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Je trouve plus mon bras


Par : Sheyne
Genre : No-Fake, Horreur
Statut : Terminée



Chapitre 1 : Chapitre 1/5


Publié le 15/01/2014 à 23:35:25 par Sheyne

« T'es vraiment sûr de toi ? Putain.... Non par ce que je veux dire, ça va être énorme c'est sur. Mais bon voilà... On sait jamais, avec tout ce qu'on voit, des fois que ça nous pète à la gueule... »

Sur le palier de la cuisine, Marc s'agitait au grès des sacs plastiques. La porte claqua dans son dos, se refermant sur le lourd froid hivernal. Les jambes tremblantes, il hésitait pour la première fois, plus aussi emballé qu'au début du mois.
En face de lui, un jeune lycéen s'évertuait à préparer leur plan de travail. Plus qu'une simple expérience, c'était pour lui une formidable aventure. Un rite de passage à l'âge adulte. Ils allaient enfin réaliser quelque chose de leurs propres mains. Et ça allait être de la patate atomique !
Agitant une casserole, il prit la parole, surexcité :

« Marc bordel, parle pas de malheur ! Je fais de la chimie depuis le collège, t'inquiète ! Puis,ça fait genre, deux semaines entières que j'ai bossé la formule ! J'ai tout prévu, regarde, t'as tout ramené en plus, non ? »

Loyd s'arrêta une seconde, gratifiant son ami d'un sourire radieux. L'instant d'après, il sembla se contenir, forcé, avant de reprendre. Une voix déçue s'éleva tristement :

« Après bon, si vraiment tu ne veux pas, c'est pas grave... On peut aussi aller jouer à la play...
— Non ! Non, c'est bon, t'inquiètes. Marc le détrompa, rassuré. J'voulais juste être sûr. J'veux dire, j'ai acheté tout ce qu'il faut, là ! — dans un bruit de froissement, il agita les sacs – Ce serait con d'avoir claqué ma thune là dedans pour rien ! Puis t'es un boss et j'veux voir la magie opérer ! »

Sur la fin de sa phrase, un clin d'oeil entendu vint alléger l'atmosphère. Vraiment, Loyd avait eu raison, ils n'allaient pas l'oublier, ce jour ! Ils l'attendaient depuis si longtemps !

« Ça, c'est bien parlé ! Jubila le jeune homme aux fourneaux. Allé ! Ramène la sauce, cet après-midi, c'est cuisine, et ce soir... feu d'artifice ! »

Impatient, Marc ne prit qu'une seconde à traverser l'endroit. Il jeta négligemment son fardeau sur la table en bois. Avant de plonger sa main, à la recherche des précieuses bouteilles. Fier de lui, son visage devenait radieux à mesure qu'il posait les récipients bien en vue, un à un.

« Alors, j'ai fait comme tu m'as dis, je suis allé dans trois magasins de bricolage différents pour acheter un maximum de choses sans me faire remarquer. J'ai demandé du Blutop, pour le peroxyde d'hydrogène, mais le vendeur m'a conseillé du Bio-UV...
— Quoi !? Loyd se figea. T'as dit non au moins ?
— T'inquiètes mec, j'ai géré, j'ai dit que c'était pour ma piscine. En tout cas, c'est sur qu'acheter ça par bidons de 2 litres c'est plus lourd, mais plus rentable qu'en pharmacie en flacons de 100ml. »

Fort de son exploit, il déposa une pleine bouteille d'acétone sur la table :

« Après une fois les bidons achetés, le reste était plus simple à avoir. L'acétone je suis juste allé à Carrefour, rayon brico. Et l'acide chlorhydrique... Deux rues plus loin, à Inno. À la base je voulais prendre de l'acide sulfurique, mais c'était plus cher, et comme t'as dit que c'était la même chose...
— Ouais, c'est pareil, en faite c'est juste l'hydrogène qui va jouer le rôle de catalyseur dans la réaction. Donc peu importe l'acide du moment qu'il est concentré au moins à 75%. Pour ça qu'un citron comme tu disais, c'était pas top ! »

Il éclata de rire en s'imaginant presser un citron dans sa marmite. Même du coca aurait été plus utile !
Soufflant du nez, son poing alla heurter l'épaule de son camarade. Tout était prêt, ils allaient pouvoir commencer.

« Allé mec, entama-t-il, ramène-moi les trois bidons d'eau oxygénée ! Enfin le Blutop là. Le peroxyde d'hydrogène, et l'eau oxygénée c'est la même chose. Je le dis maintenant au cas où... Yeah ! Merci. Maintenant on fou tout dans la marmite comme tu vois, et on met le gaz. Tiens, à propos, tu ferais mieux d'enfiler un autre manteau maintenant. »

Intrigué, Marc secoua la tête sans comprendre. Il enfila néanmoins ses gants en voyant son ami se précipiter pour ouvrir toutes les fenêtres. Il pesta :

« Bon tu m'expliques ce que tu fais, là ? Je veux bien me les geler, mais faut me dire pourquoi !
— Bah, en fait c'est tout con. — Le vent glacé dans les cheveux, Loyd enfilait son blouson. — Le peroxyde d'hydrogène dans le commerce n'est pas assez concentré pour sa réaction avec l'acétone. Enfin pas assez pour avoir un truc qui défonce bien ! Donc, il faut le....
— Faire bouillir !
— Ouais ! — Il le félicita — C'est ça, bien joué ! En évaporant l'eau, qui boue à 100°C, température plus faible que celle du peroxyde d'hydrogène, on se retrouve avec plus de ce produit. La solution finale est donc plus concentrée. Tu vois, l'eau oxygénée boue à 108°C quand elle est concentrée à 35% comme dans les bidons. Et monte jusqu'à 141°C lorsqu'il est à 90% pur. Nous, on va faire trois tournées pour en avoir assez. D'où l'intérêt des trois grosses bouteilles ! Tu comprends ? »

Marc était ébahi. Tout paraissait tellement plus simple que lors de ses cours de chimie. Pour une fois, il avait réellement l'impression de tout comprendre. La sensation était grisante. Loyd continua, sûr de lui :

« Le souci c'est qu'à force d'évaporer, puisque nous n'avons qu'une grosse marmite, on va produire pas mal de vapeur. Et du peroxyde d'hydrogène va partir en même temps que de l'eau, donc on aura moins de produits qu'on aurait pu en espérer. Le seul gros problème étant de régler le gaz pour être situé un peu en dessous de 100°C afin de limiter les pertes. Enfin, c'est pas un souci quand on a un vrai thermomètre.
Donc si t'as compris, on ouvre les fenêtres pour ?
— Pour pas mourir de chaud ! »

Aux anges, il triturait ses gants tout en regardant le liquide bouillir, fier de pouvoir répondre à toutes les questions.
Devant son chaudron, Loyd soupira, exaspéré :

« En faite c'est pour pas foutre le feu... En plus d'être un comburant puissant, le peroxyde d'hydrogène est fortement corrosif. Le courant d'air est là pour éviter que l'on se fasse ronger les poumons et les yeux par des vapeurs concentrées. Alors, on jette tout dehors... »

Marc regardait ses pieds. Au final, c'est quand même plus compliqué qu'il pensait. Heureusement qu'il n'avait pas tenté ça tout seul... Prenant place sur une chaise, ses yeux se portèrent sur son ami.

« Sans déconner, ça se voit que t'es passionné. J'imagine même pas ce qu'il serait arrivé si on s'était pas autant renseigné !
— Ouais, carrément. C'est pour ça que tout roule, j'ai tout étudié à fond c'est nickel ! Et comme on va faire un truc quasiment pur, ça va être de la bombe mon gars ! C'est le cas de le dire ! Chose promise, chose due !
— Bah j'espère bien, putain ! Je me tâte ! Ça va prendre longtemps ?
— Euh... Je pense pas d'ici une heure maximum ça sera fini.
— Une heure ?! Transit sur sa chaise, il vociféra. Oh merde, attends, je vais me chercher une couverture !
— Mais non ! Reviens ! — Loyd s'éclaffa, plié en deux. — T'inquiète, prends ma place, ça va te tenir chaud ! »

Se relayant tour à tour, et remplissant la marmite à chaque fois qu'elle était mi-pleine, ils eurent vite atteint le bout des trois bidons.
Alors, Loyd déversa lentement la solution dans l'une des grosses bouteilles originelles. Le liquide transparent coulait tranquillement. Le doux ronflement de l'éclat sur le plastique, la légère odeur acre qui emplissait l'air. Pour un peu, le jeune homme se serait cru en train de remplir la voiture de son père à la pompe à essence. Même si c'était bien plus risqué aujourd'hui...
Un éclat de voix retentit à côté de lui :

« Bon mec, y'a les fenêtres ouvertes, j'm'allume une clope.
— Que ?! NOOON !! »

Loyd sursauta, éclaboussant le sol. Il écarquillait les yeux, dévisageant son camarade qui se tordait littéralement de rire.

« Ahah... Ouuuuu.... Ouuuu putain.... Oh mec quoi, sérieux, sans déconner, tu verrais ta tête ! Vas-y, relaxe !
— PUTAIN ! Mais t'es con ou quoi ? J'en ai foutu partout ! »

Paniqué, le jeune homme reposa la marmite en retirant vivement ses gants trempés. Tremblant d'adrénaline, il examinait ses mains avec attention, n'entendant pas Marc se foutre de sa gueule. Quelques gouttes s'étaient glissées jusqu'à la peau, la rongeant légèrement dans de minces sillons blanchâtres.
Le coeur battant, il se précipita jusqu'au robinet pour se laver les mains. Les brûlures chimiques étaient les pires. Même lavées, elles continuaient à ronger la chaire, passant jusque sous la peau.

« Bordel tu m'as cramé ! Qu'est-ce qui t'as pris sérieux ?
— Désolé... Désolé mec, merde, je pensais pas, je voulais juste rigoler...
— Putain... — Loyd secoua ses mains sur l'évier — ça va, c'est bon... Encore un bol que je me protégeais avec des gants regarde l'état du sol, il vire déjà au blanc... Si tu refais un truc comme ça, je te jure que je te tue. Rentre-toi bien dans le crâne qu'il faut pas faire de conneries, imagine si je t'avais éclaboussé le visage, j'en suis pas passé loin ! »

à cette pensée, Marc dégluti, la face aussi blanche que le plancher :

« Mais comme c'était juste de l'eau oxygéné, je pensais pas...
— Ouais, tu pensais pas, c'est bien ça le problème... Bon, t'as encore des gants toi, continue. Quand t'auras fini prends les bidons et amène-les dehors, je te rejoins dans 5 minutes avec le reste... Merde, sérieux t'abuses... J'vais m'chercher de la biafine. »


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