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Quand Viendra l'An Mille après l'An Mille (Vae Victis)


Par : Conan
Genre : Action, Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 8


Publié le 23/11/2013 à 21:55:03 par Conan

Rapidement, les corps sont alignés et fouillés un par un. Leurs armes, leurs vivres et leurs munitions sont récupérées, les abris sont passés au peigne fin, tout est nettoyé, rangé. Les soldats récupèrent les plaques d'identification de leurs camarades tandis que le capitaine répertorie les cartes d'identité des bandits abattus, pour ceux qui en ont une. Il est dérangé dans son ouvrage par Nolet, qui lui tend une petite poche de toile, bruissant lorsqu'il la remue.
-Tenez mon capitaine. Les plaques de tous les gars. Y'en a quinze.
Berger récupère la sinistre sacoche. Des gouttes de sang perlent à travers le tissu.

Tous les cadavres sont alignés, les uns à coté des autres, en deux rangées respectives pour les militaires et leurs assaillants. trente-deux corps inertes, pour certains mutilés, comme ce pauvre Berthelot qui ruisselle encore de liquide de vie, ou le jeune Lapeyre, dont la grenade sur laquelle il a sauté lui a arraché la jambe jusqu'à la cuisse.
Ayant de la chance dans leur malheur, tous les blessés que compte la compagnie sont légèrement atteints et transportables.
''Dans le pire, garde le meilleur'' Pense Louis.

Quelques mètres en contrebas bas, seul, Bernac marche, contemplant religieusement toutes les stigmates laissées par la bataille. Certains cratères de grenade fument encore, et sans son masque, il est quasiment certain qu'il pourrait sentir l'odeur âcre de la poudre, et celle cuivrée du sang flotter dans l'air.
En descendant la pente, il constate qu'un corps a été oublié. Tout de noir vêtue, la victime est allongée sur le ventre, la capuche de son manteau lui couvrant la tête. Avec son pied, il retourne le macchabée. Il reconnaît alors le mitrailleur qu'il a abattu un peu plus tôt. Il enlève son masque, et constate le triste état de son visage après avoir été traversé par une balle de huit millimètres.
''Au moins, il n'aura pas souffert.'' Tente-t-il de se consoler.
Il ouvre son manteau sali par la terre et fouille ses poches, en sortant un petit portefeuille qu'il déplie. A l'intérieur, quelques pièces de monnaie, et une photo en noir et blanc. Dessus, l'homme qu'il devait être avant, blond, le regard franc, à côté d'une fille souriante, aux cheveux noirs coupés au carré, avec pour cadre un jardin, ou un parc. Deux jeunes gens pleins de vie. Pleins d'espoir et d'avenir. Deux vies balayées. S'imaginaient-ils un tel destin lorsqu'ils ont pris cette photo ? Ce devait-être une de ces chaudes après-midi d'été. On parlait alors de paix, de négociations. Le pire semblait derrière. Il faudrait reconstruire, certes, mais ensemble. La fraternité, la réconciliation. Des mots qui n'existent plus aujourd'hui. Paul retourne la photo et lit la date : 24/07/1992. Deux ans seulement. A cette époque, même lui s'était mis à en rêver, de cette paix. Il y avait du monde qui passait devant chez lui. Des gens qui travaillaient. Petit à petit, on réapprenait à vivre avec le passé. Tous les hommes avaient servi sur le front, et toutes les femmes connaissaient le poids de la guerre sur les familles. Puis il a fallu que ça se brise, encore, comme en 76. Et les hommes sont repartis sans jamais revenir. Les dissidents ont pris le chemin des forêts et des montagnes, pour y installer des zones de non-droit, comme ici. Mais pourquoi s'attaquer à des militaires ? Pourquoi accabler plus encore ces hommes qui doivent subir déjà le fardeau de la guerre et de l'éloignement des siens ? Parce qu'ils sont les derniers à représenter l'autorité de l’État ? Parce que cette armée est le dernier pilier ? Non pas contre le Bolchevisme, mais contre l'anarchie tout simplement? Les grands décideurs, eux, ne se feront jamais tirer dessus. Ceux qui déclarent les guerres ne sont jamais ceux qui les font. Plus aujourd'hui, en tout cas.

Bernac est tiré de ses pensées par deux soldats qui descendent vers lui. ''Tiens, on en a oublié un là.'' Dit simplement l'un d'eux avant qu'ils n'attrapent le cadavre par les chevilles et ne le traînent jusqu'au sommet de la colline pour mettre ce paquet avec les autres, bien rangé, bien aligné. Alors il les suit, la tête baissée, jusqu'à retrouver Berger, contemplant ses hommes inertes.

Leurs masques ont été retirés, les filtres récupérés, et les yeux ont été fermés. Louis contemple l'un d'entre-eux. L'adjudant-chef. Sa chemise a un trou autours duquel s'est étalé une tâche brune.
-Vous voyez, Bernac, je crois que je viens de perdre mon meilleur ami. Dit-il, sentant que Paul est derrière lui, et le fixe du regard.
-J'en suis désolé.
-Ho, vous n'avez pas à être désolé. Vous n'y êtes pour rien. C'était peut-être le plus grand gueulard qu'il m'ait été donné de connaître, et croyez-moi que j'en ai connu. Mais c'était aussi un sacré type, et le gaillard le plus solide de tous ceux que l'armée a en durs à cuire. C'est lui qui m'a tout appris quand je suis arrivé au régiment encore jeune lieutenant. Il m'en a fait baver, et je l'ai haï pour ça. Mais tout le monde ne peut pas se vanter d'avoir eu l'honneur de commander un homme de cette trempe. Mais je me console en me disant qu'il est mort comme il l'aurait souhaité : dans le fracas du combat et l'arme à la main. Frappé en plein cœur au plus fort de la bataille.
Le capitaine s'agenouille alors près de son ami et récite une prière inaudible, avant de sortir un chapelet de son col et d'en embrasser le crucifix.
-Allons, il faut y aller maintenant. Dit-il en se relevant.
-Je vous suit. Conclut Bernac.


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