Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Des cigarettes pour M. Moriarty


Par : Dizaster
Genre : Nawak
Statut : Terminée



Chapitre 1


Publié le 11/08/2014 à 01:29:33 par Dizaster

Colin Moriarty a toujours été un policier d'exception. Grimpant les échelons rapidement et efficacement, il s'est vite hissé au poste d'inspecteur et n'est jamais passé à côté d'une affaire en trente-sept ans d'expérience. Son sang-froid constant et sa logique infaillible firent de lui un collègue admiré et respectable, mais il était surtout apprécié en tant qu'ami irremplaçable pour ses manières chaleureuses et sa bienvaillance envers quiconque. En ce sens, s'il y a bien une chose dont personne ne se serait jamais douté, c'est qu'un soir, d'un coup, Moriarty cède son esprit à la folie la plus pure et à la paranoïa la plus prononcée qui soit.
Cette nuit-là, sur une autoroute sinueuse et d'habitude peu fréquentée, la brigade de police poursuivait à toute vitesse la voiture particulièrement véloce d'un important criminel recherché activement depuis des mois. L'excitation des agents était palpable et chacun, y compris Moriarty lui-même, avait hâte de mettre enfin la main dessus. L'inspecteur, homme d'action expérimenté, était véritablement dans son élément et agissait avec une joie non dissimulée.
— On vous tient, Carter, fit-il dans le haut-parleur en sortant sa tête par la fenêtre. Rendez-vous et nos gars ne vous feront pas trop mal. Enfin, dans la mesure du possible avec les raclures pédophiles de votre espèce !
Il n'y eut naturellement aucune réaction notable de la part de l'homme pourchassé, manifestement bien déterminé à échapper aux trois voitures de l'ordre à ses trousses.
— Jimmy, appuie sur le champignon, continua l'enquêteur en chef en direction du conducteur. Les clowneries ont assez duré, il est temps de montrer à notre petit pote de quel bois on se chauffe.
— C'est toi le boss !
Les automobiles blancs, étincelant de lumières bleues et rouges, accélérèrent notablement et en quelques dizaines de secondes, le faible écart creusé péniblement par le véhicule incriminé – moins rapide et performant – fut simplement et rondement effacé. Dos au mur et sur le point d'être arrêté, l'individu poursuivi tenta soudainement ce qui s'apparenta à une vraie manœuvre désespérée.
Sa voiture dérapa le temps de quelques secondes, puis accomplit un spectaculaire demi-tour latéral pour s'aligner sur la voie contraire au sens des policiers. Mais en essayant de repartir le plus vite possible dans la direction opposée, le criminel manqua son contrôle et ne réussit pas à stabiliser son véhicule, qui vint heurter avec une puissance fulgurante le seul réverbère des cinquante mètres à la ronde. La vieille voiture, déjà au bout du rouleau en vue de son piètre état, ne résista pas à l'impact et vola en pièces dans une explosion monumentale.
— Nom d'une vache, on se croirait dans un film. Non mais t'as vu ça, Colin ? Le gars s'est pris pour Schumacher ! Il ne l'aura pas volée, sa braise.
— Doucement, les mecs, les avertit Moriarty en descendant de sa voiture. Prenez des photos si vous le voulez mais évitez de vous approcher des flammes, y a des trucs là-dedans qui peuvent encore vous voler droit dans le nez. Steve, préviens le Q.G. et toi Janice, appelle les pompiers.
Recouvrant son visage avec son avant-bras, l'inspecteur s'approcha doucement des débris ardents pour étudier le lieu d'accident de plus près et faire une petite vérification. Son instinct, ne l'ayant jamais trompé, lui indiquait qu'il y a avait quelque chose d'interpellant là-dessous... mais la constatation qu'il fit, pendant que les autres policiers étaient occupés à leurs affaires, l'abasourdit complètement : le criminel s'en était sorti. La silhouette de son corps bougeait dans les flammes, dégageant les bouts d'acier en feu l'engloutissant de toutes parts.
— Non... murmura Moriarty.
Malgré la haine viscérale qu'il portait en lui pour le crime, en particulier le viol d'enfants, Colin ne put s'empêcher d'éprouver une éphémère commisération envers cet homme luttant pour sa vie dans les flammes. Il voulut alors l'aider, cherchant un quelconque moyen de le sortir de là sans se blesser soi-même, mais ce ne fut pas nécessaire. Sous le regard éberlué de Moriarty, l'individu sortit calmement du brasier et s'approcha de lui. Son visage calciné semblait dépourvu de toute émotion.
— Voyons... Moi, je ne suis pas fumeur, dit-il. Tout cela n'était pas nécessaire.
Puis, sans rien ajouter d'autre, l'homme flamboyant se mit à courir avec une vitesse absolument inconcevable pour un humain, surtout dans un tel état. En un rien de temps, il disparut dans l'obscurité des bois environnants, laissant le capitaine de police là où il était, tout à fait désarçonné. Profondément bouleversé par l'incohérence totale du spectacle auquel il venait d'assister, il décrocha quelque temps de la réalité et laissa sa conscience vagabonder librement aux frontières de la raison, cherchant la moindre explication rationnelle à ce qu'il venait de se produire. Mais la suite des événements demeura floue dans la mémoire de Moriarty jusqu'au lendemain.
Sans réellement se rendre compte de ce qu'il faisait exactement, l'inspecteur réussit d'une manière quelque peu automatique à achever ses rapports auprès de ses partenaires. Ces derniers ne semblèrent pas remarquer son état second, et personne ne le prit au sérieux lorsqu'il essaya d'expliquer ce qu'il avait vu. Certains riaient même en l'entendant bredouiller, persuadés qu'il s'agissait à nouveau d'une farce comme il avait l'habitude d'en faire. Lorsque les pompiers arrivèrent sur les lieux pour calmer l'incendie, la plupart des policiers furent libres de quitter l'endroit et rentrer chez eux après cette journée laborieuse et mouvementée. Moriarty choisit de les accompagner et remit la gestion des policiers restant sur place à son subordonné.

Une bonne nuit de sommeil permit à l'inspecteur de se remettre un peu de ses émotions de la veille. Il se rassura en se promettant d'en parler sérieusement avec quelques autres collègues susceptibles d'avoir vu la même chose. Comme sa propre voiture était en panne depuis quelque temps, il partit au travail à pied, chose devenue routine depuis près de deux semaines. Mais sur le chemin, un autre phénomène, sortant quant à lui du lot, lui arriva ; une femme inconnue s'approcha de lui alors qu'il traversait la route, le saisit par le bras et le retint en plein milieu de la circulation.
— Monsieur, j'ai une cigarette pour vous. Vous voulez une cigarette ?
Moriarty tenta de se débattre mais l'étrangère l'agrippait solidement. Lorsqu'il la regarda droit dans les yeux, il y décela un désir irrépressible de lui faire du mal. Mais c'est un automobiliste agacé qui, en fin de compte, réagit au nom de tous les autres conducteurs dans l'impossibilité d'avancer. C'était un homme fort et d'apparence menaçante qui se fit comprendre sans aucune peine avec son ton grave et intimidant :
— Vous allez bouger de là, oui ?
Son avertissement fut alors amplement suffisant et la femme étrange relâcha aussitôt sa prise. Sans penser davantage, Moriarty s'empressa de rejoindre le trottoir. Lui-même contrarié, il voulut exercer ses fonctions de policier et emmener la folle avec lui au poste, qui n'était plus qu'à quelques minutes, mais celle-ci s'était fondue dans la masse des passants, et il ne réussit pas à la retrouver.
Il arriva à destination confus et irrité, et ce n'est qu'après un certain temps qu'il réalisa qu'il se tramait quelque chose dans le commissariat. Très peu de personnes se trouvaient dans les couloirs, ce qui était anormal, et l'endroit était bien trop silencieux. Mais tout s'éclaircit lorsqu'il rentra dans son bureau. Là, ses principaux collègues l'attendaient avec des sourires grands comme des bananes, et certains tenaient de petits emballages scintillants.
— Surprise ! s'exclamèrent-ils en chœur.
Pris au dépourvu, Moriarty – qui n'était plus tout jeune – faillit avoir une attaque.
— Vous êtes vraiment barges, vous le savez, ça ? s'esclaffa-t-il à bout de souffle. Mais qu'est-ce que vous me faites là, hein ?
— On voulait juste te faire une petite surprise pour te féliciter. Tu sais, pour l'affaire Carter, expliqua Jimmy en s'approchant de lui. Ça faisait un petit moment que ce tordu méritait ce qu'il lui est arrivé. Et ça, c'est grâce à toi ! Comme toujours, tu as été impeccable, alors au nom de tous, bravo ! Suzie est partie chercher le gâteau, installe-toi ici.
En entendant le nom du criminel, le sourire du capitaine de police se neutralisa tout doucement. Il fronça les sourcils, un peu indécis et cherchant ses mots.
— À ce propos... Je dois vous dire quelque chose.
Tout le monde se tut subitement.
— Carter... Il a réussi à s'échapper, il n'est pas mort. Je l'ai vu de mes propres yeux. Il est sorti du feu et il a filé. Bon sang, je n'ai jamais vu rien de tel...
Le silence demeura dans la pièce, et Moriarty lut le désarroi sur leurs visages. Voyant qu'il n'y avait aucune réaction de la part de ses collègues, il renchérit :
— Je vous assure, ce n'est pas une blague. Je ne plaisante pas. Il n'y a vraiment personne qui l'a vu ? Sûrement toi, Mike, tu étais tout près lorsque c'est arrivé. Ou toi, Walt, toi tu as toujours l’œil pour ce genre de choses, tu ne rates jamais rien. Tu l'as vu comme je l'ai vu, hein, pas vrai ? Quand Carter s'est avancé vers moi et.. et... tu sais, quand il a foncé dans la forêt.
— Vieux... T'es sûr que t'as pas pris un coup sur la tête ?
— Mike a raison, t'es pas dans ton assiette là, je crois. Je savais que c'était une mauvaise idée, t'aurais pas dû t'approcher autant de cette voiture. C'est dingue, tu étais pourtant celui qui nous avais prévenus, et tu fais l'exact opposé ! Assieds-toi, Colin. Le gâteau arrive bientôt, et il y a de la bière dans le frigo. Ça te fera du bien.
— Non, marmonna Moriarty. Je...
Il sentit alors une main sur son épaule. C'était Steve, son meilleur ami depuis des décennies, qui lui tendait un paquet de cigarettes.
— Tiens, ça te fera du bien.
L'inspecteur ne dit plus aucun mot jusqu'à la fin de la journée. Son trouble était revenu de plus belle. Rien ne collait dans son esprit, et il voulait comprendre pourquoi. Trop préoccupé par les récents événements, il ne réussit pas à se concentrer sur son travail. Mais les choses se corsèrent définitivement lorsqu'il rentra chez lui.

Sur le long chemin du retour, il fut assailli tous les dix mètres par des passants furieux qui lui proposaient tous des cigarettes. Dans leurs regards, Moriarty reconnaissait la même soif de violence que dans celui de la femme du matin. Ces gens le saisissaient par les bras et les jambes, essayaient de le retenir, de le mettre à terre, et le suivaient dans les moindres petites ruelles. D'abord en proie à une panique totale, le vieux policier finit par reprendre le contrôle sur sa peur soudaine et réalisa qui il était et ce qu'il pouvait encore faire.
— Maintenant, ça commence à bien faire, s'énerva-t-il en sortant son pistolet et en le pointant sur l'un des types qui le harcelaient. Je ne sais pas qui vous êtes ni ce que vous voulez, mais je vous conseille d'arrêter votre délire tout de suite. Je ne suis pas rancunier et je vous laisse une dernière chance de vous tirer, sinon j'appelle mes gars et on vous embarque tous.
Un très vieil homme, habillé comme un jeune d'un sweat rouge, de jeans et d'un bonnet, sortit de la foule de gens qui avaient traqué Moriarty jusqu'en-bas chez lui, et se plaça directement devant l'arme de poing de l'inspecteur. Il se caressa la barbe, puis s'écria :
— Vous allez prendre cette cigarette tout de suite !!!
À ce moment précis, quelque chose détonna dans le cerveau de l'enquêteur. Soudain pris d'une énième confusion et d'un mal de tête considérable, il fit tomber son arme, tourna le dos à ses agresseurs et tituba jusqu'aux escaliers menant à son appartement au deuxième étage en se tenant par la tête. Il n'était alors sûr que d'une chose : il avait besoin de réconfort et de calme.
Et la seule personne qui pouvait encore les lui apporter n'était autre que sa femme. Sa douce et chère Catherine, sa seule famille et la personne la plus importante pour lui. En franchissant la porte et en s'arrêtant sur le seuil, il croisa ses yeux inquiets, et comprit qu'elle voyait là un homme apeuré, déboussolé et perdu. Il sut alors qu'il n'avait besoin de rien expliquer.
— Allez, viens ici, murmura-t-elle de sa voix angélique.
Moriarty ne se fit pas prier, et vint l'étreindre avec toute la délicatesse et l'amour dont il pouvait encore faire preuve dans son état. Il demeura dans ses bras de longues minutes, et y trouva un sanctuaire inespéré qui le soulagea temporairement de ses tourments.
— Je ne sais plus ce qu'il m'arrive, Catherine, dit-il enfin. C'est comme si le monde entier avait perdu la raison. Déjà hier soir, je...
— Ne dis rien, chéri. Pas maintenant. Va t’asseoir sur le canapé et souffle un peu pendant que je nous prépare un bon thé bien chaud.
— Oui, oui. Tu as tout à fait raison. Rien de tel qu'un thé.
— Et je t'y mettrai trois sucres, comme tu aimes.
Il alla jeter un coup d’œil par la fenêtre du salon qui donnait sur la cour. Les personnes qui en avaient après lui semblaient avoir disparu. Cela le détendit un peu, et il alla s'installer sur le sofa.
Mais son confort ne dura pas longtemps. Lorsque sa femme revint de la cuisine, Colin se rendit compte avec stupeur que ce n'était pas des tasses qu'elle tenait, mais une cartouche entière de cigarettes. Il se releva doucement, et prononça ces mots avec un grand mal :
— Pourquoi... Pourquoi tu t'y mets, toi aussi ?
— Je me suis dit que ça te ferait plaisir, répondit-elle d'une voix homme, celle-là même qu'avait le conducteur en colère du matin.
Un effroi épouvantable envahit le corps entier du vétéran policier, dont il sentit les frissons jusque dans ses organes intérieurs. Le bon sens dont il avait jusque-là essayé de faire preuve se dissipa instantanément, car il comprit que plus rien de tout cela n'avait de signification et qu'il était en présence d'ennemis étranges qui en voulaient à sa vie. Alors, il se précipita vers la sortie.
À l'extérieur, il se confronta à une multitude d'autres observations sans aucune cohérence. Peu importe où il mettait les pieds, le sol était parsemé d'une infinité de mégots de cigarette et de cendres. Le ciel était rouge sang et la rue assourdissante, tout autour de lui, hurlait. Moriarty entendit des pas sauvages et endiablés provenir des escaliers ; le monstre essayait de le rattraper. Sans plus attendre, il courut là où son regard voulait bien le mener, et finit par se retrouver en plein milieu d'un immense allée.
Malheureusement pour lui, il n'avait fait que se lancer tout droit dans la gueule du loup. L'allée en question, à première vue totalement déserte, se révéla être un véritable piège. Sans crier gare, des dizaines et des dizaines de personnes se mirent à débarquer de toutes les directions. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, l'inspecteur désespéré se retrouva en plein centre d'une foule d'apparents psychopathes dégénérés, répétant frénétiquement une seule et unique chose : Cigarettes. Cigarettes. Cigarettes. Cigarettes.
— Mais qu'est-ce que vous me voulez, à la fin ? demanda Moriarty au bord des larmes en tournant sur lui-même. Je vous ai fait quelque chose ?
Cigarettes. Cigarettes. Cigarettes. Cigarettes.
Il commença alors à voir flou. La foule exaltée, répétant continuellement la même chose, semblait vouloir le plonger dans une sorte de rituel quasi-fanatique. Mais l'inspecteur avait encore la force et la volonté d'en réchapper. Sa commotion n'était toujours pas dissipée, mais ce qui le tira brutalement de son ébranlement ne fut pas la vive douleur qui, constamment, revenait par vagues, mais le spectre détraqué de sa femme qu'il aperçut en train d'émerger d'une ruelle, une faux à la main. Devant cette vision funeste, il fut une fois de plus pris d'une terreur immense qui le força à agir. Puisant dans ses dernières ressources, il réussit tant bien que mal à se frayer un passage à travers la cohue, en poussant ces personnes à son tour, et jaillit vers la cathédrale du centre-ville.
À ce stade, il sembla au vieil homme qu'il n'avait plus d'autre recours que la foi, qu'il avait depuis le plus jeune âge. C'est elle-même qui lui dicta sa façon de vivre depuis toujours, et qui lui attribua son goût si prononcé pour la justice. Ainsi, à cette heure où l'univers entier s’écroulait devant lui, et que son existence virait au cauchemar, il s'apprêtait à implorer les grâces du Seigneur.
L'intérieur de la cathédrale était d'un calme sidéral, et les sons inquiétants de la rue n'atteignaient pas cet endroit vénérable. Exténué et tremblant, il rampa jusqu'au centre de la salle où demeurait une statue de Marie. Quand il l'atteignit, il fondit en larmes à ses pieds pendant de longues minutes.
— Dieu, j'ai besoin de ton aide, supplia-t-il en levant la tête vers le ciel et le visage de la statue.
Puis, pour la dernière fois de sa vie, il expérimenta une épouvante indescriptible qui le foudroya dans l'âme même. Le visage de Marie se mut ; la statue porta un regard d'une extrême sévérité sur son hôte, et prononça ces mots tranchants qui résonnèrent lentement dans toute l'église :
— Aucun salut pour les hérétiques.
En réponse à cela, Colin Moriarty se courba sur le sol dans un désespoir abyssal, et resta ainsi allongé, sans bouger, jusqu'à l'aube.

À son réveil, toutefois, il était empli d'une ataraxie illimitée. Ses rêves lui avaient enfin apporté la réponse qu'il recherchait. Il se dépoussiéra, nettoya son visage et remit en ordre ses vêtements. Puis, sans se retourner, il se dirigea vers la sortie, dans la plus grande sérénité.
Je suis fou.
Sans aucune surprise pour lui, les choses avaient repris leur cours naturel. Les rues étaient à nouveau parfaitement propres, le ciel d'un bleu prodigieux, et les passants vaquaient à leurs occupations respectives sans se soucier du policier mentalement dérangé vagabondant parmi eux. Paradoxalement, Moriarty n'avait jamais été aussi heureux et soulagé de toute sa vie. Malgré la révélation qu'il venait de se faire, il était ravi de voir que ses démences oniriques avaient finalement laissé place au règne de l'ordre et du rationnel.
Et pourtant, il n'alla pas rejoindre sa femme chez lui. Ses pas le menèrent directement vers l'asile local, le seul lieu auquel il était désormais persuadé d'appartenir.
— Bonjour, monsieur. Que puis-je faire pour vous ? demanda le femme de l'accueil lorsqu'elle le vit entrer en souriant.
— Bonjour, madame. J'ai une requête très simple pour vous.
— Je vous écoute.
— Je suis fou. Vous voulez bien m'enfermer ?
La jeune femme ne put se retenir de rire.
— Bien sûr, répondit-elle sur le ton de la plaisanterie. Ici, nous avons une place spéciale pour les gros malades comme vous.
— Ah, parfait, continua Colin. Dans ce cas, permettez-moi de vous remettre ceci. Je ne voudrais pas blesser quelqu'un au cas où je me mettrais à délirer à nouveau.
Il déposa son badge, son taser et sa matraque sur la table, et alla vers la première porte qu'il vit.
— C'est par ici ?
— … Monsieur ? Non, attendez ! Revenez ici !
Elle s'empara alors du téléphone pour prévenir les gardes. Moriarty, lui, se mit à déambuler dans les différents couloirs de l'asile, à la recherche d'une salle vide. Il finit par trouver une petite pièce avec quelques équipements médicaux et un lit. Il s'installa dans celui-ci, avala toutes les pilules qui lui tombèrent sous la main, s'injecta plusieurs produits avec les trois seringues qui traînaient là et souffla enfin, détendu et serein.
Au bout de quelque temps, la porte de la salle s'ouvrit, et c'est Carter lui-même, et non les gardes, que Moriarty vit entrer. Les vêtements du pédophile brûlaient toujours, et son visage carbonisé était méconnaissable. Il s'approcha du patient, le regarda lentement sans rien dire, puis s'accroupit près de lui et tendit un paquet de cigarettes.
D'une main tremblante, Colin s'empara de l'une d'elles. Plongeant son extrémité dans le feu, il la secoua légèrement, et la porta à sa bouche. Puis, les yeux grands ouverts en direction de la fenêtre, il inhala avidement la vapeur purificatrice.


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