Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Dieu nous guide-t-il?


Par : ElBloobs
Genre : Science-Fiction
Statut : C'est compliqué



Chapitre 1


Publié le 15/09/2013 à 22:34:06 par ElBloobs

Dix jours plus tôt.

Le croiseur fendait la nébuleuse comme une caravelle des anciens temps fendrait les flots. Son allure d’oiseau de proie sombre détonnait au milieu du bleu et du rose des gaz en suspension, point noir se traînant dans les immensités.
En cet instant, cet amas de ferraille menaçant aux lignes profilées est le vaisseau le plus important de toute la nouvelle Eurasie.

Nouvelle Eurasie. Bien pompeux titre pour des terres aux trois-quarts en ruines ou pire, scorifiées et irradiées par les bombes, intoxiquées jusqu’en profondeur par les obus chimiques.

Sieur Paul de Saint-Ange était pensif et son esprit était tourné vers le passé. Il était là quand tout avait commencé, ou fini. Il avait vécu l’insouciance des jours d’avant, où personne ne pensait que le chaos se déchaînerait. Ils avaient eu tort. Les bombes tombèrent, le ciel s’ouvrit et le feu en jaillit. L’Europe de l’Est disparut, vitrifiée en quelques minutes, la Russie tomba, ses villes rasées, son immensité laissée aux animaux sauvages, et aux rares survivants, non plus civilisés. Les communications coupèrent. Les Hommes étaient seuls.

Sieur Paul avait quinze ans lorsque lui et sa famille sortirent enfin de leur abri. Il crut être mort et descendu aux enfers. Si le bouclier anti-missile français leur avait épargné l’horreur nucléaire, rien n’arrêta la guerre. Paris avait brûlé et ses cendres s’étaient dispersées. Il vécut cinq ans dans la ville morte, il vit sa mère et sa sœur se faire tuer, son père mourir de maladie. Il crut devenir fou.
Et ils le trouvèrent.

Nul ne sait depuis quand ils attendaient, depuis quand ils se préparaient. Mais après les bombes, c’est eux qui le sauvèrent.

Le Nouvel Ordre du Temple. Des moines guerriers en armure noire, au plastron blanc et à la croix rouge. Des guerriers de Dieu, bénis par Lui-même pour sauver les pêcheurs du chaos dans lequel leur folie les avait envoyés.

Le jeune Paul, sale, affamé, était intimidé par les géants noirs. Leurs armures bourdonnaient d’énergie, de puissance contenue. Soudain, l’un d’eux remonta sa visière. Il s’avança vers le jeune homme, posa un genou à terre et tendit la main vers lui. Leurs yeux étaient au même niveau.

-N’aie crainte mon fils, dit-il, car ton errance est finie.

Ses deux camarades, ses frères, étaient un pas derrière lui. Silencieux.

-Dieu t’a envoyé à nous, et nous te sauverons.

Il souriait. Et Paul le crut. Car qui sinon Dieu pouvait avoir envoyé de tels guerriers ? Des anges, se dit-il ! Le Nouvel Ordre l’accueillit, le nourrit et bientôt, il prêta son serment.

Il avait pleuré ce jour là.

Aujourd’hui, sur le pont inférieur du vaisseau, face à l’imposante baie d’observation tendant vers le cosmos, Sieur Paul de Saint-Ange avait plus de cent vingt ans. Il était premier Archiviste, maître de la mémoire et du savoir. Et il pensait.

Il pensait à son ordre, et à tous les autres. Quelle surprise ça avait été de découvrir qu’ils n’étaient pas seuls. En plus de Paris, reconstruite et fortifiée autour du Nouvel Ordre du Temple, il y avait Bordeaux, abritant ses néo-Hospitaliers, Lyon regroupant le Saint-Ordre Jésuite et même Marseille, ayant donné naissance aux Chevaliers de la Vierge.

On disait que c’était Dieu qui avait orchestré tout ceci : ce renouveau du catholicisme, renaissant de ses cendres pour sauver les Hommes. Paul ne savait qu’en penser.

Mais le plus grand choc ne vint pas de là. Ce jour, Paul avait un peu plus de trente ans, et il vécut l’événement charnière de son temps.

Il était un opérateur de communication, assistant le père Michel dans l’une des premières tentatives de remise en route des communications longue distance. Les satellites étaient, par miracle, toujours là mais la technologie s’était vite perdue. Ils tentaient depuis cinq heures d’établir un contact quand, soudain, quelque chose se mit en place. Un flot de paroles se déversa dans le casque de Paul.

-J’ai un contact ! s’écria-t-il

-Vite, qu’est-ce que cela dit mon fils ?

Le père Michel avait le visage radieux mais ses mains étaient crispées sur le pupitre

-Je n’y comprends rien mon père !

-Parlez alors !

Il leur fallut dix heures pour trouver un templier capable de parler le mandarin.

Ils apprirent que toute la côte est de la Chine ainsi que le Japon et de nombreuses îles avaient résisté à l’enfer atomique. Mais dans l’urgence et le chaos, les pays s’étaient entre-déchirés. La Chine était revenue à un système moyenâgeux et s’étaient divisée en royaumes, parfois unis, souvent entre-tuant.

C’est ainsi qu’au fur et à mesure de la reconquête technologique, des liens se tissèrent entre cette nouvelle France et cette Asie de l’Est.

C’est à partir de là, se dit Sieur Paul, que nous recommençâmes à sombrer. Les vieux intérêts se ravivèrent. Commerce, profit, pouvoir, argent… Etaient-ils toujours les soldats de Dieu ou seulement les chiens de garde de Louis XXV, le nouveau roi ?

Un système qu’il appelait néo-féodal s’était crée, accordant aux ordres une totale liberté dans leurs villes respectives mais les rendant dépendants de la famille royale quand il s’agissait d’affaires étrangères.

Et c’est précisément ce pour quoi lui et une partie de son ordre étaient là : s’occuper d’affaires étrangères.


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