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Le jour où je suis devenu prof !


Par : Salmanzare
Genre : Sentimental
Statut : Terminée



Chapitre 7


Publié le 03/07/2009 à 16:12:06 par Salmanzare

Allongé sur le sable chaud d'une plage normande, je regarde les nuages. Il fait beau aujourd'hui. Je n'ai pas cours le mercredi alors j'en profite. Qui s'en priverait ? N'avoir qu'une classe à sa charge laisse pas mal de temps libre.

Il n'y a presque personne. Juste un petit couple de vieux qui se tiennent par la main en longeant la mer. J'en serais où, moi quand j'aurais leur âge ? Je ne m'imagine pas mon futur... Seul, je sens la mélancolie s'insinuer et me laisser rêveur. Ça va faire plus de trois ans que j'erre sans but, et pour combien de temps encore ?

Je me relève pour m'asseoir. Non, à présent : je suis professeur principal ! Et j'ai une classe qui compte sur moi. Je n'ai pas le droit de m'apitoyer sur mon sort, je suis adulte maintenant. J'ai des responsabilités. Qu'est ce que je fais là encore ? Je perds mon temps. Je suis vivant, c'est tout ce qui importe !

C'est en rentrant dans ma ville que je la croise. Sceptique, je gare ma voiture. Sort de ma poche, mon emploi du temps froissé que je quitte plus et vérifie deux fois. Pas de doute possible, c'est bien un de mes élèves qui sèche ! Mon rôle de prof me dit que je dois la mettre dans le droit chemin et l'aider. Mais d'un autre côté, je suis pas responsable d'elle. C'est pas mon problème, de plus je suis pas censé travailler aujourd'hui.

Bon sang ! Au diable mon repos. Je suis prof principal 24h sur 24 ! C'est mon devoir de l'aider. Je sors de la voiture et commence à courir derrière elle. Elle ne me remarque qu'au moment où je lui touche l'épaule et la tire doucement vers moi.

- D'habitude, les garçons sont plus doux avec moi Monsieur Jack.
- Je suis plus un petit garçon Camille.
- Vous allez me faire la morale ? C'est inutile...
- T'es grande pour savoir ce qui est bien pour toi, non ? Faire la morale, c'est pas trop mon truc.
- Alors vous pouvez me laisser.

Je regarde Camille. C'est une jolie brune, pas très grande et un air de petite peste. Elle est teigneuse, ça se voit dans ses yeux. Mais elle a l'air d'une fille normale. Qu'est ce qui peut bien pousser une de mes élèves à sécher ? A part le fait de ne pas aimer l'école.

- Tu ne te sens pas bien dans la classe ?
- Me faîtes pas rire, il n'y a aucun lien dans cette classe. - Personne n'a de vrais amis. Et puis la majorité sont des têtes, à part une ou deux exceptions. On va tous faire une brillante carrière, la majorité sera pistonné par des parents. Pourquoi se fatiguer, tout est déjà tracé. J'ai pas besoin d'étudier puisque je sais ce que je vais devoir faire !
- Devoir faire ? Personne t'oblige. Tu es maître de ta destinée ! C'est à toi de faire ce que tu veux de ta vie. Tu possèdes quelque chose d'incroyable : le libre arbitre !
- Je ne sais pas dans quel monde utopique vous vivez Monsieur. Mais ici bas, personne ne fait ce qu'il veut. Vous êtes un idéaliste inutile et vous finirez par vous écraser par quelqu'un de plus grand que vous. Vous aurez mal, vous vous lamenterez et alors seulement vous les verrez : les fils au dessus de votre dos ! Vous n'êtes qu'une marionnette qu'on agite de temps en temps.

Elle vient de me souffler. Que répondre à une telle tirade ? Elle est triste, ses yeux se mouillent. Je sais pas quoi faire. On ne m'a jamais formé pour ce genre de cas. Je suis qu'un prof de français au départ. Je me sens inutile. Pourquoi suis-je sorti de cette voiture !

Elle pleure doucement. Je la prends dans mes bras et la serre. Essayant de lui communiquer de la chaleur, de lui montrer qu'elle compte. Qu'elle n'est pas rien. Les larmes glissent le long de ses joues pour venir s'écraser contre ma chemise.

- Camille, tout va bien. Tu n'est pas une marionnette. Tu existes, tu as ta propre existence. Ne laisse personne dire le contraire. Tu n'es pas une poupée.
- Vous croyez vraiment ce que vous dites ?
- Évidemment, je suis prof. Je ne dis que la vérité.
- Vous n'êtes pas un prof comme les autres... Vous êtes mieux...

Je ne réponds pas. Elle me réchauffe le coeur. Finalement, nous avions tous les deux besoin de l'autre. Je reste là un moment à la serrer dans mes bras. Autour de nous, les piétons nous contournent en nous regardant bizarrement.

- Je vais te ramener chez toi.

Mouvement de panique dans les yeux de la jeune fille. Je sens sa main agripper mon poignée, elle lève la tête vers moi. Les yeux pleins de désespoir, ça me submerge.

- Pas chez moi s'il vous plaît.
- Pourquoi ?
- Je ne me sens pas bien. Mes parents se disputent en permanence. Ils vont divorcer, sont en procès pour savoir qui aura ma garde. Ils décident pour moi où je dois habiter. Ils ont déjà décidé que je serais médecin. Il est où le libre arbitre ?
- Je vais aller leur parler.
- Monsieur, laissez moi venir chez vous !
- Je peux pas, c'est pas déontologique. Ça causerait des problèmes.
- J'en parlerais à personne.
- On va d'abord aller voir tes parents.
- Aidez moi Monsieur. Je veux pas y retourner...

Qu'est ce que je peux lui dire ? Que ça va s'arranger ? Ça ne s'arrange jamais. On grandit tous en se prenant des problèmes de plus en plus gros dans la tête. Dire que demain sera meilleur alors que je n'y crois pas ? J'ai pas foi dans l'humanité... Je peux quand même pas la briser une seconde fois. Quel genre d'homme suis-je ?

Aide moi Onizuka ! Tu ferais quoi à ma place ?

Camille me regarde, implorante. Une mèche brune et bouclée cache à présent ses yeux. Elle va mal. Et je pourrais pas l'aider parce que je suis prof ? Elle demande juste un toit ! Mais je risque de me faire virer si on apprend que j'héberge une élève.

Que faire ?


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