Noelfic est temporairement en accès limité.
Envie de discuter en attendant ?
Accédez au SkyChat
Note de la fic : :noel: :noel: :noel: :noel:

UV 2.0


Par : Conan
Genre : Science-Fiction
Statut : Terminée



Chapitre 1 : L'île.


Publié le 04/11/2012 à 15:22:48 par Conan

« U V, Deux, point, Zéro. Tous les voyageurs, sont invités à descendre. »
La voix de femme informatisée me tire de mon sommeil. Je regarde autours de moi. Les portes du wagon de verre s'ouvrent en grand. Je me lève de mon siège, comme la centaine de jeunes de ce train. Ce train sans arrêt, ce train direct, entre Paris et UV 2.0.

Je sors de la rame. Me voilà au beau milieu d'une gare ultramoderne. Le toit en verre, à trente mètres du sol, est recouvert d'une ondine bleutée qui colore le grand hall.

La première fois que je suis entré dans cette gare sous-marine, j'en étais resté béat.

Je me dirige vers l'impressionnant escalator. Au bout, juste en face de l'entrée, une rangée de portiques et de systèmes de sécurité ultra-sophistiqués.

Je passe l'un des portiques. Il bipe. Un gorille, équipé de lunettes à rayon X et d'un détecteur de métaux, se dirige vers moi, et me sort de sa voix mécanique :
-Les armes sont interdites sur UV 2.0.
-Ce doit être mes clés.

Sans rien dire, il active ses lunettes. Et le voilà qui inspecte mon squelette de haut en bas. Au bout de vingt secondes d'identification, il se décale de mon chemin.
-Merci, et bienvenue sur UV 2.0.
Je ne sais même pas si il est humain.

C'est la seule et unique règle de l’île. Pas d'armes. Sous peine de tazage immédiat et d'une semaine dans la geôle de verre blindé, en plein milieu de la gare, à la vue de tous les autres voyageurs hilares et moqueurs.


Une semaine, jusqu'au prochain train. Le seul qui fasse l'aller-retour Paris-UV 2.0.

Je passe devant cette geôle, devant laquelle il y a foule. Un malin a essayé de faire passer une arme de poing en douce. La sanction est immédiate. Il est totalement tétanisé à cause de la décharge électrique et est traîné par deux gorilles tandis que la populace rit en lui jetant milk-shakes, canettes de soda ou lui crachant dessus, sous le regard froid de l'une des milliers de caméras de surveillance disposée sur l’île.

J'ai pas le temps pour ça. Je sors de la gare et continue ma route.

UV 2.0 était à la base une île au large de la Rochelle, rachetée par un milliardaire, un magnat de la télévision, propriétaire de la plus puissante chaîne de France et inventeur de la plupart des programmes de télé-réalité. UV 2.0 était sa dernière invention : Faire cohabiter dans une ville quasiment coupée de tout des milliers et des milliers de jeunes de 18 à 30 ans sans aucune règle. Sans loi.

L'île, quasiment déserte de toute vie humaine, fut rachetée une bouchée de pain à l’État Français en faillite.

L'endroit comportait déjà une petite bourgade vieille de 200 ans en bord de mer, abandonnée de tout. Le propriétaire a fait construire plusieurs dizaines de bâtiments autours, jusqu'à recouvrir totalement la petite île de béton. Et voilà maintenant une ville de 200 000 habitants, que les gens peuvent voir évoluer en direct depuis internet, en navigant entre les différentes caméras de surveillance disséminées sur chaque coin de l'île.
Tout ce qu'il y a à faire pour pouvoir venir habiter ici, c'est de réserver son billet de train et louer un appartement selon la durée de son séjour. Les revenus les plus modestes comme moi optent pour la vieille ville. Les plus riches préfèrent les immenses gratte-ciels.

Au début comme une sorte d'Ibiza 2 où de springbreak Américain, UV 2.0 était festive, délirante. Une île où se droguer et copuler en pleine rue n'était pas répréhensible. Une île où l'on n'avait aucune responsabilité. Un petit coin de Paradis sans politique, sans travail, sans impôts. Là où il n'y avait que des boites de nuit, des fast-food, de l'alcool, des petits culs et de la came. Le rêve de tout jeune moderne.

Mais au bout de quelques mois seulement, des caïds ont débarqué. Et pour les membres de la jeunesse dorée qui pensaient avoir trouvé leur Terre Promise, le rêve vira au cauchemar.

Racket, tabassages, viols. Les quartier sont tombés à feu et à sang. Tous ces fous furieux sont arrivés comme ça, d'un coup, en bloc, en bandes constituées. Les pillages furent organisés de façon spectaculaire. Et aujourd'hui, ces deux entités se partagent tant bien que mal l'île.

D'un côté, les riches et Blancs bourgeois, de l'autre, les Noirs et les Arabes, sortis de leurs banlieues pour goûter, eux aussi, aux plaisirs de la chair et de la décadence, réservés autrefois à cette élite richissime, et aujourd'hui à leur portée.

Au milieu de cette foule, je passe comme un étranger. Mon teint livide ne correspond pas à leur bronzage orangé. Mes vêtements sombres et durs vont à l'encontre de leurs chemisettes ou leurs polos. Mon crâne rasé à blanc est une insulte à leur chevelure abondante et brillante. Avec ma démarche d'homme de cro-magnon, je me dirige vers le vieux quartier situé près du port.

J'y retrouve là-bas mes deux camarades, au même style que le mien. Sombre, obscur, moyenâgeux.

Drake, notre chef, d'ascendance noble, aime à nous appeler les « Neo-Templiers ». Ses cheveux blonds et ses yeux bleus, il a une belle gueule. Mais son mysticisme le pousse à rester dans l'ombre.

Le troisième, Jarl, pourrait être un descendant de nain elfique. Petite masse trapue, courte sur patte, dont le cou fait trois fois le diamètre de la tête. Il est assez bas du front, mais est fidèle et entièrement dévoué à Drake. Contrairement à moi qui aime mon indépendance, il suit son maître partout, avec une réelle dévotion.

« Bien voyagé Blasi ? » me demande Drake en me serrant l'avant-bras.
-On n'peut mieux. Lui répondis-je en faisant le même geste.
Je salue Jarl.

-Alors, Drake, qu'est-ce que t'as prévu aujourd'hui ?
-On est sur le point de découvrir ce que cache cette île décadente. Ça se trouve ici même, dans le vieux quartier.
-Explique-moi ?
-Cette ville, cette émission, c'est la fin de l'Occident, l'ouverture vers un monde d'hérétiques. Regarde. Les hordes barbares ont envahi cette île, tout à coup, comme ça... Alors que tu le sais très bien... Ces... Macaques... Ne sont pas assez évolués pour pouvoir mettre en œuvre un plan d'invasion à grande échelle comme ça... Il y a quelqu'un au-dessus de tout ça, qui chapeaute tout. Ce vieux Juif de propriétaire se fait un pognon phénoménal en faisant crever la jeunesse Européenne sur une île-prison où la liberté n'est qu'une illusion. Tous carburent à la drogue et la malbouffe, c'est la dictature de la consommation à outrance, le tout surveillé par des caméras, retransmis en direct dans le monde entier !
-Je connais notre combat, Drake. Dis-moi ce que l'on recherche.
-Le Saint-Graal.

Je lève un sourcil interrogateur.
-Ah oui ? Rien que ça.
-Ce ne peut être que ça. Il n'y a rien d'autre qui puisse donner un tel pouvoir à cet homme. Il contrôle les masses, il a une emprise totale sur les foules, c'est le maître du monde ! On doit retrouver le calice contenant le sang du Christ. La Chrétienté ne pourra pas se relever d'une telle abomination. Le Vatican II est corrompu par la Franc-Maçonnerie, il joue le jeu de cette être immonde. Le diable. Satan contrôle le Monde, Blasi. Et il a pignon sur rue dans cette ville.
-Et où penses-tu qu'il se trouve ?
-Ici même. Dans le vieux quartier. Le cœur de la ville. Regarde.

Il me tend une vieille carte jaunie dont les coins sont bouffés par les rats.
-Regarde ce que j'ai trouvé.
-On dirait un plan.
-C'est le plan. Le plan des catacombes de la vieille ville, datant de 1805. Regarde ! Me dit-il, l’œil brillant.
-Il y a des catacombes ici ?
-Oui ! Moi aussi ça m'a paru hallucinant, j'ai trouvé ça dans un coffre, le grenier de la maison familiale regorge d'archives. Il faut qu'on le cherche, et qu'on le trouve, avant le Jugement Dernier, Blasi. Tu es avec moi ?
-Je suis avec toi, Drake.

Des catacombes dans cette ville. C'est peut-être bien ce que je cherchais, la clé à tous ces mystères.
-On va se diviser les tâches, on aura plus de chance de trouver. Dis-je à Drake.

Il y a, tout au bout de ces souterrains, une petite crypte. Peut-être ce que je recherche est-il là-dedans.
-Je prendrai l'aile est. Jarl et toi, vous n'avez qu'a aller à l'ouest.
Drake garde les yeux baissés.
-Blasi.
-Oui ?
-Qui est-ce qui commande ici ?
-C'est toi, Drake.
-Alors dis-moi... De quel putain de droit tu te permets de me donner des ordres ! JE suis de sang noble, tu n'es qu'un écuyer, Blasi ! Je suis ton maître ! Je suis le comte Drake de Lanscar, ne l'oublie pas !
-Excuse-moi, Drake.

Il jette un œil à la carte.
-Bien. En revanche, ton idée n'est pas bête. Donnons-nous rendez-vous ici même, à dix-sept heures.

Il est onze heures du matin. Ça ne me laisse pas beaucoup de temps compte-tenu de ce que je cherche.

Nous nous séparons. Jarl et Drake se dirigent vers la plage. Mon entrée à moi est sous une vieille grange au cœur de la vieille ville.

Je pénètre dans la trappe, et me voilà dans un couloir très étroit, un petit boyau qui sent le bois mort et l'iode.
J'avance dans l’obscurité la plus totale. Cela me rappelle mon stage commando.

J'arrive dans un couloir un peu plus grand, et éclairé par des torches fixées au mur. Qui a bien pu les mettre ? Peut-être sont-ils encore là. Je dois avancer discrètement.

Les murs sont recouverts de crânes et d'ossements, et une chose est sûre : il y a beaucoup plus de restes humains qu'il n'y avait d'habitants dans le village. A qui appartiennent ces os ?

Trop de questions, j'espère trouver la réponse au bout de ce labyrinthe.

Il n'y a pas un bruit autre que mes pas sur le sol froid des catacombes.
Il faut que je me souvienne du plan, ne pas me perdre. Je n'ai ni carte, ni boussole. Il sera très dur de revenir sur mes pas

Je passe plusieurs heures à essayer de trouver la crypte. Parfois, je crois reconnaître une pièce où je suis déjà passé, parfois, je n'ai aucune idée de l'endroit où je suis. Comme si je tournais sur moi-même, dans un état de schizophrénie. Pendant plusieurs heures angoissantes, je marche, me tourne et me retourne.

Au sommet du désespoir, pensant mourir ici, sous les milliers d'habitants de l'île, je me résigne. Lorsque j'y arrive. La fameuse crypte, dernière pièce du puzzle, dernière parcelle du labyrinthe.

Celle-ci n'est pas éclairée. Je saisis une torche du mur.

Il y a bien ce que je cherchais. Des centaines de caisses de munitions et d'armes de guerres y sont entreposées. Je dois maintenant trouver un point de sortie.

La lumière du jour filtre au bout d'un couloir. Je m'y rends en courant. Après avoir emprunté un étroit escalier, je suis dehors, sorti d'une dune d'herbe et de sable juste en face de la plage. Je grimpe sur la dune et me retrouve face à la ville. La grande, la belle ville et ses gratte-ciel.

J'ai tout ce qu'il me faut. Je regarde ma montre. Dix-huit heures. Drake et Jarl doivent me chercher. Le dernier train de la semaine part dans vingt minutes. Il faut que je m'y rende.

Quand Drake s’apercevra qu'en plus d'arriver en retard, j'arrive les mains vides, il me fera la peau.

Je part en courant en direction de la gare. Je pénètre sous les tunnels de verre, bouscule la foule. Plus que dix minutes avant le départ du train.

Au milieu de la populace, je vois Drake et Jarl qui me cherchent du regard. Jarl me repère et me désigne du doigt. Ils se lancent tous les deux à ma poursuite.

Je cours dans le grand hall, en direction des quais, sous l'enveloppe angoissante de l'eau.

-Reviens ! Reviens sale traître ! Hurle Drake.

Les portes du train vont se refermer. J'ai juste le temps de sauter dans le wagon avant qu'elle ne claquent. Jarl poursuit la rame qui démarre en mettant des coups de poing dans le verre.

Me voilà de retour sur le continent.

Dans mon unité.

-Mon capitaine.
-Sergent. Vous arrivez avec de bonnes nouvelles ?
-J'ai trouvé la cache d'armes rebelle.
-Rien que ça ? Et où est-elle ?
-Oui mon capitaine. Dans les catacombes de la vieille ville Et leur soulèvement semble imminent.
-Ok... Je préviens l'état-major. C'est le seul élément qu'il nous manquait pour intervenir. Vous, allez vous changer, et commencez à préparer votre paquetage, on va avoir besoin d'un guide sur place.
-Bien pris.




Deux jours plus tard. Je suis sur un Zodiac à moteur avec mon groupe de reconnaissance. Il est onze heures du soir. D'ici quelques minutes, nous accosterons sur la plage, en silence.

Lorsque nos embarcations touchent le sable, nous en descendons et les planquons dans des fourrés. Nous nous installons en surveillance face à la ville, en attendant d'avoir de nouveaux ordres.

A trois heures du matin, ça tombe : partir en éclaireur dans la ville en attendant le gros de la troupe.

Je sais où se trouvent toutes les caméras de surveillance, comment faire pour les éviter, pour éviter de se faire prendre, se faire voir. Personne ne sait que nous sommes là. Personne ne sait que l'armée va prendre le contrôle de cette île devenue une menace terroriste réelle. Une cocotte minute sur le point d'exploser, une vraie bombe à retardement remplie d'armes lourdes et de malades qui ne demandent qu'a s'en servir.

Nous avançons prudemment au cœur de la vieille ville. En silence. Serrant fort nos pistolets-mitrailleurs et fusils d'assaut contre nous.

Soudain, une rafale part depuis un fenêtre. Et une autre, d'une seconde fenêtre. En un instant, nous sommes plongés dans un déluge de feu, à moins de cinquante mètres de nous plusieurs mitrailleuses nous crachent tout ce qu'elles ont. On essaye de répliquer.

D'un coup, je comprends. Je comprends tout.

Tout était prévu. Absolument tout. Ils ne faisaient pas que nous attendre : ils nous ont fait venir. Ces armes de guerre, cette vraie-fausse planque, ces catacombes. On s'est joués de nous. Nous sommes actuellement en train de passer en direct, devant des millions et des millions de téléspectateurs, qui se régalent de voir cette scène de guerre sur leurs écrans, dans une ville devenue Sodome et Gomorrhe pour leur plus grand plaisir. Où comment redonner vie à une émission qui perdait de sa popularité, en envoyant un grand coup de fouet, faire un énorme buzz dans le déni de la vie humaine.

J'ai enquêté durant des mois, puis j'ai mené tout mon groupe droit dans la gueule du loup. Comment n'ai-je pas pu m'en rendre compte plus tôt.

Un projectile me frappe dans le sternum. Le gilet-pare balles ne l'a pas arrêté. Je m'écroule sur le dos dans un souffle rauque.

Dans ce monde, la vie n'a plus aucune valeur. Je me rends compte seulement maintenant que cette île n'était que notre société en réduction.


Commentaires