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Les Fantômes Peuvent Mourir


Par : BaliBalo
Genre : Polar, Réaliste
Statut : C'est compliqué



Chapitre 4


Publié le 25/11/2012 à 17:18:21 par BaliBalo

Barrais était en poste depuis deux heures du matin et il enchaînait les cafés pour rester éveillé. La formation de la veille l’avait épuisé. Constituée d’exercices physiques et de cours soporifique sur les différentes techniques d’interrogatoire, cette journée d’entraînement avait pour but de perfectionner les jeunes recrues par l’expérience des aînés. C’est pourquoi, alors que Barrais, harassé, était enfin rentré chez lui aux alentours de dix-huit heures, il avait été terriblement heureux de retrouver son lit et de se blottir sous la couette après un maigre repas et une douche de circonstance. Ainsi, vers une heure du matin, lorsque le téléphone de Barrais sonna, celui-ci ne s’était pas retenu pour pester allègrement contre le bousilleur de nuit. Il décrocha, la voix encore engourdie par le sommeil, et entendit la voix du policier de garde qui lui apprit qu’on venait de lui signaler un meurtre à l’angle du boulevard Raspail et de la rue Léopold Robert. En entendant cette adresse, Barrais bondit sur ses pieds et hurla pratiquement au policier de l’attendre au poste.

Il était un peu moins de deux heures lorsque le lieutenant Barrais pénétra dans le poste de police du 14ème arrondissement. Le commissaire Gérard Planchet était déjà présent et avait pris connaissance des premiers détails. A l’arrivée de Barrais, le commissaire leva les yeux et lui sourit largement, l’invitant à approcher. Le jeune lieutenant considérait Planchet comme son mentor. C’était un vieux commissaire encore fin limier qui avait pris Barrais en affection, reconnu son talent et lui avait accordé sa confiance, de ce fait, les deux hommes formaient une équipe efficace et complémentaire. En effet, Planchet aurait déjà dû rendre les armes pour profiter de sa retraite bien méritée, mais il refusait obstinément de céder sa place. Cela dit, il restait un très bon enquêteur juste et intelligent. Malheureusement, ce talent était gâché par le fait qu’il ne pouvait pas toujours se déplacer à sa guise à cause d’une vieille blessure à l’aine : lors de l’interpellation d’un suspect réticent vingt-cinq ans auparavant, le délinquant avait dégainé un canif alors que Planchet tentait de le maîtriser et avait planté la lame jusqu’à la garde dans l’aine du commissaire. Depuis, Planchet avait des difficultés à se déplacer et évitait le terrain. Il avait en plus hérité d’une certaine incontinence mais ne l’avouait pour rien au monde, « Il n’y a que les femmes qui ne savent pas se retenir de pisser ! » disait-il. Ainsi, Planchet envoyait souvent Barrais sur le terrain à sa place car il le jugeait suffisamment doué pour l’analyse de terrain et digne de confiance car il avait fait son service militaire « Et de nos jour on sait que ceux qui font leur service sont des hommes droits qui aiment la Patrie. » disait encore Planchet. Barrais n’avait beau être qu’un simple lieutenant, sa relation avec le commissaire le propulsait à un rang égal et chacun savait qu’il lui succèderait. Evidemment, cela attisait certaines jalousies mais le jeune lieutenant les ignorait, sachant qu’il ne pouvait pas toujours répondre du fait de la hiérarchie. Barrais rendit son sourire au vieux commissaire et vint se placer à ses côtés.

« Alors commissaire ? engagea-t-il, pouvez-vous me donner quelques détails ?
— Un meurtre, pas beau à voir à vrai dire. La femme a été égorgée comme un cochon, une vraie boucherie, ajouta Planchet un sourire espiègle étirant sa bouche, Valentine Bertau-Jeannet, cinquante-huit ans. Un nom intéressant.
— Evidemment, Bertau… un nom qui suscite bien des convoitises. Cependant, seuls les enfants Bertau travaillent à leur propre compagnie, notre victime est trop âgée pour faire partie des dirigeants.
— Certes, Barrais, certes, approuva Planchet, mais cette piste n’est pas à négliger, nous y reviendrons plus tard. J’ai envoyé le médecin légiste et quelques hommes sur les lieux. Nous ferions bien de les rejoindre. »

En vérité, la rue Léopold Robert était à la limite du 14ème arrondissement et assez éloignée du poste. Les deux hommes durent s’y rendre en voiture et Planchet ne put s’empêcher de sourire à la vue de la Bertaus-1 du lieutenant. Celui-ci ne doutait pas que la victime était la mère disparue des quatre fameux dirigeants de l’entreprise française la plus florissante. Mais il garda le silence car ce qu’il craignait plus, c’était que l’un des quatre ai effectivement commis le crime. Line pouvait tout à fait avoir tué sa mère, Barrais était le mieux placé pour savoir la haine que nourrissait la jeune femme à l’égard de cette mère indigne. Sentiment qu’elle était capable de cacher, d’enfouir si profondément qu’elle-même pouvait l’oublier. En revanche, si elle s’était rendue à l’adresse qu’il lui avait fournie la haine avait tout à fait pu ressurgir. Mais si Line avait effectivement assassiné sa mère, il serait difficile de le lui faire avouer : la jeune PDG ne l’était pas pour rien, elle était intelligente et ne se laisserait pas avoir facilement. Partant de là, Barrais pouvait supposer que les quatre Bertau étaient de la même trempe et que chacun saurait se défendre, un souci qui pourrait bien ralentir l’enquête. Le lieutenant réfléchissait tout en conduisant et Planchet du le rappeler à l’ordre alors qu’il allait dépasser le restaurant créole. Celui-ci était toujours allumé et quelques policiers s’y affairaient. Barrais suivit Planchet qui poussa la porte du restaurant et lança à la cantonade :

« Des acras de morue garçon ! Et plus vite que ça ! »

Les policiers se tournèrent vers lui, émirent un bref sourire accompagné d’un salut de circonstance puis s’en retournèrent à leur tâche tandis que le médecin légiste s’approchait des nouveaux arrivants. Visiblement, ils étaient attendus.

« Le corps est là-haut. Avez-vous pris connaissance des premiers détails ?
— Certainement, affirma Planchet, mais veuillez nous faire un rapport détaillé pendant que nous vous suivons jusqu’au lieu du crime, je vous prie. »

Tout en menant les deux hommes à l’appartement de Valentine Bertau-Jeannet, le médecin leur exposa les faits. La femme avait été égorgée par une lame fine et terriblement aiguisée, un scalpel ou une dague d’orfèvre. D’autre part, le meurtrier avait tailladé le visage de sa victime, le rendant presque méconnaissable. Le médecin ne pouvait d’ailleurs pas certifier qu’il s’agissait de Valentine Bertau-Jeannet, mais étant donné que le meurtre avait eu lieu dans son appartement, il était presque certain qu’il s’agissait d’elle. D’après le médecin, l’assassinat avait eu lieu en soirée, peu après 22 heures. Une heure peu accoutumée pour les tueurs. L’équipe scientifique était en ce moment à la recherche d’empreintes. Pour Barrais, il était évident que les policiers ne trouveraient aucune empreinte, l’usage d’une arme aussi spécifique qu’un scalpel ou autre arme aiguisée avec minutie suggérait la préméditation et donc l’usage de prudence. Par conséquent : le tueur ou la tueuse, il n’excluait pas la possibilité que Line ai fait le coup, avait évité de laisser des empreintes. Le médecin achevait son rapport alors que les trois hommes entamaient de monter le dernier escalier. Planchet s’arrêta pour souffler et s’appuya sur sa jambe valide soulageant ainsi l’autre, un peu raide. Barrais et le médecin ne firent aucun commentaire, conscients que cette infirmité blessait sans arrêt le commissaire dans son amour propre.

La lourde porte de bois de l’appartement était grande ouverte et l’on y apercevait l’effervescence qui régnait. Les policiers scientifiques allaient et venaient, à la fois rapides et minutieux, restant le plus discrets possible par respect du voisinage et par souci d’éviter le scandale. L’activité semblait se concentrer dans une salle à gauche du corridor d’entrée. Lorsque Planchet eut repris son souffle, les trois hommes pénétrèrent sur les lieux du crime, entrèrent effectivement dans la pièce de gauche et découvrirent enfin le cadavre. C’était comme Planchet l’avait dit : une boucherie. Le corps de la femme se tordait dans une position inhumaine, baignant dans le sang qui inondait le tapis oriental et sa figure exprimait une terrible souffrance malgré les stries sanglante qui le barraient, le rendant méconnaissable. Le légiste expliqua que la blessure à la gorge n’était pas profonde, la victime était probablement en train d’agoniser, se noyant dans sa propre hémoglobine, au moment où son assassin lui charcutait le visage. Ce détail expliquait la position désarticulée de la morte et son expression si terrible : elle avait eu le temps de voir la mort venir, d’en avoir peur et de se débattre, souffrant le martyr à chaque mouvement.

Alors que Planchet se penchait sur le corps et ordonnait au photographe de prendre tel ou tel cliché plus précis, Barrais se détourna et s’adonna à l’inspection des lieux. Plutôt que de se concentrer sur le salon ou gisait le corps, il s’éloigna de la scène du crime et inspecta le reste de l’appartement. Il commença par la cuisine, s’assurant qu’aucune preuve évidente ne s’y cachait : un crochet à couteau vide, des traces de lutte… Tout était à prendre en compte. Mais rien, visiblement, n’avait été touché : la cuisine était en ordre si ce n’était les restes d’un plat de purée de carotte qui trônait sur le plan de travail. Barrais ouvrit le lave-vaisselle, à tout hasard et y remarqua deux assiettes encore tachées de purée de carotte. Sans attendre, le lieutenant passa à l’examen de la salle de bain, deux agents s’y trouvaient déjà et la pièce exigüe ne permettait pas à Barrais d’effectuer une recherche minutieuse. Il laissa donc les deux agents de la Police Scientifique faire leur boulot et entra dans la chambre à coucher de la défunte. Les rideaux tirés conféraient une certaine étroitesse à la pièce déjà encombrée de paperasse et d’un lit au bois exotique. Barrais alluma la lumière du petit secrétaire et se concentra sur la pièce. Trier tous les papiers qui jonchaient autant le sol que le bureau lui prendrait des heures, c’est pourquoi il ne s’attarda pas dessus, remarquant simplement que dans le désordre apparent les feuilles volantes étaient empilées et classées. Barrais ouvrit alors les tiroirs du secrétaire. L’un était rempli de paperasses tandis que l’autre renfermait les bijoux de la dame. Il les referma et s’apprêtait à partir lorsqu’il sentit quelque chose sous son pied. Se baissant, il ramassa l’objet. Il s’agissait là d’une chaînette argentée de mauvaise facture agrémentée d’un minuscule pendentif aux reflets cyan. Ce n’était pas la valeur du bijou qui intriguait le lieutenant mais plutôt ce qu’il faisait par terre. Les femmes, d’autant plus les parisiennes, prenaient soin de ce genre d’objet et les rangeaient. Alors pourquoi celui-ci ne se trouvait pas avec les autres, dans le petit tiroir du secrétaire ? Autre chose perturbait Barrais : il était persuadé d’avoir déjà vu ce collier auparavant. Où et quand ? Cela restait flou.

Par intuition, il empocha l’objet, se promettant de réfléchir à son sujet plus tard et rejoignit Planchet dans le salon, toujours en train d’étudier le cadavre et d’écouter les rapports des différents agents. Barrais se plaça à droite de son supérieur et fit mine de s’intéresser au rapport de l’agent. Quelques minutes plus tard, Planchet annonça qu’ils retournaient au poste pour faire le point. De son côté, Barrais avait élaboré quelques hypothèses qui ne lui plaisaient guère, principalement parce qu’elles inculpaient Line ou sa famille. Cependant, il fallait se rendre à l’évidence : les quatre Bertau étaient les suspects parfaits.


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