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Paris by Night


Par : Conan
Genre : Polar, Réaliste
Statut : Terminée



Chapitre 8


Publié le 17/09/2011 à 22:58:29 par Conan

Nous sommes le 30 novembre 2011 et il est 4 heures du matin.

Ulrich erre dans les rues du XVIIème arrondissement, les mains dans les poches de son blouson, encore un peu ivre, la tête baissée sous le vent froid qui annonce que l'hiver approche à grands pas. Il vient de quitter un bar branché dans lequel il s'est soûlé avec Anto, qui y est toujours. Où va-t-il? Que cherche-t-il? Que fait-il? Lui-même ne le sait certainement pas. Il marche, se laisse emporter par ses sens. Il arrive enfin sur un pont au dessus du périphérique. Même en cette heure si tardive, les véhicules continuent inlassablement de passer, de rugir dans les tunnels, de tourner et virevolter dans un lugubre ballet mécanique sous les lumières jaunes et lourdes des lampadaires flétris par l'usure et le temps.

Il ôte son bonnet et touche sa tête toujours douloureuse en se demandant si il ne serait pas mieux qu'il saute, qu'il règle tous ses problèmes en enjambant la barrière et en se laissant aller vers les abîmes de béton et de métal, s'abandonner à la gravité pour finir vingt mètres plus bas sous les roues d'un camion. Il prend une profonde inspiration. Ses yeux s'humidifient. Puis finalement, non. Il fouille dans la poche de son jean, il lui reste une Philipp Morris qu'il porte à ses lèvres et allume difficilement à cause du mauvais temps. Il continue de marcher le long du pont et aperçoit une forme à l'autre bout. Intrigué, il s'approche. C'est une jeune femme en train de sangloter, elle est debout sur le rebord, au dessus du vide. Malgré le temps elle est peu vêtue. Si las, Ulrich hésite à passer son chemin sans se soucier du sort de la femme en détresse. Quand il l'a dépassée, il s'arrête et se retourne finalement.
-Faut pas faire ça. Dit-il.
La jeune femme est surprise, elle n'avait pas remarqué sa présence.
-Qu'est-ce que ça peut te foutre à toi? Rétorque-t-elle avec un accent Slave.
-Rien. Mais tu es en train de faire une erreur.
-Qu'est-ce que t'en sais?
-T'es encore jeune. Tu ne devrais pas sauter d'un pont. Tu devrais vivre, t'amuser, rigoler.
-Tu connais quoi de ma vie? Rien! Tire-toi! J'ai rien à te dire! Tu ne sais pas ce que je vis!
-Alors descend de là et prends le temps de m'expliquer ce qu'il t'arrive.
-T'es comme tous les autres, mon cul te plait bien alors tu prends tes airs bienveillants et tu vas me faire croire que tu vas me sortir de la merde!
-Non, je veux juste t'empêcher de te foutre en l'air. Mais si tu ne veux pas de mon aide, tant pis.

Ulrich tourne les talons.
-Attends! Lui dit la jeune femme.
-Quoi?
-T'aurais une clope?
Ulrich fouille dans sa poche et se souvient que celle qu'il a au bec est sa dernière. Il la prend et la tend à la fille.
-C'est tout ce qu'il me reste.
La jeune femme reste soucieuse quelques instants puis décide de redescendre de son piédestal, prend la cigarette et tire nerveusement quelques taffes.
-Je suis arrivée en France il y a deux mois. J'ai appris la langue dans mon pays, en Pologne. Un jour, un type est venu au village et m'a dit qu'il pouvait me proposer un travail bien payé ici. Alors j'ai dit oui. Je me suis retrouvée dans un squat avec d'autres filles qu'on avait enrôlées. On nous a fait faire... Comment vous dites ici?
-Le tapin.
-C'est ça. Le tapin. Le type nous a vendu à un proxénète. Un Serbe je crois. Il nous a droguées, nous a rendues accros à sa came. Ce soir j'ai réussi à m'enfuir du squat. Mais je sais qu'ils me retrouveront, où que j'aille. Partout en Europe. Autant mourir.
-Si tu veux, je peux t'héberger pour cette nuit.
-C'est ça, et quand je dormirais tu viendras me niquer avant de me foutre dehors.
-Je te donne ma parole que non.
Il tend la main vers la jeune femme. Elle accepte de lui donner la sienne. Après tout elle n'a plus rien à perdre.



Il est six heures du matin Ulrich aurait voulu rentrer chez lui avec le soleil, qui ne se lèvera hélas que dans deux heures. Tant pis. Il arrive devant son immeuble et commence à composer le code, mais un corps le plaque violemment contre la lourde porte en bois. Il tente de se débattre et se prend deux violents coups dans les reins. Il tombe à genou. Quelqu'un l'agrippe, le relève et le retourne. Il reconnaît Milo et Dragan en ses agresseurs. Dragan le plaque dos au mur :
-C'est quand que tu vas payer connard!
-Je... Je sais pas, j'ai pas le fric.
Milo se tourne vers la jeune femme qui garde la tête baissée depuis le début de l'agression. Il relève ses cheveux.
-Agnieszka, qu'est-ce que tu fous ici? Tu le connais?
-Elle allait se foutre en l'air, j'lai juste aidée.
-La ferme toi! Et toi petite pute, tu vas voir ce que tu vas prendre quand on t'aura ramenée! On va t'apprendre à fuguer! Hurle Milo en secouant la fille tellement tétanisée qu'elle n'ose pas se débattre. Puis il se retourne vers Ulrich et approche de son visage :
-Ça fait six mois que tu dois de l'argent à Radovan, il commence à s'impatienter. Ton accident t'a toujours pas fait comprendre la leçon?
-C'était vous?
-Oui, et comme t'as eu la chance de survivre, tu vas devoir payer! Vite! Dit Dragan en le secouant.
-J'ai pas les 14 000.
-Avec les intérêts c'est plus 14 000 mais 20 000 que veut Radovan, tu l'a trop pris pour un con, et nous avec en nous baladant tout le temps.
-Déconnez pas les mecs, je suis estropié, comment je pourrais ramener l'argent?
-En tout cas t'es assez en forme pour faire des courses pour Kader et pour faire la fête jusqu'à cinq heures. Alors tu seras assez en forme pour te démerder et trouver le fric que tu dois à Radovan. Dragan, fouille ses poches.

Dragan sort 500 euros du portefeuille d'Ulrich.
-Regarde ce qu'il a sur lui.
-Tu vois Ulrich, tout s'arrange, t'as déjà remboursé 2,5% de c'que tu dois. T'as deux semaines pour trouver 20 000 euros. Si à la mi-décembre t'as pas remboursé tout ce que tu dois à Radovan, j'te jure que tu pourras plus jamais marcher, compris? Viens Dragan, on s'tire.

Dragan décoche un uppercut dans le visage d'Ulrich et rentre dans la berline noire en compagnie de Milo et d'Agnieszca



***


Nous sommes le 30 novembre 2011 et il est 12h. Ulrich se réveille encore une fois avec une méchante gueule de bois. Il regarde l'heure sur son portable et voit qu'il a reçu un sms d'Anto : "tro bone soiré hier, domage que tu soi parti jai séré une meuf jte raconteré"

Ulrich se lève de son canapé et va se passer un peu d'eau sur le visage avant d'appeler différents contacts pour grappiller un peu de boulot par-ci par-là. Il obtient enfin une réponse positive d'un ancien pote de quartier. Il s'habille et sort de son appartement.


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