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Qui ose peindre les roses en rouge ?


Par : Loiseau
Genre : Fantastique, Réaliste
Statut : Terminée



Chapitre 4


Publié le 03/05/2014 à 23:58:16 par Loiseau

J’appuie sur la poignée et la porte s’ouvre en grinçant. Au rez-de-chaussée des voix et de la musique se font entendre. La Reine semble avoir organisée une grande réception pendant notre petit somme. Juste en face de nous, un bonhomme presque plus large que haut (et pourtant de grande taille) danse joyeusement, une coupe de vin rouge à la main. Ses petits yeux noirs brillent au milieu de son gros visage pâle et tâché de pourpre. Son volumineux croupion déborde de son pantalon en tweed verdâtre et sa chemise blanche n’est plus en mesure de retenir son imposante panse. Il dandine son gras d’avant en arrière au rythme (ou presque) de la musique. Son regard porco-bovin se braque sur mon Alice et un sourire lui tord le bec.


-Bonsoir belle enfant.

-Bonsoir monsieur.


J’observe avec attention l’obèse volatile et ses œillades visqueuses. Une envie de devenir soudain invisible m’assaille et j’ôte une à une mes rayures jusqu’à en être translucide. Alice a remarqué ma disparition mais pas le gros oiseau. Lui se contente de se gratter le goitre et d’engloutir son vin.


-Eh bien, je ne crois pas vous avoir vue à la soirée. Où te cachais-tu, petite colombe ?

-Je ne me cachais pas monsieur, ma mère m’a envoyée dans ma chambre…

-Quelle sage maman ! Elle sait que la meilleure place pour les belles oiselles de ton espèce est dans une chambre ! Dans la chaleur d’un nid douillet à gober des vers !

-Vous avez un chat au-dessus de la tête !

-Pas encore, pas encore…


Je lâche un lourd samovar sur le crâne chauve du gros piaf piaillant et il s’effondre pesamment sur le parquet poli. Quelle flasque créature il fait !


-Chat ! Ce n’est pas bien ! La Reine va m’en vouloir !

-Mais tu n’es responsable en rien ma chère…


Alice fait la moue et s’assied à même le sol, boudeuse. Un ronflement sonore s’échappe de la masse étalée au sol. Je me glisse dans son dos, ne laissant visible que ma tête souriante. Une patte transparente se pose sur l’épaule de la douce enfant. Mon odorat félin s’enivre de l’odeur de neige fraiche et de thé noir qui émane de sa chevelure. Ses yeux presqu’aussi verts que les miens mais à la pupille aussi ronde que ses seins me regardent en coin. L’emmener loin d’ici…


-Ne t’en fais pas. Si tu suis le Lapin Blanc tu seras en sécurité.

-Mais qui est le Lapin Blanc, Chat ?

-Le voici, le voilà ! Vois-là-bas !


Du bout de la queue j’indique à ma protégée le bout du couloir où se tient une jolie petite femme (du moins selon les critères humains, moi je n’aime qu’Alice et même les plus belles fleurs paraissent fanées face à sa fraicheur juvénile). Elle porte une robe blanche, plus blanche que cette neige que respirent certains clients fortunés du Pays des Merveilles, et son visage chaleureux inspire confiance. Elle tend la main vers Alice qui se redresse immédiatement et s’approche de la jeune femme, à la fois émerveillé et curieuse. Une douce musique vibre dans mon cœur et je nous vois déjà, mon Alice et son cher Dinah (moi, le Chat), sur les rives du Canada ou dans les déserts d’Afrique. Où que nous allions je serais heureux. En bas la fête se poursuit dans l’allégresse insouciante des perversions adultes.


Je remarque une chenille sur une poutre. C’est une grosse chenille bleue (de l’exacte couleur des graines de l’arbre du voyageur) au regard triste (pour autant qu’une chenille puisse avoir une expression faciale marquée (non pas qu’elles ne ressentent rien, mais c’est une espèce fière qui ne laisse guère transparaître ses émotions)). Elle avance péniblement avec le poids du monde entier sur ses multiples épaules (toujours une métaphore), tentant sans doute d’atteindre un coin abrité pour y coconner en paix. Sentant probablement mon regard sur elle, la chenille lève les yeux (ou les baissent, dans la mesure où elle a la tête à l’envers (à moins que ce ne soit à l’endroit) et que tout n’est donc qu’une affaire de point de vue) et crache un large rond de fumée dans ma direction.

Alice a presque rejoint le Lapin Blanc.

Une note sonne faux sur le piano en bas et un homme pousse un rire aigu.

La fumée atteint mes narines.



Le monde bascule. (cette fois-ci ce n’est pas une métaphore)


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