14 heures. Le soleil est au plus haut, la tiédeur du matin a fait place à une chaleur lourde. Déjà, le ciel se charge de nuages, innocents pour l'instant. Mais avant la soirée, la pluie tombera. C'est une certitude.

Ladia venait de prendre la tasse de café entre ses mains. Elle avait accepté sans rien dire quand je lui en avait proposé. Le café est chaud, alors on attend un peu de le boire. Sur la table basse laquée blanche, une assiette de macarons à la pistache. Elle en prend un, le mange, sans rien dire.
Mais moi je la regarde un peu. Elle ne parle pas beaucoup, c'est vrai. Maintenant que le repas est terminé, je sais juste qu'elle est née à Gdansk, il y a 22 ans. Elle est venu ici pour fuir la misère. Mais cela, elle n'a pas voulu le dire. Trop de honte pour elle, surement.
On boit le café. Sans rien dire. Je me resserre une tasse, elle décline.
- Ladia, tu veux te reposer ?
- O ... oui, Jonas.
Je lui ai dit mon prénom. Elle s'en souvient bien.
- Je n'ai pas encore préparé ton lit. Tu peux t'allonger là, si tu veux.
- Merci.
Et elle s'exécute. En boule, comme d'habitude. De peur qu'on abuse d'elle. Mais jamais je ne la toucherais ainsi. Trop de malheur comme ça.

Même si oui, j'ai pensé lui faire l'amour. Sa beauté brune, aux yeux noirs et aux lignes fines, presque planes. Mais je ne me le pardonnerais pas. Dieu seul sait ce qu'elle a vécu. Et je ne veux pas ça pour elle. Je veux juste qu'elle vive libre. Qu'elle soit heureuse.

Discrètement, je m'éclipse sur la terrasse. Je sors une cigarette de son étui, l'allume. La fumée rempli mes poumons, ça m'évite de trop réfléchir aux risques que je viens de prendre. A cette probable connerie. Au futur.

Ouais, ce futur improbable. Je ne saurais jamais ce qu'en pense Ladia. Je l'aime trop pour être son compagnon. A peine son protecteur.

Si seulement un jour, elle pouvait s'en rendre compte ...