« -Ne pleures pas, tu es grand maintenant, tu dois comprendre. Au début, ça va faire mal, c’est sûr. Mais avec le temps, ça passera et tu verras, ça sera mieux pour toi. Ne vois pas que le mauvais côté de la chose, tu vas pouvoir vivre ! Comment, « non » ? Mais si, je te dis ! Allez, regardes-moi, tu vois mes yeux ? Est-ce que tu penses que je pourrais te mentir ? Tu sais bien que non ! Sèches donc ces larmes. Je veux que tu sois un homme, tu m’as compris ? Je ne veux plus que tu pleures, et surtout pas pour ça. Promets moi d’être fort, c’est compris ? Sers les dents, c’est juste un mauvais moment à passer, bientôt, tu auras tout oublié, même jusqu’à ma voix. Viens, je vais préparer de quoi manger. Notre dernier repas ensemble ! Demain, tu devras te débrouiller seul. J’en suis vraiment désolé, mais c’est pour ton bien, tu comprendras ! Alors, tu manges pas ? Pourtant il faut si tu veux devenir fort ! Tu vois que c’était bon ! Dur de se dire que c’était notre dernier repas ensemble… La nuit tombe, je vais y aller. Non, ne pleures pas je t’ai dis… Je te promets que ça ira, tout ira très vite, tu n’as pas à t’inquiéter. Viens là, fils que je te sers une dernière fois dans mes bras. Voilà. J’ai une conjonctivite, n’ai pas peur. Cette fois-ci, j’y vais. Adieu mon fils et porte toi bien. »

Mon père m’a alors tourné le dos et est sortis de la pièce. Quelques secondes plus tard, le bruit d’un moteur résonnait dans notre petite allée. Puis le bruit s’est mit à décroitre jusqu’à devenir inaudible. Je ne sais combien de temps je suis resté à attendre là. Mais je me souviens du moment où on m’a annoncé que la voiture de mon père avait été retrouvée encastrée dans un mur. On m’a rassuré, il était mort sur le coup et n’avait donc pas souffert.

Je n’ai pas pleuré. C’était la première fois que l’on m’abandonnait.