Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

Rêve maudit


Par : faces-of-truth
Genre : Nawak
Statut : Terminée



Chapitre 1


Publié le 08/04/2012 à 23:35:39 par faces-of-truth

Encore une fois, j’ai oublié ma véritable nature.

Mon regard s’est posé sur cette âme perdue, déprimée, desséchée malgré sa jeunesse. Un soir d’orage, le monde qui gronde et se déchire derrière la fenêtre de sa chambre fermée à clefs, les basses de chansons névrosées se mêlant aux hurlements du tonnerre. Ces yeux vides, à l’iris bleu mais à la sclère rougie par les larmes de ces dernières heures, continuent de mourir devant l’écran de l’ordinateur qu’elle semble absorber dans son esprit.

Belle blonde tourmentée, pourquoi cet air si morne ? Qu’a-t-il bien pu t’arriver pour que ta beauté naturelle soit remplacée par ce charme suicidaire ? Mais de là où je suis elle ne peut m’entendre… Encore une fois, j’ai oublié ce que j’étais…

Pourtant, dans son chagrin évident, elle attend ; elle attend quelqu’un, elle l’appelle, mais je ne peux pas l’entendre.

Les visages de ses amis, les photos des années précédentes défilent devant elle, elle est la maîtresse de sa peine, elle veut se l’infliger, car c’est ainsi qu’elle se soulage. Elle n’a pas sommeil mais rêve de plonger dans un rêve, celui d’une autre vie.

Je l’épie dans son monde, sa famille, son intimité et admire sa personnalité. Je tombe peu à peu, sans m’en rendre tout à fait compte, fou d’amour pour cette créature qui hurle dans sa tête.

Négligeant ma tâche innée, je la suis dans sa vie quotidienne ; elle ne me voit pas, mais je suis, jour après jour, l’homme au volant de la voiture quand elle traverse le passage clouté quand je suis au feu rouge, le garçon à côté d’elle dans le bus, le voisin qui la croise dans la rue près de chez elle, le camarade de classe derrière son pupitre, le reflet invisible dans son miroir quand elle ne le contemple pas.

Je rêve de t’aider, de sécher tes larmes, de t’offrir ce que tu cherches, de faire renaître le sourire sur ton visage.

Je bouscule l’adolescent amoureux qui t’espionne sans que tu le saches, je fais détourner les regards malicieux des pervers dans ton dos. Mais tu ne me vois pas, tu ne sembles pas prête à me voir.

Un soir, le téléphone a sonné. Ta mère t’a appelée et passé le combiné. Ce fut la première fois que je vis tes yeux s’éblouir d’une lumière jusqu’alors inconnue. Qui pouvait donc t’offrir cela ? Qui était mon concurrent ? Oubliant mon véritable rôle, je voulais t’offrir le cœur à faire battre pour vivre à tes côtés. Mais une inquiétude s’empara de moi. Une inquiétude brute, violente et nauséeuse.

Je devenais à mon tour, contre toute attente, une entité emplie de chagrin et de désespoir. Je devais vivre de toi, ne surtout pas te laisser t’en aller…

Je suis l’ombre de ta lampe de chevet qui forme sur ton armoire un aspect humanoïde. Je te regarde dormir, je deviens le pli de tes draps contre ton corps. Qui était la personne à l’autre bout du fil ?

Durant la nuit noire qui a suivi, je me suis introduit dans ton salon et ai saisi ton téléphone fixe, cherchant le fameux numéro. La tonalité a résonné plusieurs fois à mon oreille, et lorsque l’interlocuteur a décroché, j’ai posé subitement la question fatidique : qui était-il ? Ce ne fut que le silence qui suivit. J’avais oublié ce que j’étais…

Cette fameuse journée, le lendemain de mon appel, je t’ai suivi encore une fois partout dans ta vie. Et plus les heures passaient et plus je devenais passionné pour toi… Mais quel sort m’avais-tu donc lancé ?

Dans la pluie battante, je regarde ta silhouette traverser les murs de dépression que le ciel lâchait sur le monde. Ton regard sombre et magnifique fixant le sol, ta démarche lente, ta capuche cachant ton visage et tes cheveux blonds, comme pour masquer leur éclat et afficher la noirceur qui t’habitait. Je rêve d’embrasser chaque parcelle du sol que tu arpentes, je marche sur tes pas, je dévore chacun de tes mouvements.

Tout à coup, tu sors quelque chose de ta poche ; ton téléphone portable. Lentement, tu l’approches de ton oreille. Le monde tourne au ralenti. Les cordes de pluie se figent dans le temps. Tu deviens une statue rigide, rien n’importe plus que là où tu es, l’univers n’existe plus et même si c’était le cas, rien ne pourrait interagir avec toi. Tu es une jeune fille dans une prison de brouillard. Pourquoi puis-je entendre ton appel cette fois ? Pourquoi ai-je l’impression que mes jambes s’approchent d’elles mêmes vers toi, et que ta voix semble plus claire que jamais ? Pourquoi la culpabilité me prend-elle soudain ? Pourquoi est-ce que je me rends compte que ce que j’ai oublié est alors catastrophique ?

L’homme à l’autre bout du fil l’autre soir… était ainsi ton père… ? Qu’ai-je fait ? Cette partie de ta famille déchirée ? Qu’ai-je commis ? Cette pièce manquante du puzzle de ta vie ? Comment ai-je pu oublier ? Celui qui t’avait donné la vie et te la maintenait malgré son absence ? Je désirais tant te parler… Celui que j’avais tué…

Alors tu m’as appelé. Tu t’es retournée d’un seul mouvement, ta capuche est tombée en arrière, tes yeux bleus ont percé les miens, tes cheveux blonds se sont lâchés, et tu as prononcé mon nom. A cet instant, un véhicule glissa sur la chaussée mouillée et démolit le mur de pluie. Son capot te heurta… et tu es tombée dans mes bras, nos lèvres se sont jointes toutes seules, sans même notre consentement. Tu étais glacée… Puis tu t’es effondrée au sol et j’avais disparu. Je n’étais qu’un des nuages dans le ciel, observant les gens choqués se ruer sur toi…

Le tonnerre gronda à en faire trembler le sol, mais c’était moi qui hurlais mon désespoir. J’avais oublié. J’avais oublié que j’étais celui qui était appelé par les âmes en détresse, qui souhaitaient déposer leur Vie sur un socle et celui qui était attiré par ceux qui n’étaient pas assez méfiants; j’avais oublié que j’étais celui qui pouvait la prendre.


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