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Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)


Par : Conan
Genre : Action, Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 4


Publié le 03/11/2013 à 03:11:32 par Conan

En une poignée de secondes, toute la troupe disparaît dans la végétation de la vallée. Paul se retrouve seul, à nouveau, et les quelques minutes qu'il a passées en compagnie d'autres êtres humains lui manquent déjà terriblement, au point qu'il eut aimé que ces soldats restent ici pour quelques heures, qu'ils reposent leurs corps et leurs esprits, qu'ils trouvent un peu de répit avant de se remettre en marche pour le chaos. Tout en retournant dans la cuisine, il jette un œil à la vieille pendule accrochée au-dessus de la porte, qui affiche quatre heures moins dix. La température commence à se rafraîchir, et Paul enfile un pull en laine aussi vert que les arbres qui entourent sa maison, et aussi décrépit que sa demeure, puis il s'assoit dans le vieux fauteuil en cuir, celui qu'il a toujours connu, celui sur lequel son grand père s'asseyait, à l'époque où l'on parlait encore de paix, d'ouverture avec l'Est. La guerre est arrivée rapide, brutale, à une époque où son âge ne lui permettait pas de comprendre, et a aspiré dans ses entrailles tous les hommes du pays. A l'école, les instituteurs faisaient chanter des chansons patriotiques et anticommunistes chaque matin, après la morale du jour, qui était revenue à la mode, et tous les 11 novembre, et tous les 8 mai, on célébrait la victoire sur l'envahisseur, sur l'ennemi venu de l'Est. ''Celui-ci est plus barbare, plus sauvage, plus perfide que tous ceux que notre pays a eu à repousser jusqu'à présent. C'est une lutte, une lutte à mort mes enfants !'' Se plaisait à répéter son professeur, tandis que lui-même n'avait jamais vu le moindre uniforme de sa vie, qu'il fut Soviétique ou Français. Paul ressasse ces quelques souvenirs qui lui viennent encore en sirotant un verre de gnôle dont il sort le litron pour les grandes occasions. Ce soir, ce sera certainement la dernière nuit qu'il passe dans cette maison. Après demain, il sera mort.

''Arrête donc de te plaindre, Lapeyre !''
Lorsqu'il est agacé après l'un de ses hommes, la voix du capitaine résonne comme une sanction aux oreilles de ses soldats qui savent qu'ils sont maintenant en sursis. Ils l'avaient déjà bien compris pendant leurs classes où cet officier que tous craignaient autant qu'ils le respectaient fascinait les nouveaux engagés comme les soldats les plus aguerris. De nombreuses rumeurs, des histoires infondées pour la plupart, circulaient sur celui qui était la légende vivante du 117ème d'infanterie. A commencer par son uniforme, dont tout le monde avait sa petite histoire quant à son origine.
''Reçu, mon capitaine !'' Rétorque le jeune Lapeyre, soufflant et suffocant.

La pente que gravissent ces hommes est abrupte. Voilà bientôt une heure qu'ils ont attaqué la montée, chargés de leurs sacs et de leurs musettes remplis de vivres, de munitions, de changes ou de matériels en tout genre.
''Allez, ne vous laissez pas crever !'' adresse encore l'officier à sa troupe au sein de laquelle des écarts se creusent entre les hommes qui essayent tant bien que mal de maintenir une colonne propre. Mais même l'adjudant-chef, qui court en faisant des aller-retours, ouvrant et fermant la marche, tout rouge et transpirant, ne parvient pas à remotiver les soldats épuisés.
''Arrête de me faire l'accordéon, et raccroche !'' s'énerve-t-il contre Lapeyre, littéralement écrasé, courbé en deux sous le poids de son sac. L'adjudant-chef le talonne, comme un chien de berger mordrait les mollets du dernier mouton du troupeau pour qu'il reste dans le groupe.

Le sommet de la colline arrive enfin. Encore un dernier effort, et ils y sont. On a tant de fois vanté la beauté des volcans d’Auvergne et le panorama qu'offre le plateau de Gergovie à Louis qu'il s'empresse subitement de terminer l'escapade, quitte à finir cette foutue montée au pas de course.
Mais, lorsque les hommes épuisés arrivent en haut de la maudite colline, le paysage qui s'offre à eux est tout autre que les contrées verdoyantes qu'on voit parfois sur les cartes postales.

L'horizon, jusqu'à sa plus lointaine limite, est totalement et parfaitement lunaire. Le temps semble s'être figé, et l'on croirait sans peine que ces volcans fussent entrés en activité quelques jours à peine avant l'arrivée de la troupe. Pas une seule brindille, pas un seul carré d'herbe n'a été épargné par les toxiques. Toutes les plantes, toute la faune ont crevé sous le nuage chimique. Tout est gris, et même la terre est recouverte d'une pellicule de neige poussiéreuse, tandis qu'une fine brume flotte et masque le sommet de certains des plus hauts volcans.
''On est entrés en zone contaminée. Tout le monde met ses masques.'' dit simplement Berger, sans se retourner tant il est fasciné et horrifié par la scène chaotique qui s'offre à lui. Les soldats les plus croyants effectuent un signe de croix avant de sortir les appareils de protection des sacoches attachées à leurs ceinturons et de les enfiler sur leurs visages.
''C'est l'apocalypse.'' murmure l'adjudant-chef en se portant à la droite du capitaine.
-Mais non, voyons. Lors du Jugement Dernier, il y a encore de la vie sur Terre. Répond cyniquement Berger en plaquant à son tour son masque à gaz sur son nez.
''Cinq minutes de pause !'' Reprend-t-il, en se retournant cette fois vers ses soldats, la voix transformée par le dispositif intégré au masque. Une voix rocailleuse, robotique. Une voix froide et inhumaine, et les dizaines de paires d'oculaires qui le fixent de leurs deux gros yeux ronds et vitreux acquiescent tous ensemble d'un lent signe de la tête.


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