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Meurtre parmi les roseraies


Par : PoulpeDeNoel
Genre : Polar
Statut : Terminée



Chapitre 4


Publié le 31/10/2016 à 18:01:11 par PoulpeDeNoel

Le sommeil s'était abattu sur la villa comme la fatigue surprend le coureur ; à bout de souffle après une journée des plus agitées, la demeure se pétrissait dans le repos. La lune laissait courir ses rayons sur la végétation somnolente et couvrait la bâtisse de son voile bienveillant. Doucement, au petit matin, la villa ouvrit un œil : Victor et Andréa se levèrent tandis que le soleil laissait apercevoir ses premiers rayons. La villa s'ingéniait au réveil dans les premiers murmures de ses habitants. Peu à peu, les différents convives se préparaient au jour naissant.
Gérard, réveillé de bonne heure, trouva sur la terrasse de la villa la Tourbière qui discutait avec madame Creuzot, accompagnée de ses deux enfants.
– Ah ! Inspecteur Bétrache ! s'exclama la Tourbière, vous tombez à point, nous allions prendre notre petit-déjeuner. Je vous en prie, joignez-vous à notre table !
Dans un hochement de tête, Gérard s'installa entre Melvin et sa mère. Gérard, pour meubler le blanc de la conversation qui était apparu depuis qu'il fut arrivé, demanda :
– Au fait, monsieur Creuzot est pas là ?
– Il fait son jogging, comme chaque matin, répondit sa compagne, l'air ravi de pouvoir montrer que son mari prenait soin de sa ligne.
– Un sportif, alors ? demanda Gérard d'un air faussement intéressé.
– Un vrai sportif, ça, oui ! Depuis notre rencontre il est comme ça.
Quelques minutes plus tard, Victor apporta sur un plateau l'essentiel à petit-déjeuner. Gérard intervint une nouvelle fois :
– On ferait pas mieux d'attendre madame Destouches et sa petite-fille ?
– Laissons-les se reposer encore. Elles dorment souvent jusqu'à assez tard.
La Tourbière consulta sa montre :
– Il est neuf heures, on peut encore attendre une heure pour eux.
– À son âge, c'est vrai qu'on a besoin de sommeil, dit Creuzot en laissant percer une pointe de moquerie.
– Soixante-treize ans tout de même... lâcha la Tourbière.
– Entre nous, chuchota Creuzot pour augmenter l'intensité de la remarque, je pense qu'elle a des hémorroïdes. J'ai vu une ordonnance du médecin...
– La pauvre, ria la Tourbière.
– Et Alicia, alors ? interrogea Gérard.
Melvin, qui consultait son téléphone jusqu'alors, redressa le visage et intervint :
– Elle est trop chelou, elle.
– Pourquoi ?
– Bah, elle fait des trucs chelous, quoi. Elle reste toujours seule. Quand on lui parle, elle répond des trucs chelous et tout.
– Comme quoi ?
– C'est un interrogatoire ou bien ? ricana Melvin.
Sa sœur, Éléonore, impressionnée par la fonction policière, envoya un coup de coude à son frère puis dit à Gérard :
– C'est juste qu'elle est pas comme nous, vous voyez. Elle arrête pas de regarder les choses autour d'elle, ou alors elle est en train de lire. On croit qu'elle est bizarre, vous comprenez.
– M.D.R, lança Melvin à l'adresse de sa sœur.
Gérard nota l'information. Qui sait, peut-être cela pourrait-il lui être utile ?
– Je vois le genre.
Melvin et Éléonore étaient deux lycéens de 17 et 15 ans. Melvin était un grand garçon d'un mètre quatre-vingt-dix et qui arborait une large mèche blonde. Il était maigrelet et bronzé. Sa sœur partageait avec lui le teint de cheveux, coupé en tie-and-dye violet qui cachait à moitié son collier au signe mathématique « infini ». La coloration violette du bas de ses cheveux faisait ressortir sa poitrine naissante, qu'elle affectait de mettre en valeur en portant un soutien-gorge violet.
Voyant l'aspect songeur de l'inspecteur, la Tourbière dit :
– Entre nous, inspecteur, je crois que cet enfant est un peu perturbé, voyez-vous. Elle me fait peur, cette gamine, à moi.
– C'est grave à ce point ?
Madame Creuzot, vive, s'exclama :
– Elle a été véritablement peste avec mes deux chéris ! Elle les a traité de drôles de noms juste parce qu'ils se prenaient en photo avec leurs Iphone...
– Ouais, expliqua Melvin, on faisait des selfies devant la serre et cette pute a dit qu'on était narcissiques, M.D.R.
Gérard voulut interroger le jeune homme sur le sens du mot « M.D.R » mais sentait bien que cela était inutile. Il se ravisa et préféra interroger les deux femmes :
– Et quelle a été la profession de madame Destouches ?
– Oh, un interrogatoire, c'est bigrement excitant ! s'exclama madame Creuzot. Madame Destouches est doublement rentière, par son mari décédé et ses parents. Sa famille possédait divers capitaux miniers réinvestis dans la pierre. Elle a eu un fils, le père d'Alicia, à qui elle a légué une partie du patrimoine familial qu'il a su développer. C'est un homme renfrogné, un peu à l'image de sa fille. Il est aussi très préoccupé par les questions financières. S'il faut lui reconnaître une qualité, c'est bien celle de fin gestionnaire ! Mais malheureusement, il est toujours ronchon comme pas deux. Il aime pas beaucoup discuter, il préfère passer son temps dans son bureau.
Gérard, à l'évocation de cette activité, repensa à son bureau avec une certaine envie. Creuzot, croyant voir dans les yeux de son interlocuteur de la curiosité, ajouta :
– Et, si vous voulez tout savoir, je crois qu'il a trempé dans des affaires un peu louches, de ce que m'a raconté mon mari... Mais ! bouche cousue, inspecteur, hein ?
– Euh... oui, oui, répliqua Gérard qui venait d'être ramené de sa rêverie, des affaires louches...
Ils finirent le petit-déjeuner, puis chacun se dispersa à ses activités en attendant midi. Gérard décida de se promener dans le jardin, histoire de digérer et profiter du cadre.
Il se dirigea au gré du hasard à la gauche de l'entrée. Il se promenait entre les différents parterres de fleurs. Il s'avançait vers un bosquet qui masquait devant lui l'horizon. Gérard regardait les fleurs de l’œil badaud de celui qui ne contemplait pas la beauté mais qui la cherchait : il se demandait ce que l'opinion commune vouait aux fleurs. Puis, au cours de sa promenade, Gérard commença à être charmé peu à peu par le luxe du jardin : c'étaient, avant-tout, les fontaines qui le confortaient dans l'idée de la beauté du jardin. Et puis, le luxe des haies entretenues à merveille par la main d'Andréa, la disposition des couleurs florales ; tout flattait en ce jardin l'ego humain. Gérard se sentait gargarisé : tout respirait ici le luxe offert par la main humaine ; tout s'offrait ordonné, rangé, découpé en gerbes étincelantes d’opulence aux yeux humains.
Le téléphone de Gérard sonna. C'étaient les scientifiques du commissariat ; l'autopsie avait révélé que le cadavre contenait un taux important d'aconitine, une molécule toxique que l'on retrouvait notamment dans l'Aconit Napel, une des plantes les plus toxiques d'Europe. Gérard remercia son collègue lorsqu'il arriva au bosquet. Avec surprise et tendresse, il aperçut Andréa tailler une branche d'arbre. Il arriva par-derrière elle et tapota son épaule. Elle se retourna d'un bond, les yeux grands ouverts, puis elle retrouva son habituel visage :
– Ah, Gérard, c'est toi, tu m'as fait peur, bien peur !
L'inspecteur s'excusa.
– C'est rien, c'est rien, ria Andréa, c'est juste qu'avec la mort de la duchesse, j'ai un peu peur quand je suis seule dans les bois. J'ai peur du loup.
– Faut pas avoir peur, cligna Gérard de l’œil, je suis là.
Andréa posa dans un sourire sa main sur l'épaule de Gérard qu'elle massa avec son pouce. Gérard, heureux de l'attention mais gêné, embraya :
– J'ai de la chance de te trouver, je voulais te demander, vu que t'es la jardinière, tu sais s'il y a des Aconit Napel ici ?
– Ça me dit rien. Mais bon, je connais pas forcément toutes toutes les plantes du jardin, il y en a tellement ! Si tu veux, je peux vérifier dans les listes du jardin, dedans il y a toutes les plantes qui poussent ici !
– Ouais ça serait super, répondit Gérard.
Une fois de retour à la villa, ils se dirigèrent vers une intendance. C'était un petit bâtiment aux airs charmants, couvert de lierre et à la pierre rosée. Andréa sortit un trousseau de clé de sa poche et ouvrit la porte dans un grincement des gonds. Ils entrèrent dans la pièce principal de la bâtisse. Il avait tout d'un salon moderne, à ceci près la grosse bibliothèque qui trônait dans un coin de la pièce. Ils s'y dirigèrent, et Andréa tira, parmi une sélection de titres ayant tous traits aux jardins ou à la botanique, un vieux dossier dont elle effeuilla les pages. Au bout d'un moment, elle le referma pour annoncer à Gérard qu'aucune Aconit Nepel n'était à signaler dans les jardins. Gérard songea quelques instants à l'affaire : si la plante n'était pas présente parmi les lieux, elle avait dû être amené par une tierce personne... Or, si c'était la duchesse elle-même, elle aurait pu l'ingérer à un autre moment. Gérard venait de comprendre qu'il avait affaire à un meurtre, et que parmi les convives se cachait un assassin. Il se rengorgea quelques instants de son formidable pouvoir déductif, puis Andréa lui rappela qu'il allait être l'heure de manger.


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