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©opy®ight


Par : Loiseau
Genre : Science-Fiction
Statut : C'est compliqué



Chapitre 7


Publié le 30/11/2015 à 18:30:35 par Loiseau

Jusqu’à ce que le soleil disparaisse derrière les arbres, Katarina et Yann me montrèrent des objets de diverses époques, de diverses utilités, et à la fin je vis qu’ils étaient déçus. Après la pomme c’est comme si toute émotion m’avait quitté. Même aujourd’hui je ne saurais pas expliquer ce soudain vide en moi. C’était comme si j’étais momentanément retourné dans mon mouroir, anéanti et creux.
Yann me conduisit jusqu’à une chambre petite mais confortable et me donna un nécessaire de toilettes ainsi qu’un pyjama. Toutes ces attentions me paraissaient incroyables, surréalistes. Je ne savais même pas que l’on pouvait prendre autant soin de quelqu’un d’autre que soi… Lorsqu’il me laissa seul, je restais longtemps assis sur le rebord du lit, à tourner et retourner dans ma tête les récents évènements. En quelques heures j’avais découvert tant de choses. Je regardais mes mains, ridées et fripées, et me disais qu’il était sûrement trop tard pour apprendre à vivre comme eux, ces humains libres. Ils me parlaient de musique, d’art, de littérature et moi je ne comprenais rien. Je n’arrivais pas à saisir l’utilité de ces choses. J’étais obsolète selon toute évidence.

Ce serait intéressant d’aller au musée, non ?
A quoi bon ? Mais si. Non.
Vas-y !


Légèrement nauséeux, je me levais, ressentant plus fort que jamais le poids des années. Je pouvais m’estimer heureux de ne jamais avoir été assigné à la SI. L’espérance de vie y était courte, très courte.
Bien que ne sachant pas où se trouvait le musée, je me mis à arpenter les couloirs vides. J’entendais du bruit derrière certaines portes, des bribes de conversations, des sons étranges, des cris, parfois. Mais le son de mes propres pas fini par tout couvrir alors que je m’aventurais dans un escalier. Le bâtiment me rappelait désagréablement le Centre, et je réalisais que je n’avais aucune envie d’y retourner. Plus jamais je ne mettrais les pieds là-bas. Pourquoi ? Je n’en savais rien, mais tout en moi hurlait son désir (dé-sirrrrr, un beau mot) de rester ici. Jamais, avant de rencontrer Yann et Katarina, je n’avais expérimenté cette forme de contact verbal qu’est la « conversation ». En fait, les échanges verbaux au Centre n’avaient lieu que très rarement, lors des Rencontres Amoureuses nous avions le Droit de parler pendant plusieurs heures à la suite, certes, mais nous ne nous disions rien. En présence de Katarina et Yann, j’avais l’impression de recevoir quelque chose et j’espérais profondément pouvoir leur rendre ce «quelque chose » un jour.

Mes pas finirent par me conduire, étrangement, devant une porte coupe-feu à double battant sur laquelle était accrochée une pancarte indiquant « Musée, archives et collections mémorielles ». Tremblant, je poussais l’un des battants et entrait dans une pièce immense. J’eu le souffle coupé par les innombrables étagères qui s’alignaient là, toutes remplies de livres ou d’objets divers. Des vitrines exposaient des merveilles de toutes sortes, un mur était tapissé d’appareils électroniques variés, çà et là des sculptures décoraient l’endroit… Je m’aventurais timidement entre les rayonnages, ne sachant pas quoi faire. Je saisis au hasard un livre.


Manuel d’entretien de votre équipement TechnOrbe…
TechnOrbe, c’est ce qui était écrit sur les écrans du Centre…



Un bruit de pas dans mon dos me fit sursauter et je laissais tomber le manuel à mes pieds. Je me retournais brusquement pour apercevoir un visage interrogateur.


-Bonsoir… Puis-je vous aider ?


L’homme qui me faisait face était plus grand que moi d’une bonne tête, ses habits colorés tranchaient sur sa peau noire et il arborait une impressionnante crête de dreadlocks (terme technique que je ne connaissais pas encore à l’époque). Il n’avait pas l’air en colère de me trouver ici, seulement curieux.


-Je… je cherche des… choses. répondis-je avec difficulté.

-Oh, vous risquez d’en trouver ici. Quelque chose en particulier ?


La réponse fusa d’elle-même.


-De la musique. Je veux savoir ce qu’est la musique.

-Vous êtes le nouvel arrivant, c’est ça ?

-Affirmatif.


Ce dernier mot sonna dur dans l’atmosphère paisible du musée. Certains réflexes ont la vie dure… L’homme me fit signe de le suivre et me conduisit jusqu’à un espace où de gros fauteuils en cuir formaient un cercle, il s’assit et m’intima de faire de même d’un geste de la main.


-Je m’appelle Malak. Je suis le conservateur et archiviste ici. C’est moi qui surveille tout ça.


D’un geste ample il désigna l’ensemble de la pièce.


-En clair, si tu veux trouver quoi que ce soit, adresses toi à moi. Je t’aiderai !

-D’accord.

-Hmm… De la musique donc ? Que sais-tu de la musique ?

-Rien. Je ne sais rien. Je dois tout apprendre.


Mes propres paroles me firent me sentir mal, mais Malak me tapota l’épaule en souriant. Il avait un sourire aussi chaleureux que celui de Yann.


-T’en fais pas, tu apprendras. Pour être franc, je suis pas persuadé qu’il te faille connaitre les origines de la musique et toutes ces conneries pour l’apprécier. C’est des concepts que t’apprendras plus tard ça, mon grand. Enfin j’veux dire, monsieur…. ?

-Exemple Neuf.

-Je… Exemple Neuf ? C’est ton nom ?

-C’est celui que m’a donné la PC.

-T’en veux pas un autre ?

-Je ne sais pas.

-Oh… Eh bien, je vais t’appeler Ex’, si tu le veux bien.

-D’accord.

-Bon, alors écoute monsieur Ex’. La musique existe depuis l’aube des temps et toutes les cultures l’ont pratiqué. C’est un art merveilleux puisqu’il parle à tout le monde ! Bien sûr, il est impossible d’aimer, ou même de connaitre, toutes les musiques qui ont été composées, mais il y en a forcément qui te toucheront en plein cœur. Et ce soir, on va essayer de découvrir lesquelles. O.K. ?


Son enthousiasme débordant me fit sourire aussi. C’était, je crois, la première fois que je souriais vraiment. Par simple plaisir. Malak se leva et s’enfonça à toute vitesse dans une allée où s’entassaient des enceintes. Il revint quelques minutes plus tard, les bras chargés d’une pile de boitiers en plastiques, sur la pile, deux disques-durs étaient posés dans un fragile équilibre.


-On va commencer par ça. marmonna-t-il en déposant tout sur une table basse et en tirant à lui un ordinateur portable. « Entre les disques-durs et les CD, on pourra parcourir une bonne dizaine de siècles et une centaine de genres et courants ! Tu préfères entamer quoi ? Pink Floyd ? Bach ? Armstrong ? Von Bingen ? Daft Punk ? Tangerine Dream ? Dead Can Dance ? Marin Marais ? Black Sabbath ? Eos Karma ?


A chaque nom qu’il énumérait, il brandissait un CD dans ma direction. J’étais perdu. Il s’en rendit vite compte et réfréna un peu son ardeur, sans pour autant se départir de son sourire.


-Bon, je te mets ça et tu me dis ce que t’en penses, d’accord ?


Il brancha l’un des disques-durs à l’ordinateur, cliqua trois fois et j’entendis alors, pour la première fois, de la musique.

Et rien ne résonna en moi.


C’est ça de la musique ? Je ne comprends pas… Quel intérêt y a-t-il à écouter cet assemblage de sons ?


Je fis part de mes questions à Malak qui resta bouche bée. Il secoua plusieurs fois la tête sans parvenir à parler. Je me sentais mal de le décevoir à ce point, mais cette musique ne provoquait réellement rien chez moi. Je trouvais même ça plutôt désagréable car ça m’empêchait de penser clairement, comme si quelqu’un parlait en même temps que moi.


-Tu… Tu n’as rien ressenti… en écoutant Beethoven ?

-Nég… non, rien ressenti.

-Eh bien… C’est étrange. Normalement tout le monde aime Beethoven. Je… Je t’avoue que je ne te comprends pas trop là, monsieur Ex’.


Il se massa le visage, l’air profondément bouleversé. Puis il se leva et repartit au milieu des rayonnages, il en revint avec quelques livres sous le bras, les posa sur la table et s’accroupit près de son fauteuil tout en me posant une main sur l’épaule. Son visage était marqué, je m’en rendais compte en le voyant de près, de lignes et de courbes tatouées avec une grande finesse et ses yeux sombres étaient pailletés d’or. Je ressentis alors de manière diffuse que cet homme était peut-être plus que ce qu’il laissait paraître.


-Écoute monsieur Ex’. Voilà ce que je te propose. Tu vas rester ici autant de temps que tu le souhaites, toute la nuit ou même plus. Et tant que tu seras là, tu pourras lire, écouter ou visionner ce que tu veux, t’auras qu’à me demander si tu ne sais pas où chercher. Je m’occuperai de t’apporter à boire et à manger. Et bien sûr, si tu as envie de te dégourdir les jambes tu peux aller dans la forêt, mais fais-toi accompagner ! Je suis sûr que Yann acceptera si tu lui demandes.


Il se releva sans attendre de réponse et se rapprocha de la table.


-Ça c’est un dictionnaire. C’est un livre qui explique tous les mots qui existent dans notre langue ! Et là t’as une encyclopédie, qui explique… un peu tout, en fait. Tu en auras besoin pour bien comprendre les choses, si tu décides de lire un bouquin.
Maintenant je te laisse, ami Ex’.


Et il se dirigea d’un pas décidé vers la porte, les pans de sa tunique claquant sur ses jambes. Il se déplaçait avec la même élégance déterminée que Katarina. Avant de quitter la pièce, il se tourna vers moi et dit :


-Tu sais, Ex’. Ça fait des années qu’on sort des gens des Centres, pourtant il n’y en a que quatre ici. Toi, Yann et deux autres personnes. Yann a été sorti de là-dedans quand il avait seize ans et ça a été difficile pour lui de se débarrasser de l’influence des « enseignements » de la PC. Aucun de ceux que nous avons sauvé n’avait ton âge, aucun. Pourtant la majorité sont morts très rapidement, trop déstabilisés par ce nouveau monde. Toi, avec ton âge déjà avancé – pardonnes-moi – tu survis. Et même, tu te bats pour apprendre ! C’est fabuleux. Vraiment fabuleux, Ex.


Il sortit. Secoué, je posais mes yeux sur la table et commençais à lire les titres des ouvrages.


Dictionnaire de la Langue Française, Encyclopédie Universelle, Le Tour du Monde en 80 jours…
Le Meilleur des Mondes.


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