Note de la fic : Non notée

L'envers du Décor


Par : Planisphere
Genre : Science-Fiction
Statut : C'est compliqué



Chapitre 1 : Adieu confort.


Publié le 25/02/2013 à 12:01:14 par Planisphere

Un semblant de déception s'affichait sur le visage de ma mère alors que je rentrais d'une nuit comme les autres depuis deux ans. Elle n'était pas habituée, pas désintéressée de mes actes nocturnes, et cela ne m'aidais pas. Pourtant j'étais bien le seul à encaisser les reproches maternels, d'après les autres. Omission ou vérité, aucune idée.

-"Tu continues, hein? Tu continues à t'amuser, sans penser à demain, sans penser à ce qu'il adviendra de nous. Tant pis pour toi. Demain tu pars, et ne reviens plus. J'ai déjà la compassion de t'offrir ce toît pour ta journée de sommeil. Et moi qui croyais que tes recherches incessantes étaient réelles. Quelle naïve je suis. Maintenant va dormir, et tais-toi", dit-elle gravement.

Cela n'aurait servi à rien de protester, je savais aussi bien qu'elle qu'elle avait raison. Je l'avais mérité, autant profiter alors que l'aube arrive de cette dernière journée de sommeil douillette. Cela devait faire au moins une dizaine de mois que je n'avais pas vu Raleil de mes propres yeux. Ce cercle de lumière semblait me rappeler que je n'étais rien qu'un Humain, somme toute rien tout court. J'habitais sur une des dernières grandes villes qui pouvaient profiter de la mer. En plissant les yeux je pouvais à peine apercevoir la terre grisâtre et fumante de l'autre côté de ce semblant de mer. 500 ans que la décadence avait atteint un point de non-retour, tant d'années qui nous rappelaient que le dénouement était proche. Mais personne ne veut y croire ici, si ces derniers siècles s'étaient passés sans problème, pourquoi maintenant? La propagande médiatique contribuait à leur ignorance, ressassant les mêmes études, les mêmes résultats, attestant de la véracité des croyances populaires. C'est bien beau, mais ce ne sont que des mots, rien que des mots. Et quand la chaleur divine frappera nos corps insalubres, la population déclarera alors sûrement, usant son dernier souffle, "Les anciennes prédictions étaient vraies", et ce sera la fin de l'ère humaine, détruite par sa propre naïveté.

S'il s'avérait que la plèbe avait juste, alors notre existence persistera jusqu'à reproduire une situation similaire à l'actuelle. Quand on savait qu'il nous restait seulement quelques années à vivre, on essayait de tout faire pour arrêter cette mort programmée, et c'était l'objet de ma dispute ce matin-là. Elle ne voulait pas, ne voulait plus que je continue à vivre comme un noctambule; elle n'y croyait pas, elle aussi. Ils semblaient tous avoir oublié que la date fatidique était au jour d'aujourd'hui dans un an, ils s'en souviendront quand le jugement dernier aura sonné. Même si l'existence d'un destin était certaine, du moins dans les grandes lignes pour une civilisation, je restais persuadé qu'il était possible de changer les choses, et que notre peuple pouvait encore ouvrir les yeux. Espoir sans doute vain, mais c'était l'objet de ma vie noctambule, mon but et mon envie. Et évidemment ma mère ne partageait pas mon idéologie.

Nous étions un groupe de cinq à proclamer dans les rues de Sanga ce qui nous semblait être la vérité. Pour les habitués des bars nocturnes, nous étions le groupe des "joyeux troglodytes", et c'est ce genre de surnoms qui me donnaient presque envie de ne rien faire pour voir leur réaction durant l'apocalypse. Mais si nous devions nous arrêter à cela, notre expédition serait déjà terminée aussi vite que commencée. Et les résultats sont là, nous arrivions parfois à rallier des personnes à notre cause. Il nous fallait être assez pour pouvoir changer les choses, et tourner les yeux vers l'espace, au lieu de continuer nos activités futiles. Est-ce que le temps sera suffisant? Non, très probablement. Mais cela valait le coup d'être essayé.

La prochaine escapade sera l'occasion de faire une conclusion sur l'impact de nos actes.
En attendant, mon alcôve n'attendait que moi pour que mes couettes me recouvrent une dernière fois. Tu me manqueras. Je regardai une dernière fois le ciel en direction des files de vaisseaux grandissantes, jetai un coup d'oeil au carré de bleu se détachant de tous ces piques-ciels, là-haut, et je partit dans le monde des rêves.

Comme la plupart de mes songes, celui-ci se passait dans Sanga, en plein centre-ville. La population, habituellement affairée, courait dans toutes les directions, essayant d'échapper à ce qui semblait être la destruction de leur monde. Les panneaux omniprésents sur les façades des nombreux bâtiments affichaient tous la même chose : Chepacoal, le plus grand volcan de ce dernier continent, qui s'apprêtait à rentrer en éruption atomique. Cela pourrait s'avérer être un retour en arrière sur les autres terres qui étaient alors encore épargnées, mais non, l'éruption qui allait débuter allait bien anéantir les dernières terres habitables. Et les hauts parleurs débitaient alors toujours les mêmes phrases : "Des navettes vont arriver d'Isidor, ne vous en faites pas". Comme s'ils en avaient quelque chose à faire, là-bas. Depuis combien de temps un vaisseau n'avait pas décollé de Driss... une centaine d'années peut-être. Il fallait dire que la situation géographique n'aidais pas... Isidor était notre plus proche voisine, trois parsecs.

Pris dans l'élan de la foule, je me mettais à courir moi aussi, luttant pour ma vie, vers l'aérospace, dans l'espoir de pouvoir m'échapper de cette nébuleuse maudite (par nous). D'après les images retransmises, le volcan fumait de plus en plus, et l'explosion ne se ferait plus beaucoup attendre.
-"Mais qu'est-ce que vous faites planté là bon Dieu? Venez vite !" cria un homme âgé d'une trentaine d'années dans ma direction.
Je courus à sa suite, les jambes à mon cou, vers l'astroport. Une fois là-bas je montai le plus vite possible l'escalier interminable rempli, pour arriver sur la piste. Celle-ci, abandonnée depuis bon nombre d'années, était bondée par la population scrutant le ciel à la recherche d'un sauveur. Les minutes passaient et de plus en plus de gens s'agglutinaient autour de l'emplacement d’atterrissage. J'avais même aperçu une femme priant, à genoux. Je croyais moi aussi à cet instant que seul Dieu pourrait nous sauver du cataclysme.

D'ici on pouvait voir le reste de l'agglomération. Un quadrillage étroit et ordonné, des immeubles toujours plus haut, et une circulation aérienne qui était grandissante à mesure que le temps passait, résumaient assez bien l'ensemble de cette ville.

L'atmosphère changea soudainement, et le ciel chargé de pollution se noircit plus encore. Des cris pouvaient être audibles dans la foule, et l'on pouvait apercevoir le début des coulées volcaniques sur les écrans géants. Ce n'était que le début, pas vraiment dangereux. Ce spectacle se poursuivit encore quelques minutes puis les explosions commencèrent. Au début légères, leur intensité redoubla encore et encore. A vue d'oeil les vagues de lave se rapprochaient à une vitesse hallucinante. On pouvait déjà distinguer la lave solidifiée frapper les immeubles, qui s’effondraient uns à uns. Nous étions les seuls encore présents en ville, tous les vaisseaux avaient déguerpis. Une partie de domino interminable, ponctuée par un sol rougeâtre en bas. Nous étions bloqués, et il fallait attendre le jugement dernier, dans l'angoisse. Certains s'étaient jetés en bas, dans la lave. D'autres criaient sans arrêt, comme si ça allait changer quelque chose. Mais une seule chose semblait résonner dans tous les coeurs : Les prédictions anciennes étaient vraies.

Et puis ce fut la fin. Notre colonne s'effondrait lentement et sûrement, de plus en plus près. Puis l'astroport tomba à son tour, et nous avec, criant, gesticulant, puis mourant.

-"Geronimo !" hurlai-je les yeux écarquillés dans mon lit.

Hmm... Encore un de ces rêves redondants, j'aurais du le savoir. Cette nuit s'était passée si rapidement. Ma mère ouvrit la porte, bien décidée à me sortir de cet appartement le plus rapidement possible. Je ne me fis pas attendre, légère toilette, baluchon, et c'est parti pour l'aventure...
Un petit pincement au coeur me saisit lorsque que je passai une dernière fois le perron de là où j'avais toujours habité.
-"Eh bien, adieu alors, murmurai-je.
-Adieu. Et ne reviens plus", répliqua sèchement ma mère tout en claquant la porte.
Elle me haïssait à ce moment, j'en étais persuadé, et pourtant ses sanglots retenus me parvenaient même à travers la porte. Elle y était obligée et ne changerait pas d'avis, je le savais.

Bonsoir liberté. Adieu confort.
Je contemplais ce paysage façonné par notre race tandis que l’ascenseur descendait. Auparavant, il devait y avoir une colline ici, peuplée par la divine nature. Maintenant, seulement des bâtiments dont on ne voit pas le bout, des navettes se frayant un passage dans l'agglomération et des rues piétonnes, où la population s'affairait, et où le sol n'était plus vraiment distinguable, comme le ciel. Cette existence n'aurait pas pu duré de cette façon, impossible. Nous jouions littéralement avec le feu depuis bien trop longtemps. La pollution s'échappait par le sol, provoquant de fatales éruptions. Dans un an, le gouverneur galactique recevra sans doute une petite lettre pour l'informer de notre disparition, et il dira alors : "Dommage", passant à une autre enveloppe plus importante pour lui.

Comme chaque soir, Téo m'attendait devant le pique-ciel. Il semblait aussi enjoué que chaque soir, et me regardait étrangement en esquissant un sourire.
-"Bienvenue dans la rue, Dane ! Tu verras, on s'y fait vite. Tu prévois quoi pour ce soir? demanda-t-il.
-Tout le monde se retrouve dans le parc et on met en place notre plan, répondis-je.
-Tu penses qu'on a atteint le quota de personnes désirées? s'écria-t-il.
-J'espère, et puis on a assez attendu, si on ne s'y met pas maintenant on pourra jamais le faire.
-OK mec. J'appelle tout le monde."
Un projecteur afficha sur sa main un pavé numérique. Il chercha dans les contacts une liste de numéros puis leur envoya un message : Les gars, au QG tout de suite.

Nous nous dirigions rapidement dans le parc, cachés par l'obscurité de la nuit, en discutant doucement. Nous étions cinq à connaître les desseins de tout ce manège. Un coup d'Etat, rien de moins et rien de plus. Avec le soutien d'un bon millier de personnes que nous avons convaincu ces dernières années nous comptons bien mener à bien la mission. Pas par la force non, mais subtilement. Subtilement.


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