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Six semaines en Allemagne | Réécriture |


Par : Non-Lus
Genre : Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 7 : Le centre commercial


Publié le 16/10/2016 à 20:50:17 par Non-Lus

Pour y trouver des places encore libres, il fallait venir tôt. Les ordinateurs portables des étudiants étaient déjà tous tournés vers un gigantesque écran de présentation. Sous ce dernier, se tenait un petit homme. Un grand érudit, qui avait réussi à vendre ses propres livres à notre université. L’opportunité pour lui, d’ailleurs, de souvent se citer en référence à travers ses théories de la micro et macro-économie.

Il était 19h30. Nous avions, pour la plupart, travaillé toute la journée. Et cette leçon – la dernière de la soirée – était terriblement difficile à suivre. Le Docteur en économie, arborant fièrement un costume trois pièces sur-mesure, présentait de nombreux graphiques. Les mécanismes de l’économie de marché se mettaient à nu, devant une salle peu réceptive.

— L’avantage concurrentiel. Qui peut me dire ce que c’est ? Personne ? C’est tout de même incroyable. Pas un seul étudiant capable de me donner les bases. L’a-van-tage concurrentiel. Prenez un produit. Non ! Prenez une entreprise, heu… Non ! J’ai encore mieux ! Prenez un être humain. N’importe lequel. Non pas n’importe lequel. Heu…

Le professeur regarda le sol en se grattant le menton plusieurs secondes, avant de se faire interrompre par une étudiante.

— Une star Monsieur ?

Il haussa les sourcils, puis acquiesça.

— OUI ! Une star ! Pourquoi une star passe-t-elle à la télévision ? Pourquoi les médias utilisent et diffusent l’image des stars ? Voyez-vous, comme un produit, chaque star représente une idée et possède une caractéristique unique. Elle se différencie ainsi de ses concurrents, en l’occurrence, pour une star, de ses rivaux.

Il médita quelques secondes, puis reprit.

—Ça peut être sa voix. Son style. Peu importe finalement. Le but étant, au final, de répondre à une certaine demande et de vendre son produit. La star est en fait un très bon vecteur pour vendre. Le monde dans lequel nous vivons, chers étudiants, est composé d’entreprises qui se soucient quotidiennement de la façon dont on vous vendra leurs produits et leurs idées. Qu’en pensez-vous ? Vous là-bas, avec la chemise blanche !

Mince, j’avais une chemise blanche. Et toutes ces têtes rivées vers moi… Pas de doutes, sa question m’était destinée.

— Oui ?
— Votre prénom monsieur ?
— Florian…
— Alors Florian, cela vous parle, vous, l’avantage concurrentiel ?


...


Arrivé au centre commercial, Nicolas s’arrêta d’un coup. Puis, d’un ton très sérieux, il annonça :

— Il nous faut des cigarettes !

Tout le monde hocha de la tête, l’air complice.

Nous rentrions ensuite dans le bâtiment. Après son portique d’entrée, un couloir se présenta à nous. À ses côtés, de petits magasins en tous genres. Ils s’alignaient sur quelques centaines de mètres avant de laisser place au hall principal. Une zone immense, s’étendant sur trois étages. Je suivis le groupe, qui s’engouffrait joyeusement dans le périmètre. Gilles se tenait à l’écart. La mine décomposée, il tenta une objection.

— Je… Je ne veux pas voler cette fois.

Nicolas n’hésita pas une seule seconde. Il se planta droit devant Gilles, en lui lançant un regard meurtrier. Les lèvres de Gilles se cousirent instantanément. Ses pupilles se détournèrent vers moi, comme pour appeler à l’aide. L’obligeaient-ils à dérober dans le magasin ?

— Laisse-moi t’expliquer Flo’. Ce centre commercial est spécial. Très, spécial.
— C’est-à-dire ?
— Tu peux voler tout ce que tu veux, personne ne contrôle, cela fait des semaines qu’on fait ça. Hein dis Seb !?
— Heu, oui oui, c’est vrai.
— Evidemment, Gilles, le bébé, nous ralenti parfois, mais t’inquiètes pas.

Je compris dans son attitude qu’il attendait un vol de ma part. C’était le test d’entrée, évalué par Nicolas, dont l’échelle des points allait de « Gilles » à « mec cool ».

Nicolas s’avança vers moi, le torse en avant, prêt à l’attaque.

— Voilà la procédure. C’est tout simple.
— Il y a une procédure ?
— Pas de questions pour l’instant.
— Mhh.
— Les allées du magasin sont profondes et ont de nombreuses intersections où l’on peut piéger le vigile.
— Le vigile ?
— Oui ! Il n’y en a qu’un seul, pour TOUT le centre commercial, c’est là qu’on a notre atout, Gilles !

Il avait raison : les rayons étaient mal agencés. Trop profonds. Trop denses. Facile de subtiliser quoi que ce soit sans être vu, surtout avec un seul vigile pour surveiller la zone.

Nicolas pointa Gilles d’un mouvement de la tête.

— Regarde-le, avec son air de satanique perdu là… Bref, il traverse lentement les allées, près du vigile, et il éveille ses soupçons. C’est là qu’on en profite pour voler ce qu’on peut, tranquillement.

Nicolas et sa bande avaient élaboré, au fil de leur séjour, une stratégie complète et bien huilée pour dérober les articles du centre commercial. Ils avaient même réussi à faire en sorte que Gilles se sente obliger d’y participer. Incroyable.

« On y va ! », nous lança subitement Nicolas. Seb s’élança le premier dans un rayon, en balayant du regard la clientèle environnante. Puis, il repéra quelque chose en faisant un signe à Gilles. C’était le vigile qui, pour l’instant, se contentait de rester assis sur une chaise au milieu du grand magasin. Gilles s’avança douloureusement à travers l’allée principale. Les chaînes métalliques qui entouraient son pantalon s’entrechoquaient et avaient l’air de faire leur petit effet sur l’employé de sécurité. Ce dernier quitta sa place instantanément pour se mettre à le suivre.

Suivant la scène, sans y croire encore vraiment, je sentis soudain une frappe sur mon épaule. C’était Nicolas.

— Première phase du plan, réussi !

Il me fit signe de le suivre, en analysant consciencieusement les mouvements du vigile. Son but : se positionner hors de son champ de vision. Je devais bien l’admettre, leurs manigances fonctionnaient à merveille. Nous étions désormais tous les deux à l’écart, dans un des rayons vides du centre commercial.

C’était à mon tour. Sans réfléchir, je laissai ma main se perdre sur le premier article en face de moi : un simple paquet de chips à deux euros. Il se faufila dans la poche intérieure de ma veste, formant une petite bosse, seulement visible, pour un œil averti.

Nicolas, qui continuait de scruter les alentours, me lança un regard amusé. « Mais qu’est-ce que tu fous !? », me murmurait-il. Il reprit le paquet à l’intérieur de ma poche, l’ouvrit et se servit de quelques chips. Puis, l’air de rien, les reposèrent sur leur étagère.

— Tu n’as pas besoin de voler la bouffe. Si t’as faim, sers-toi, tout simplement !

Les cliquetis des chaînes de Gilles retentirent à proximité. Un signe de danger. Nicolas mit son doigt sur ses lèvres en me lançant un discret « chut ». Puis, nous nous faufilions dans le dédale des rayons, pour ne pas se faire repérer.

Seb était déjà à la caisse, en train de choisir un paquet de chewing-gum. Je devinai ainsi la seconde phase de leur plan: faire semblant d’acheter un seul article, pour atténuer les soupçons potentiels.

Au même moment, Gilles se tenait contre un mur, se faisant gronder comme un enfant par l’employé de sécurité.

Nicolas se voulait rassurant :

— La phase de conclusion : Gilles qui se fait gronder.
— Comment ça ?
— A chaque fois, le vigile prétend l’avoir vu voler et le menace. Mais il n’a jamais vraiment compris comment il faisait pour faire disparaître des articles sous ses yeux. C’est difficile de comprendre pour un vigile tu sais, en fait, Gilles nous a comme « petites fées magiques » !

Nicolas éclata de rire en marchant vers la caisse. Lui aussi s’acheta un paquet de chewing-gum. Je n’en revins pas. Tout cela était une aubaine ! Leurs petits larcins allaient pouvoir me faire économiser de l’argent. Où était le mal ? Je finançais ce séjour de force, autant limiter les dégâts.

Nous passions tous les trois le portique de sécurité, qui ne se déclencha pas. Rôdé comme des professionnels, Nicolas et Seb avaient parfaitement retiré les étiquettes des articles qu’ils avaient volés. Gilles nous rejoignit quelques minutes plus tard, à la sortie du centre commercial.
Comme à son habitude, Nicolas le prit à partie.
— Alors « Gilles la racaille », ça va ? On t’a vu avec Florian, c’était trop marrant !

Très embarrassé, il se contenta de fixer le bitume.

— J’en ai marre de faire ça…
— Non mais regardez-le ! Tu vas pas me dire que tu préfères payer ??

Nicolas s’énerva. Il sortit de sa poche une boite de préservatif, qu’il venait de dérober. Il en détacha un seul, l’agrippa, et le lança violemment contre le front de Gilles.

— Voilà. Cadeau !

Un mélange de rage et de peur se dessinait sur le visage de Gilles. Il ne le supportait plus. Mais il ne dit rien.

— Flo, tu peux prendre la capote, il a pas l’air de la vouloir cet imbécile.

Pour laisser Gilles se faire oublier, je saisis le plastique du bout des doigts. Je n’allais probablement pas en avoir besoin, ou peut-être, juste pour en faire… une bombe à eau.

Seb sortit de sa poche un paquet de cigarettes. J’avais presque oublié que nous étions rentrés là-bas pour en voler.

Souriant, Nicolas lui tendit un briquet pour qu’il puisse consommer son trophée du jour.

— Alala Seb, tu m’impressionneras toujours d’être capable de voler ça !

Sans demander, Nicolas saisi deux cigarettes du paquet de Seb. Il en plaça une entre ses lèvres, en me tendant l’autre, l’air désinvolte.

Allais-je pouvoir survivre ici pendant six semaines ? Peut-être devais-je rejoindre pour de bon le clan de Nicolas. Avant même d’en penser quoi que ce soit, la « clope », comme il disait, termina allumée, et entre mes doigts. Je laissai sa fumée se faufiler dans mes poumons. Puis, je toussai. Fort.

Nicolas posa son regard sur moi. « Toi, t’es un vrai Flo ! », m’annonça-t-il, satisfait.

Je devins ainsi membre à part entière de la bande.

Le test était terminé.


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