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[Confédération][3] Semper et Ubique


Par : Gregor
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 6


Publié le 18/09/2013 à 20:48:32 par Gregor

Guillhem souleva un sourcil, comme blasé.

- Et alors ? Mon père sert le Dieu-Machine, il était déjà un cyborg lorsque j'ai été conçu. C'est parfaitement normal qu'on en retrouve dans mon sang.
- Vous rappelez vous des taux nominatifs ?
- Quelque chose de l'ordre de cinq à dix millions par millilitres de sang.
- Et devinez quel était votre taux ?
- Je ne sais toujours pas, s'impatienta l'adjudant. Le double peut-être.
- Dix mille fois la concentration habituelle.

Guillhem écarquilla son oeil.

- Vous plaisantez ?
- Absolument pas. Les test ont été refait à vingt trois reprises pour être exact. Les cybernautes sont restés béats face à cela. Ils en ont conclus que c'est cela qui vous a maintenu en vie aussi longtemps.
- Les dosages que j'avais eu en étant enfant était normal ... C'est impossible.
- Les nanites ont dû se créer à partir de vos réserve pour vous protéger. Vous avez dû commencer à en fabriquer en grand nombre dès que vous êtes arrivé sur Barnard Prime.

Cette réponse arracha un sourire à Guillhem. Il secoua la tête.

- Tout cela n'a aucun sens...
- Peut-être. Mais dans ce cas... Que pensez-vous des voix que vous entendiez dans la grotte ?
- Des hallucinations liées à mon état de santé. Déshydratation, douleur, anémie. Les causes doivent se compter par dizaine.
- Pourquoi ne pas imaginer que ce que vous avez entendu était bel et bien réel ?
- Parce que cela serait impossible ! Voyons, commandant, vous êtes un Inquisiteur reconnu. Vous êtes le traitement de choix conter toute les hérésie connues envers le Dieu-Machine. Et vous seriez en train de me dire que les voix que j'entendais existaient ?
- Parfaitement.
- C'est un blasphème !
- Ne soyez pas stupide, reprit sèchement Flinn. Je ne m'avancerai pas dans de telles considérations si je n'avais pas de preuves solides.
- Eh bien, surprenez moi à nouveau.
- La multiplication des nanites a eu un effet sur vos perceptions. Je ne saurais en expliquer les mécanismes, mais il semblerait que cette augmentation ait stimulé certaines zone de votre cerveau à même de développer une capacité de télépathie.
- Conclusion commode.
- Ce ne serait pas une conséquence si miraculeuse que ça... Car voyez-vous, adjudant, certaines espèces sont capable d'un tel "prodige".
- Citez en ne serait-ce qu'une seule.
- La mienne, adjudant.

A nouveau, Guillhem se fendit d'un sourire plein d'ironie.

- Dans ce cas, jouons à un jeu. Dégrafez votre aug', fermez les yeux. Je vais imaginer un cube, d'une couleur bien précise. Nous verrons si vous êtes si capable que vous le dites.
- Parfait.

Flinn retira son implant, vida son esprit. La colère et le doute qui émanait de Guillhem remplissait la pièce. Soudain, une autre sensation l'envahit. Un cube posé devant le jeune homme tournait lentement sur lui-même. Doucement, il se teintait d'une couleur violente, presque vivante.

- Rouge, répondit Flinn.
- Coup de chance, maugréa Guillhem. Recommençons.

Le même cérémoniel se répéta, à la différence que Flinn donna une réponse - à nouveau exacte - bien plus rapidement.

- Peut-être avez-vous raison, commandant. Peut-être que votre espèce peut lire dans l'esprit des Hommes ... Mais ce que vous m'avez affirmé, c'est que moi, simple humain, je sois en mesure de réaliser une action physiquement impossible.
- Inversons les rôles. Mais laissez moi changer l'exemple.
- A votre guise, commandant.

Un instant, Flinn se demanda s'il devait aller aussi loin avec l'adjudant. Même s'il possédait un talent latent, il n'était pas sûr de parvenir à le maîtriser. Et utiliser les images de ce qu'il avait vu lorsqu’il avait retrouvé le jeune homme dans la grotte lui parut d'un coup moins utile. "Il doit comprendre qu'il ne peut pas faire comme s'il pouvait négliger cette capacité". Sans douceur, le Naneyë laissa les images du souvenir pénible remonter à la surface. Il perçut la présence de Guillhem, résista aux griffes rougeoyantes de son âme encore taraudé par le vécu douloureux de la torture. Il serra les poings, pria le Dieu-Machine pour que l'expérience s'achève le plus rapidement possible. Et lorsque Guillhem se retira, le calme revint comme le reflux d'une vague sur une plage après la tempête.

- Commandant, je ...

La voix atone de l'adjudant s'éteignit dans la chambre.

- Et maintenant, adjudant ? Pensez-vous que je vous mente encore ?
- Je ... Je suis désolé, commandant. Je ne pensais pas que ... Que cela pouvait être possible.
- Alors comprenez-vous pourquoi je ne pouvais pas vous laisser mourir ?
Encore secoué, le jeune homme tarda à répondre.
- Pourquoi moi ?
- Il est des mystères que nul Hommes ou Naneyë ne peut ni ne doit comprendre. Mais pour moi, cela ne peut qu'être l’œuvre du Dieu-Machine. Il veille sur vous et vous a fait un présent avec ce don. Vous ne pourrez plus jamais ignorer ce que vous êtes en capacité de faire. La question qui subsiste est celle ci : que ferrez-vous de ce don, adjudant Guillhem de Choire ? Je peux vous proposer de me rejoindre au sein de la Confrérie des Externes à défaut d'autre département militaire. Je sais très bien que cela n'est pas une démarche habituelle pour un soldat humain.
- Ai-je vraiment le choix ?
- Ce n'est pas parce que je peux lire en vous que je dois vous donner la réponse...

Guillhem sourit.

- Je n'en attendais pas moins d'un Inquisiteur. Mais j'aurais besoin de temps pour réfléchir.
- Nous pourrons souffrir d'attendre quelques heures, mais guère plus, adjudant. Comprenez que la lutte contre les hérétiques qui sèment le chaos sur ce monde reste ma priorité.
- Bien sûr, commandant.

Flinn se leva, se dirigea vers la porte, avant de se retourner.

- Lorsque vous pensez avoir fait votre choix, adjudant, venez me trouver dans mes quartiers.
- Je peux me lever ?
- Vu l'état de votre nouveau corps, je ne suis même pas sûr que restez dans un lit à vous morfondre soit une bonne idée.

Les deux soldats se toisèrent, respectueux, et Flinn sortit de la chambre.


Flinn avait acquis la certitude que Guillhem viendrait le voir avant une paire d'heure. Il avait semé le doute dans l'esprit du jeune homme, il avait planté la graine de la vengeance avait suffisamment d’habileté pour en faire une potentielle future recrue. Le baronnet de Choire, retranché derrière son cynisme de façade, avait du se rendre à l'évidence face aux propos nets et sans ambiguïté du commandant alien. Il avait débit le récit de ses souffrances d'une voix atone, sans émotion. Flinn avait eu un aperçu déplaisant des semaines de tortures qu'avait enduré cette victime d'une poignée d'hérétique. En se montrant paternel, il pouvait décemment croire que le talent du sous-officier pourrait lui servir. Si seulement il avait accepté sans délai...
Le Naneyë fit un crochet par le laboratoire des cybernautes avant de regagner sa cabine. L'homme qui avait sauvé Guillhem se nommait Ludvike Zaltan. Il brillait par sa discrétion, son efficacité, et cette curieuse manie de caresser son nez de temps à autre. Quand Flinn pénétra dans l'atelier du cybernaute, il le trouva face une prothèse de main récalcitrante sur laquelle les doigts du trentenaire s'acharnaient.

- Aedificator Zaltan ?

L’intéressé se détourna de son travail un court instant, avant de reprendre sa tâche.

- Il va bien ?
- Je suppose que vous parlez de l'adjudant.
- De qui d'autre, commandant. Nous n'avons pas de blessés, à part lui.
- Vous avez fait un travail remarquable, Ludvike.

Le cybernaute toucha son nez, rougit, et tarda à répondre.

- Vous savez que je n'ai fait que ce pourquoi on m'a formé, commandant. Je n'étais pas seul, et le sire de Choire possède un don exceptionnel.
- Justement, c'est de cela que je voulais parler avec vous. Je me demandais si vous aviez réussi à trouver ce qui pouvait expliquer cette anomalie.
- Toujours rien, hélas. Pourtant, j'ai mis beaucoup de monde à contribution. Peut-être qu'en refaisant d'autres séries de dosage d'ici à quelques jours, je pourrais être plus précis... Mais je pense que cela restera quand même un mystère.
- Cela ne l'empêchera pas de retourner sur le terrain ?
- Absolument pas. Et puis au vu de ce que son corps est devenu, je dirais même que cela constitue un sérieux atout. S'il se retrouve blessé, avec de telles quantités de nanites dans le sang, n'importe quel partie de son corps - organique ou robotique - se remettra rapidement.
- Je pourrais donc l'emmener sur Barnard Prime d'ici quelques jours ?

Le cybernaute sourit.

- Je dirais plutôt quelques heures. Rien ne justifie qu'il reste ici.
- En espérant qu'il accepte de venir...
- J'imagine que vous lui avez proposé un marché.
- Votre perspicacité m'étonnera toujours, Ludvike.
- Et vous, commandant, votre pragmatisme.
- La fin doit justifier les moyens, non pas l'inverse.
- Une sage parole pour un sage homme.

Flinn se prit à rire de bon coeur.

- Ludvike, je suis bien content de vous savoir à mes cotés.
- Et moi donc, commandant.
- Pendant que j'y pense, l'un de vos hommes pourra-t-il examiner mon armure avant que je ne retourne sur Barnard ?
- Bien sûr commandant. Je vous enverrais un custodes dès que nous aurons fini nos tâches. D'ici deux, peut-être trois heures.
- Ce sera parfait.

Flinn salua le cybernaute, et se dirigea d'un pas décidé vers ses quartiers.


Guillhem resta sans bouger de longue minutes. Que choisir, si choix il y avait ? La proposition du commandant Flinn n'avait rien d'une parole à la légère. Si un individu pouvait incarner l'héroïsme et la droiture des serviteurs de la Confédération, il remplissait son office à merveille. Le pouvoir magistral l'appuyait depuis de longues années, et la gloire qui l'auréolait rendait jaloux plus d'un officier supérieur. Guillhem avait entendu son père parler en des termes tout aussi dithyrambiques qu'acerbes du Naneyë. "Un fruit véreux". Et pour son plus grand déplaisir, il avait fallu que ce soit ce héros qui le tire de la jungle mortifère de Barnard Prime. Guillhem savait que son père ne louperait pas l'occasion, lors de son retour sur Terre, de lui dire combien il était couvert de honte par l'échec de son fils aîné. "Romain s'en serait sorti autrement, et le nom de la famille de Choire n'aurait pas eu à résonner de l'écho cuisant d'une telle défaite". Son frère cadet, la fierté de son père, l'éclipsait par la brillante carrière militaire qui se profilait face à lui.
L'adjudant savait pertinemment que le commandant Flinn ne lui proposerait pas une telle aubaine sans en tirer lui-même un parti avantageux. En sauvant le fils d'un aristocrate, il s'arrogerait encore un peu plus de prestige. Le don latent de Guillhem, cette ... télépathie, pouvait constituer un très gros argument dans les conditions de son intégration au sein de l'unité du commandant. S'il apprenait à s'en servir correctement, il pourrait espérer grimper rapidement les échelons de la hiérarchie militaire. Apprendre à deviner ce à quoi songeait ses confrères, et utiliser cette masse de données à bon escient.

Un trait de génie frappa le jeune homme. Et si ce don lui servait non pas à jouer dans l'ombre, mais lui permettait de mettre à profit son intelligence au service de la plus prestigieuse agence confédérée ? Si sa télépathie lui ouvrait les portes de l'Inquisition ? Le commandant Flinn lui-même était un Inquisiteur reconnu et avisé. Un dévot zélé,, tout comme Guillhem. Combattre l'hérésie l’intéressait bien plus que d'encadrer des scientifiques dans des missions soigneusement arrangé par son père. "Voilà une excellente occasion de sortir de son giron".

Guillhem ne tergiversa pas davantage. Il se leva du lit, contempla un certain temps son nouveau corps. Il tenait plus de la machine de guerre que de l'Homme chétif qu'il avait été. Il se sentait fier, fier et coupable de ce cadeau du Dieu-Machine. "Mais s'il m'a choisi, je dois le servir". Rasséréné, il se laissa tomber sur son lit, remplit d'une conviction nouvelle.


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