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[Confédération][3] Semper et Ubique


Par : Gregor
Genre : Science-Fiction, Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 2


Publié le 07/09/2013 à 20:32:02 par Gregor

Lijt se retrouvait rarement face au commandant. Et dans les quelques situations où cela devait arriver, il le dévisageait, à la fois curieux et mal à l'aise. L'officier mesurait plus de deux mètres cinquante, pesait dans les deux cent cinquante kilos, tout en muscle et en angles secs. Il n'était pas aussi balourds que la plupart des mâles de leur espèce communes, et affichait cet air rogue, presque insolent, un sourire en coin perpétuellement suspendu à ses babines.

Mais plus que l'aspect physique du commandant, c'était son caractère qui en avait fait sa réputation dans toute la Confédération. Une aura mystérieuse et héroïque se dressait sur les épaules de l'ancien apprenti de Gregor Mac Mordan. Lijt en aurait frissonné tant l'être qui le précédait sur le sentier bourbeux éclatait de prestance.

Flinn, fils cadet du gouverneur Inuë en fonction sur le monde d'Alioth, avait -disait-on - une réputation de véritable diable auprès des rebelles et des hérétiques qu'il combattait. Les membres de la Confrérie le décrivait comme un saint. Les Inquisiteurs, comme un dévot. Mais pour Lijt, il n'était qu'un officier malin et retor, qui ne faisait que peu de cas de ses propres émotions.

Lijt le voyait presque comme une machine de guerre, forgée et façonnée par celle-ci pour la servir. Une sorte d'idéal à atteindre, et dont il fallait boire toutes la paroles, tous les actes. Lijt se remplissait littéralement de ce que disait son modèle. Il lui semblait que le commandant était porté par une sagesse peu commune, dont il ne savait pas de quoi elle était le résultat. Son éducation auprès de Gregor Mac Mordan ? Le statut particulier que lui octroyait sa position, à la confluence du monde des Naneyë et des Hommes ? Lijt préférait ignorer pour un temps ces questions. Pour le moment, le commandant sollicitait sa présence, il ne devait pas l'oublier.

- Lijt, approchez ...

Le soldat n'avait pas remarqué tout de suite que son supérieur s'était arrêté. Le chemin s'effaçait dans la mousse d'une paroi inclinée, et se transformant en une falaise sinueuse quelques mètres au dessus d'eux.

- Un problème, mon commandant ?

L'officier porta sa main droite vers son visage, et se gratta distraitement le menton.

- Vous avez vu ces câbles ?
- Quels câbles ?

L'oeil de Flinn qui n'était pas dissimulé par un aug' se leva vers le ciel.

- Soldats, observez votre environnement... Je croyais que vous étiez un élément plus fin que vos congénères.

Lijt se garda bien d'ajouter quoique ce soit. Visiblement, le commandant lui faisait confiance, à titre personnel. Il n'avait pas un comportement habituel. Lijt rêvassait, mais cela ne le mettait pas en colère. Lijt découvrait que le commandant semblait capable de plus de patience qu'il ne l'aurait cru.

- Je les vois, à dix heures, mon commandant.

L'officier hocha la tête.

- Bien... Vous avez remarqué leur provenance ?
- Le cabanon ... J'ai vu des câbles de même couleur dans la pièce du bas.
- Et votre avis là dessus ?
- Du câblage de grosse puissance. Mais nous n'avons retrouvé aucun objet qui nécessiterait une telle alimentation...
- Exact. De cela, on peut en déduire deux choses. La première, c'est que nos sympathiques fuyards aiment utiliser du matériel industriel sans aucune finalité. Pour la beauté du geste dirais-je. Et la seconde ...
- Un photo-canon, mon commandant, coupa d'une voix atone Lijt. Un photo-canon ou bien une très grosse unité informatique. Un serveur quantique à coeur instable, ou quelque chose dans le même genre ...
- Vous êtes vifs, Litj. Je crois que je ne me suis pas trop trompé à votre égard.
- C'est trop d'honneur, balbutia le soldat.
- Les honneurs attendront, trancha le commandant Flinn.

Il reprit la marche au pied de la pente, et suivant les câbles du coin de l'oeil, finit par trouver l'entrée de ce qui semblait être une grotte. Une humidité poisseuse s'en dégageait, l'officier grimaça.

- Lumière, soldat ?

L’intéressé s'empressa de sortir de son armure une torche intégrée qui éclaira les méplats, les angles et les trous de la cavité où il venait de pénétrer. Une odeur de souffre lui brûla les narines.

- Une puanteur, murmura-t-il. Comment est-ce que ...
- Des gaz peut-être. La région est géologiquement active. Il peut très bien s'agir d'un volcan en dormance ou que sais-je encore... Soyez vigilants.

Sur ces mots, le commandant rabattit son casque. Lijt en fit de même. Dans un silence de cathédrales, ils marchèrent pendant un temps qui parut interminable au soldat. Lorsqu'une lueur apparut au fond du boyau, il aurait juré qu'ils avaient quittés la jungle depuis des heures.

- Lancez une analyse thermique, suggéra le commandant d'une voix métallique. Lijt reconnut le micro de sous-vocalisation. Il n'en comprenait pas encore très bien le fonctionnement, mais il parvenait à l'utiliser.

- Analyse lancée, mon commandant.
- Parfait, soldat. Informez moi des résultats dès que vous les aurez.

Le commandant poursuivit sa marche. Lijt ne comprit pas immédiatement ce qu'il tentait de faire.

- Mon commandant, que ...
- Vous restez ici. J'avance un peu plus loin.
- Mais, mon commandant, les protocoles militaires standards déconseillent de ...
- Serait-ce de l'insubordination, soldat ?

Si Litj avait eu une peau semblable à celle des Hommes, il en aurait blêmit.

- Non, bien sûr que non mon commandant, jamais je ne me permettrai un tel affront...
- Je préfère ça.

Le ton sec convainquit Litj de se taire. Le silence se fit plus pesant à mesure que le commandant s'éloignait. La clarté de sa torche découpait des formes fantaisistes sur les parois de la grotte. Là où il était Litj, certains couloirs souterrains avaient le même aspect dentelé, la même masse, et dégageaient le même sentiment de mystère. Une vague nostalgie étreignit le soldat. Alioth lui manquait parfois, quand ces petits rien découverts aux hasards de ses pas convoquaient en lui des souvenirs lointains, des promesses d'enfants enfouies dans les sables de son passé. La radio grésilla. Le signal - très mauvais - incita le soldat à modifier la fréquence pré-établi. Au bout de quelques seconde,s l'écho froid et métallique de la voix du commandant crachotait ses notes dans ses oreilles comme un parfum glacé et solitaire.

- ... réception très mauvaise, Litj. Me recevez-vous ? A vous.
- J'ai basculé sur un canal auxiliaire de secours, mon commandant. Réception en qualité standard. A vous.

Il y eut l'ombre d'un rire dans le ton de la voix de Flinn. Litj le devinait heureux, cela le réconforta.

- Soldat, vous avez bien de la chance de m'avoir accompagné. Je suis tombé sur un véritable trésor. A vous.
- Un trésor mon commandant ? Vous avez retrouvé quelque chose d'intéressant ? Une source d'énergie digne de ce nom ? A vous.
- Vous allez me rejoindre, Litj. J'ai laissé une trace virtuelle de mon passage. Vous n'aurez qu'à régler votre aug' sur ma fréquence habituelle.
- Je vous rejoins tout de suite. Terminé.
- Terminé.

Un trésor ? La curiosité du soldat s'aiguisa d'autant que le commandant était resté très obscure sur la nature de ce qu'il avait découvert. Il eut beau chercher, il ne parvint pas à trouver ce qui pouvait ravir à un tel point l'officier. Au cours de sa carrière, il avait déjà du croiser bon nombre d'objets insolites, peut-être même de véritables reliques des temps pré-confédérés. Des objets de hautes valeurs pécuniaires mais sans aucun intérêt techniques ... Et la planète où ils se trouvaient actuellement n'était pas colonisé depuis plus d'une décennie. Aucun artefact ancien, aucune relique... "C'est étrange" songea Litj. Il pressa davantage le pas. La trace virtuelle du passage du commandant Flinn se matérialisait sur son champ visuel par l'intermédiaire de son aug', dessinant un vague trait aux couleurs éclatantes. On lui avait remis le précieux objet en forme de grosse lentille entourée de divers composants métalliques lors de son arrivée au sein de la Confédération, voilà plusieurs années. Il attachait beaucoup d'importance à ce maigre objet. Tous les militaires qui n'étaient pas eux même des cyborgs en possédaient uns. Certains allaient même jusqu'à dire que tout le génie de la Confédération et de ses serviteurs résidait dans cet ordinateur embarqué. Lijt n'avait pas compris la subtilité de la remarque jusqu'à ce que vivre sans cet aug' lui devienne proprement impossible. Et sans cet aug', dans la situation où il évoluait ... Il ne préférait même pas y penser.

- Je vous ai en visuel, Litj.

Il sursauta. Il ne discernait aucune lumière.

- Mon commandant ?
- Passez en infrarouge et coupez moi cette foutue torche. Elle ne servira à rien ici.

Le soldat s’exécuta. Les formes de la caverne changèrent. Son oeil droit, livré à l'obscurité, ne discernait plus grand chose. Mais son oeil gauche, collé à l'optique de l'aug', distinguait une foule de détails. Les lignes de la cavité se contorsionnait en de savantes striures. La terre avait été creusé à cette endroit. Et toutes les lignes semblaient converger vers un seul point de fuite, auprès duquel se tenait le commandant Flinn. A moins d'un mètre de l'officier, un cube d'une vingtaine de centimètre de section lévitait et tourbillonnant paresseusement. Il se dégageait une faible chaleur de l'objet.

- Un travail d'orfèvre, murmura Flinn.

Litj s'approcha avec précaution.

- Vous savez ce que c'est ?
- Je ne pensais pas en voir un dans son environnement d'origine ... Un cube alien ...
- Un cube alien ?

Personne n'aurait pu distinguer Litj, mais son visage affichait une moue étrange. Il hésitait entre le dédain et la curiosité.

- On a déjà ramassé une dizaine de ces artefacts sur divers monde. Ils n'ont aucune origine humaine connue. C'est un dossier assez confidentiel, vu que personne ne comprend ce que sont ces cubes ni à quoi ils pourraient nous être utiles.
- Il faudra le ramener ?
- Très certainement. ET je ne comprend pas pourquoi les rebelles ne l'ont pas emporté... Peut-être ne l'ont-ils pas vu ? Les câbles bifurquaient vers la gauche peu après la position où vous vous teniez, Litj. Vous avez remarqué ?
- Eh bien, mon commandant, je n'ai fait qu'écouter vos consignes, et je n'ai pas spécialement prêté attention à ...
- Je ne vous ai pas demandé si vous aviez exploré l'autre couloir, Litj.
L’intéressé ne répondit pas.
- Nous balisons l'emplacement, une équipe s'occupera de récupérer l'artefact. Nous n'avons pas le matériel nécessaire avec nous.
- Et les major cybernaticus ?
- Même eux ne pourraient pas.

Litj réprima un frisson. Il vouait un grand respect à ces hommes qui semblaient plus proches de leurs machines que des hommes de la compagnie. Ils vivaient entre eux, ne parlaient presque jamais, mais leur savoir était essentiel au bon fonctionnement de la technologie que convoyait les militaires avec eux. Il était d'usage d'affirmer que les cybernautes avaient réponses à toutes les problématiques techniques, et que si eux ne trouvaient pas de solutions, c'était qu'il n'en existait pas.

Le commandant s'affaira quelques minutes autour du cube. Il dépose trois petites balaises de positionnement en forme de tétraèdres, qui bourdonnèrent en s'activant. Litj effectua les branchement et synchronisa l'ensemble sur la fréquence adéquat. Même ici sous terre, le croiseur qui orbitait autour de la planète détecterait le chant des ondes caractéristiques d'une balise signalée pour un cube. Et les officiers à son bord s'occuperaient du nécessaire pour envoyer le cube vers la Terre.

- Un problème qui ne nous concerne plus, s'amusa Flinn.
- Et que faisons-nous à présent ?
- Le couloir, Litj ... Il faut savoir ce qui alimente ces maudits câblages.

Le commandant conseilla à son subalterne de rallumer la torche. Lui-même avait activé les senseurs infrarouges dissimulés dans son armure, et ne distinguait pas de forme de vie digne de ce nom. Le couloir courrait sur une centaine de mètre, morne et rectiligne. Flinn ne comprenait pas l’intérêt d'une telle construction si loin dans le sol. Et pourquoi diable les rebelles avaient-ils construits un cabanon en pleine forte plutôt que de se réfugier ici ? Ça n'avait aucun sens... Ils auraient pû survivre des semaines dans ces boyaux sans être repérés, pour peu qu'ils n'aient pas abusé de sources d'émissions de chaleurs trop puissantes. Mais lorsqu'il arriva au bout de la longue rectitude des murs, et qu'un coude envoya son chemin vers une pièce carrée d'où provenait de sinistres complaintes, Flinn comprit que les rebelles n'étaient pas aussi désorganisés qu'il n'y paraissait.


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