouvait cependant que sourire et garder espoir. Fondée des siècles auparavant, Oltan était un carrefour des civilisations, accueillant à bras ouverts les hommes des quatre points cardinaux, de ce continent où de par-delà les mers. Des hommes et femmes attachés à l’impartialité de la justice et du pouvoir, mécontents d’observer l’argent supplanter les figures traditionnelles d’autorité, à savoir les Dieux et les monarques.
D’une manière peu commune, la Dynastie Impériale, dont Umit VIII était le représentant, avait demandé à ce que chaque quartier se créée par rapport à la position géographique de la patrie originelle des premiers colons d’Oltan. Ainsi au sud du Palais Impérial, l’on trouvait les hommes des Rives Rouges et leurs maisons de terre séchée, et au Nord les habitations basses de pierres et de bois du peuple guerrier des Terres Boréales. À l’Est, l’on pénétrait dans une fourmilière, les grandes zones des peuples Orientaux, véritable substrat de toutes sortes de cultures, tandis qu’à l’Ouest s’étaient érigés de grands donjons, des espaces vastes et des quartiers agencés de manière très carrée, autrefois la zone d’accueil des Occidentaux d’au-delà la mer, les Riléens, originaire de la Rilée, et désormais la région d’Oltan la plus contrôlée par les Guildes, là où les lois étaient appliquées avec plus de brutalité.
Umit regardait le Quartier Ouest, rebaptisé les Plaines d’Acier par le peuple, aussi bien pour son industrie galopante que pour la sévérité des milices qui y séjournaient. Aussi polie fut l’image renvoyée par cette région d’Oltan, aussi ordonnée et propre eut-elle parue du haut du Donjon des Cieux, point culminant de la Cité, l’Empereur ressentait dégoût et amertume à sa vue. Elle lui rappelait à quel point son emprise sur son domaine, et ce même avec la population derrière lui, s’était réduite, depuis déjà longtemps, alors que son grand-père Nyazi XXI était encore aux commandes. À l’époque, la Garde Impériale faisait régner la Justice lorsque la Main de Nole ne pouvait assurer sa mission de Protection et Pardon à l’intérieur des murs. À l’époque, Oltan, grain de sable face aux rochers avoisinants, se tenait fière et stoïque, forte de ses origines variées, produisant une armée hétéroclite, forte des enseignements de siècles de traditions guerrières de différentes cultures, qui lui assuraient la victoire en toutes occasions. Désormais, la Main de Nole s’était effacée, et Protection et Pardon était non plus un cri de ralliement, mais un soupir de désespoir. Quant à la guerre, elle devenait difficile, car les Guildes avaient réduit la qualité des équipements vendus à la Garde Impériale, après s’être assurées que le Palais n’était plus assez riche pour armer lui-même ses troupes. Ces manœuvres avaient permis aux marchands de forcer l’Empereur à être plus prudent sur le front diplomatique, favorisant le commerce et ses complots à l’honneur du champ de bataille.
« Monseigneur, je vous en prie, faites raser tout ce quartier », implora une voix derrière Umit. Ce dernier se retourna et adressa un triste sourire à Alrirk, Seigneur Commandeur de la Garde Impériale. Si son désarroi quant aux Guildes était si grand, c’est qu’avant d’être promu à ce poste, Alrirk avait été la Protection, qui avec le Pardon constituaient les deux Maîtres de l’ex Main de Nole. Hedrien, le Pardon, s’était donné la mort dans l’Arène, regardant l’Empereur dans les yeux, huit mois plus tôt, s’ouvrant le ventre et répandant tripes et sang dans le sable pour écrire le mot « Lâche ! » à l’attention de son souverain. Beaucoup de Gardes de la Main avaient rejoint la Garde Impériale, l’autre partie s’étant exilée ou engagée dans l’Arène, offrant le Pardon aux prisonniers forcés à devenir gladiateurs en se laissant tuer par eux. Ces mises à morts sans défi avaient fait beaucoup de bruit et pendant un temps, Umit avait songé à renverser les Guildes. Mais ses propres troupes, quoi que bien mieux entraînées, n’avaient aucune chance de vaincre les Milices, à la supériorité numérique écrasante. Et en cas de défaite, la Dynastie s’éteindrait, et Oltan tomberait pour de bon aux mains des Guildes.
« Alrirk, mon ami… Si je pouvais, si seulement je pouvais. Mais les Guildes ont accumulé tant de richesses et de pouvoir que je suis condamné à voir ma liberté réduite petit à petit. Quand j’étais jeune, il y a déjà soixante ans, les marchands ne pouvaient qu’obéir à Nole et à mon grand-père. Ce monde-là était plus juste, et notre peuple n’était pas traité comme de la vulgaire main d’œuvre. Les choses ont changé. Maintenant je ne puis qu’assister impuissant au déclin de mon pouvoir, et sentir mon cœur se serrer quand je contemple mon fils, car je sais que sous son règne, notre lignée perdra sa légitimité. À ce propos, comment va-t-il ? »
Le Seigneur Commandeur vint se placer aux côtés de son Empereur sur le garde-fou de la Tour des Cieux, contemplant le soleil se coucher et sa lueur orangée se retirer doucement, laissant l’obscurité s’étaler sur la Cité, mètre par mètre. « Il va bien. Il sera ce soir à une fête organisée par un de ses amis nobles, et a demandé à ne pas être escorté. J’ai cru bon d’accéder à sa demande, mais je peux revenir sur mon ordre si vous le souhaitez. C’est simplement qu’…
-Je sais, je sais, Alrirk. À vingt-trois ans, cet enfant a besoin de liberté. Vous avez bien fait. Il doit profiter de pouvoir faire ce qu’il veut pendant qu’il le peut encore. Tout à l’heure, Vicrus m’a soumis un projet de donjon. Selon ses plans, il devait culminer à trente mètres de plus que la Tour des Cieux. Vous imaginez le culot de ce sale bourgeois ? S’imaginer que son influence sur le marché de l’or peut transcender le pouvoir Impérial. Du temps de mes ancêtres, on l’aurait mis à mort pour un tel affront. Tout ce que j’ai pu faire, c’est de lui dire que je devais étudier le projet plus en profondeur. »
Umit frappa du poing sur le marbre du garde-fou, jurant dans un dialecte des Rives Rouges, d’où étaient originaires les membres de sa famille. Cela pouvait se voir à sa peau basanée, sa constitution élancée, ses cheveux frisés et ses yeux noirs perçants. Il avait une cicatrice au menton, souvenir d’un coup de hache passé à quelques centimètres de le tuer, lors d’une guerre avec les Hongues, un peuple oriental de cavaliers et de pillards. Alrirk, lui, avait des racines au Nord-ouest, et les cheveux blonds et très courts. Ses yeux verts lui venaient de sa mère Riléenne, et sa carrure de guerrier était un héritage de son père Sergien, un peuple issu de racines Nordiques, mais ayant migré pour se rapprocher un peu de la Rilée des siècles auparavant.
« Calmez-vous, Monseigneur. Vicrus ne pourra jamais faire passer une telle demande, le rassura le guerrier.
-Tu ne comprends pas. Je vais bien entendu refuser, mais à chaque fois que je résiste aux Guildes, leur mécontentement augmente. Je suis obligé de leur céder sur bien des points pour maintenir un équilibre, mais viendra un temps où elles voudront se débarrasser de l’Empereur. J’entraîne déjà la Garde plus qu’à l’accoutumée en prévision d’un éventuel retour des Hongues, mais l’objectif réel et de se préparer à reprendre le contrôle d’Oltan, tu le sais. Seulement, je n’y arriverai pas si les Guildes restent aussi puissantes. Il nous faut les museler, les paralyser. Les forcer à regarder ailleurs pendant que nous préparons la vengeance et le retour d’une véritable justice dans les murs de cette Cité.
-Soit… Mais à quoi pensez-vous ? Avez-vous une idée ? Toute action serait signée. Vous l’avez dit vous-même, le Palais est forcé de céder à la pression petit à petit sous peine d’être renversé d’un jour à l’autre. »
Umit inspira profondément. Il regarda son ami dans les yeux quelques secondes, et détourna le regard. Ce qu’il allait demander lui en coûtait énormément.
« Il y a une solution… Mais elle ne te plaira pas. Cependant j’ai besoin de toi. Je te fais confiance. Est-ce que tu m’obéiras, Alrirk, quelle que soit ma demande ?
-Bien sûr, Monseigneur. Quoi que vous demandiez, je l’honorerai. »
Ce que l’Empereur formula par la suite glaça le sang du Seigneur Commandeur.
Pourtant beaucoup manquait à Oltan aux yeux de certains. Pour commencer la Justice. Un an et quelques mois plus tôt, les guildes marchandes, excédées par l'indulgence de la Main de Nole, organe judiciaire de la Cité, dont les lois suivaient les préceptes du Dieu Nole, fondamentalement bienveillant et prompt à pardonner, avaient fait dissoudre l'organisation pour un système plus pragmatique, plus procédurier et surtout, couché sur papier. L'avènement de la bureaucratie dans le domaine de la criminalité, ayant achevé la transformation de l'Omni-Cité en une vaste machine dont le moteur principal était l'argent.
Là où le voleur pouvait se faire pardonner en travaillant pour sa victime pendant une durée proportionnelle au préjudice infligé, il devait désormais choisir entre la Prison, l'Arène ou l'Exil. Les Guildes avaient volontairement évité d'autoriser la peine de mort. L'Arène remplissait très bien ce rôle. Les meilleurs combattants étaient vendus en tant que guerriers aux Nations voisines, qui toutes avaient interdit les combats de gladiateurs, et les autres agonisaient dans le sable du Colisée impérial, brûlant et irritant, sous les acclamations de gens avides de voir la mort, mais incapables de la donner.
Car oui, c’était une ville dominée par un Empereur. Un titre en réalité ridicule. Quel Empereur digne de ce nom ne pouvait régner que sur une seule ville, aussi grande soit-elle ? Personne n’osait cependant le dire, aussi en retrait fut-ce le seigneur. Il était en charge de la sécurité militaire et de la gloire diplomatique d’Oltan la Grande, ayant perdu au fil des décennies toute emprise sur le plan économique. Lui-même subissait les agressions monétaires des Guildes, devant leur obéir quant à la façon d’équiper ses soldats, et même de faire la guerre contre les hommes de l’Est qui parfois tentaient de s’emparer de sa Cité-État. Une Cité immense, mais si fragile et petite en comparaison des riches pays qui entouraient sa vallée. Traverser Oltan de long en large, ou de bas en haut, demandait un jour complet de marche à pied, en supposant que la foule compacte qui déambulait dans ses rues ne vous ralentisse pas au point de tripler cette estimation. À cela s’ajoutaient les contrôles et patrouilles des Gardes Impériaux, qui n’avaient presque plus de devoirs à remplir. En vérité, ils étaient le dernier rempart entre la domination marchande et les Lois Impériales, aussi défigurées fussent-elles, et en cela ils jouissaient d’un soutien important des couches modestes de la population, tandis que les milieux bourgeois et aisés les méprisaient au mieux, et complotaient contre eux au pire. Car les véritables forces de l’ordre d’Oltan, depuis la dissolution de la Main de Nole, étaient les milices privées des Guildes.
Milice était un euphémisme pour désigner une armée miniature, équipée selon des standards militaires plus que décents, tolérée par l’Empereur et autorisée à utiliser de la force si nécessaire, tout comme à procéder à des arrestations et à transférer quiconque vers le Grand Tribunal. Il en existait beaucoup, en réalité presque autant qu’il y avait de familles puissantes pour régner sur la Cité en place de l’Empereur.
Un homme honnête aurait sans peine avoué que les milices ne se comportaient pas en occupants et remplissaient leur rôle sans abuser de leur pouvoir en règle général, mais la question était de savoir si l’on pouvait confier le pouvoir judiciaire à des hommes uniquement parce qu’ils étaient fortunés. Car selon les nouvelles lois, maintenir une milice ne suffisait pas, il fallait également payer une taxe à l’Empereur pour cela. C’était, et cela peut être surprenant, un accord arraché in extremis par l’Empereur, afin de conserver une légitimité monétaire face aux Guildes, sans quoi il aurait déjà dû mettre la clé sous la porte et livrer Oltan à ceux qu’il haïssait tant, ceux qui avaient fait de la Cité de ses ancêtres une vaste jungle où l’argent était roi, et d’où les valeurs et les divinités avaient été chassées à grands renforts de métaux précieux.
Cela attristait le Seigneur d’Oltan de voir sa magnifique ville bradée ainsi, et de se sentir impuissant face à de tels changements. Lorsqu’il montait au sommet de sa tour, et qu’il observait son domaine s’étendre à perte de vue, un réseau complexe de rues et d’avenues, de maisons et de cours, il ne pouvait cependant que sourire et garder espoir. Fondée des siècles auparavant, Oltan était un carrefour des civilisations, accueillant à bras ouverts les hommes des quatre points cardinaux, de ce continent où de par-delà les mers. Des hommes et femmes attachés à l’impartialité de la justice et du pouvoir, mécontents d’observer l’argent supplanter les figures traditionnelles d’autorité, à savoir les Dieux et les monarques.
D’une manière peu commune, la Dynastie Impériale, dont Umit VIII était le représentant, avait demandé à ce que chaque quartier se créée par rapport à la position géographique de la patrie originelle des premiers colons d’Oltan. Ainsi au sud du Palais Impérial, l’on trouvait les hommes des Rives Rouges et leurs maisons de terre séchée, et au Nord les habitations basses de pierres et de bois du peuple guerrier des Terres Boréales. À l’Est, l’on pénétrait dans une fourmilière, les grandes zones des peuples Orientaux, véritable substrat de toutes sortes de cultures, tandis qu’à l’Ouest s’étaient érigés de grands donjons, des espaces vastes et des quartiers agencés de manière très carrée, autrefois la zone d’accueil des Occidentaux d’au-delà la mer, les Riléens, originaire de la Rilée, et désormais la région d’Oltan la plus contrôlée par les Guildes, là où les lois étaient appliquées avec plus de brutalité.
Umit regardait le Quartier Ouest, rebaptisé les Plaines d’Acier par le peuple, aussi bien pour son industrie galopante que pour la sévérité des milices qui y séjournaient. Aussi polie fut l’image renvoyée par cette région d’Oltan, aussi ordonnée et propre eut-elle parue du haut du Donjon des Cieux, point culminant de la Cité, l’Empereur ressentait dégoût et amertume à sa vue. Elle lui rappelait à quel point son emprise sur son domaine, et ce même avec la population derrière lui, s’était réduite, depuis déjà longtemps, alors que son grand-père Nyazi XXI était encore aux commandes. À l’époque, la Garde Impériale faisait régner la Justice lorsque la Main de Nole ne pouvait assurer sa mission de Protection et Pardon à l’intérieur des murs. À l’époque, Oltan, grain de sable face aux rochers avoisinants, se tenait fière et stoïque, forte de ses origines variées, produisant une armée hétéroclite, forte des enseignements de siècles de traditions guerrières de différentes cultures, qui lui assuraient la victoire en toutes occasions. Désormais, la Main de Nole s’était effacée, et Protection et Pardon était non plus un cri de ralliement, mais un soupir de désespoir. Quant à la guerre, elle devenait difficile, car les Guildes avaient réduit la qualité des équipements vendus à la Garde Impériale, après s’être assurées que le Palais n’était plus assez riche pour armer lui-même ses troupes. Ces manœuvres avaient permis aux marchands de forcer l’Empereur à être plus prudent sur le front diplomatique, favorisant le commerce et ses complots à l’honneur du champ de bataille.
« Monseigneur, je vous en prie, faites raser tout ce quartier », implora une voix derrière Umit. Ce dernier se retourna et adressa un triste sourire à Alrirk, Seigneur Commandeur de la Garde Impériale. Si son désarroi quant aux Guildes était si grand, c’est qu’avant d’être promu à ce poste, Alrirk avait été la Protection, qui avec le Pardon constituaient les deux Maîtres de l’ex Main de Nole. Hedrien, le Pardon, s’était donné la mort dans l’Arène, regardant l’Empereur dans les yeux, huit mois plus tôt, s’ouvrant le ventre et répandant tripes et sang dans le sable pour écrire le mot « Lâche ! » à l’attention de son souverain. Beaucoup de Gardes de la Main avaient rejoint la Garde Impériale, l’autre partie s’étant exilée ou engagée dans l’Arène, offrant le Pardon aux prisonniers forcés à devenir gladiateurs en se laissant tuer par eux. Ces mises à morts sans défi avaient fait beaucoup de bruit et pendant un temps, Umit avait songé à renverser les Guildes. Mais ses propres troupes, quoi que bien mieux entraînées, n’avaient aucune chance de vaincre les Milices, à la supériorité numérique écrasante. Et en cas de défaite, la Dynastie s’éteindrait, et Oltan tomberait pour de bon aux mains des Guildes.
« Alrirk, mon ami… Si je pouvais, si seulement je pouvais. Mais les Guildes ont accumulé tant de richesses et de pouvoir que je suis condamné à voir ma liberté réduite petit à petit. Quand j’étais jeune, il y a déjà soixante ans, les marchands ne pouvaient qu’obéir à Nole et à mon grand-père. Ce monde-là était plus juste, et notre peuple n’était pas traité comme de la vulgaire main d’œuvre. Les choses ont changé. Maintenant je ne puis qu’assister impuissant au déclin de mon pouvoir, et sentir mon cœur se serrer quand je contemple mon fils, car je sais que sous son règne, notre lignée perdra sa légitimité. À ce propos, comment va-t-il ? »
Le Seigneur Commandeur vint se placer aux côtés de son Empereur sur le garde-fou de la Tour des Cieux, contemplant le soleil se coucher et sa lueur orangée se retirer doucement, laissant l’obscurité s’étaler sur la Cité, mètre par mètre. « Il va bien. Il sera ce soir à une fête organisée par un de ses amis nobles, et a demandé à ne pas être escorté. J’ai cru bon d’accéder à sa demande, mais je peux revenir sur mon ordre si vous le souhaitez. C’est simplement qu’…
-Je sais, je sais, Alrirk. À vingt-trois ans, cet enfant a besoin de liberté. Vous avez bien fait. Il doit profiter de pouvoir faire ce qu’il veut pendant qu’il le peut encore. Tout à l’heure, Vicrus m’a soumis un projet de donjon. Selon ses plans, il devait culminer à trente mètres de plus que la Tour des Cieux. Vous imaginez le culot de ce sale bourgeois ? S’imaginer que son influence sur le marché de l’or peut transcender le pouvoir Impérial. Du temps de mes ancêtres, on l’aurait mis à mort pour un tel affront. Tout ce que j’ai pu faire, c’est de lui dire que je devais étudier le projet plus en profondeur. »
Umit frappa du poing sur le marbre du garde-fou, jurant dans un dialecte des Rives Rouges, d’où étaient originaires les membres de sa famille. Cela pouvait se voir à sa peau basanée, sa constitution élancée, ses cheveux frisés et ses yeux noirs perçants. Il avait une cicatrice au menton, souvenir d’un coup de hache passé à quelques centimètres de le tuer, lors d’une guerre avec les Hongues, un peuple oriental de cavaliers et de pillards. Alrirk, lui, avait des racines au Nord-ouest, et les cheveux blonds et très courts. Ses yeux verts lui venaient de sa mère Riléenne, et sa carrure de guerrier était un héritage de son père Sergien, un peuple issu de racines Nordiques, mais ayant migré pour se rapprocher un peu de la Rilée des siècles auparavant.
« Calmez-vous, Monseigneur. Vicrus ne pourra jamais faire passer une telle demande, le rassura le guerrier.
-Tu ne comprends pas. Je vais bien entendu refuser, mais à chaque fois que je résiste aux Guildes, leur mécontentement augmente. Je suis obligé de leur céder sur bien des points pour maintenir un équilibre, mais viendra un temps où elles voudront se débarrasser de l’Empereur. J’entraîne déjà la Garde plus qu’à l’accoutumée en prévision d’un éventuel retour des Hongues, mais l’objectif réel et de se préparer à reprendre le contrôle d’Oltan, tu le sais. Seulement, je n’y arriverai pas si les Guildes restent aussi puissantes. Il nous faut les museler, les paralyser. Les forcer à regarder ailleurs pendant que nous préparons la vengeance et le retour d’une véritable justice dans les murs de cette Cité.
-Soit… Mais à quoi pensez-vous ? Avez-vous une idée ? Toute action serait signée. Vous l’avez dit vous-même, le Palais est forcé de céder à la pression petit à petit sous peine d’être renversé d’un jour à l’autre. »
Umit inspira profondément. Il regarda son ami dans les yeux quelques secondes, et détourna le regard. Ce qu’il allait demander lui en coûtait énormément.
« Il y a une solution… Mais elle ne te plaira pas. Cependant j’ai besoin de toi. Je te fais confiance. Est-ce que tu m’obéiras, Alrirk, quelle que soit ma demande ?
-Bien sûr, Monseigneur. Quoi que vous demandiez, je l’honorerai. »
Ce que l’Empereur formula par la suite glaça le sang du Seigneur Commandeur.
11/12/11 à 17:57:01
J'ai posté le texte ailleurs et on m'a fait plus ou moins le même reproche, la description est trop dense et succinte par rapport à la longueur du Chapitre. Je vais corriger ça dans le Chapitre II.
11/12/11 à 16:17:25
Alors alors, c'est bizarre, parce que lire ton texte m'a fait un peu l'impression de croiser une jolie fille avec une verrue sur le nez.
Bon, pardon, la métaphore est moisie, mais c'est un peu l'effet que j'ai eu. C'est... bien en fait. Le style est bon, correct, avec effectivement quelques maladresses et un coté effets de manches inutiles dans certaines phrases, sans doute trop longues ou trop pompeuses, mais bon, c'est du détail.
Au niveau du monde, wahou, ça promet. Même si ça sent beaucoup le "The Elder Scrolls style", y a quand même une certaine volonté de cohérence historique et d'originalité.
Mais alors (et c'est là la verrue) pourquoi nous assomer avec une exposition pareille ? C'est long, et je pense qu'il aurait mieux valut nous jeter dans l'action directement, parce que ça donne un effet terrible. Enfin, d'habitude, on expose au fur et à mesure la richesse du monde, mais là, ça nous largue complétement, ce qui est très dommage, au niveau du potentiel du texte.
Bref, je lirais la suite, parce que ça reste bon.
11/12/11 à 14:33:10
Well well well ... Texte sympathique, même si quelques tournures et éléments sont assez maladroites (notamment la description de la cité, courte et un peu cliché je trouve ... )
Après, ce n'est que le début. Il y a un réel potentiel, avec deux personnages secondaires qui sont malgré tout assez charismatique, et imposent un aspect dramatique en peu de lignes (ce qui est très agréable ... ).
A voir donc.
11/12/11 à 03:27:34
Canis qui revient ?
Une nouvelle pépite à savourer donc ...
Je lis ça demain, et tu auras un petit compte-rendu dans la foulée ...
11/12/11 à 00:05:23
Aucune référence au Nazisme par rapport au grand-père. x)
C'est un monde imaginaire, bien évidemment, bien qu'Oltan soit très inspirée de Byzance / Constantinople / Istanbul. Les lieux et l'époque ne sont pas vraiment développés car pas très importants pour le moment.
11/12/11 à 00:00:44
Vraiment bien commencé, une belle mise en contexte avec un petit résumé de l'histoire de la Cité, l'époque et les lieux restent encore vague et imprécis (peut-être en est-il ton but). Peut-être dans un monde fantastique médiéval (Oltan n'existe pas)?
Orthographe et syntaxe soigné, belle descriptions, de quoi rivaliser avec certains bon auteurs du genre.
Et le grand père ne fait pas référence à Hitler (Nyazi XXI :)) ?
+ SWEET
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