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Séduction


Par : Salmanzare
Genre : Action
Statut : C'est compliqué



Chapitre 1 : Ébauche du sentiment


Publié le 28/08/2011 à 22:19:12 par Salmanzare

- Vous semblez bouder ? Vous aussi vous vous ennuyez ?

Les quelques mots claquent l'oreille du garçon et le font sortir de sa rêverie. De l'ennui ? Peut-être un peu après tout. Il arrache son regard du gâteau coincé au fond de la salle et le reporte sur la demoiselle. Son âge visiblement, pas très loin en tout cas, et plutôt jolie même. Coquette, elle replace une mèche rousse derrière son oreille et baisse timidement les yeux.

- Excusez moi, je ne voulais pas vous déranger.

Il sourit. Repousse son carnet un peu plus loin et rebouche son stylo-bic. Avec des airs de petite routine, il range celui-ci dans la poche intérieure de sa veste. L'opération mené à son terme, il peut enfin consacrer sa pleine attention à l'inconnue.

- Ne vous inquiétez pas, j'étais ailleurs.
- Je vous vois lorgner sur le gâteau depuis tout à l'heure. Vous êtes affamé ?
- On peut le dire ainsi. J'hésite à me faufiler dans les cuisines et piller les placards. Mais ça ne serait guère convenable non ?
- Mais assez amusant pour le faire tout de même, réplique-t-elle aussitôt ?

Il hésite à ressortir son stylo de la poche. L'inspiration est soudainement revenu. Les mots se pressent dans la tête, s'il ne le fait pas tout de suite pourra-t-il encore les coucher sur le papier dans quelques minutes ? Rien n'est moins sûr. Mais elle, elle intrigue. Assez pour que le bras retombe discrètement sur la table. Un mouvement amorcé inaperçu.

- Je ne vous ai jamais vu. J'imagine que vous êtes de son côté à elle alors ?
- Et vous du sien ?
- Je l'ai rencontré juste après le lycée. Ca fait maintenant cinq ans qu'on se connaît. Ca me semble déjà une éternité. Il a bien changé.
- Vous ne me demandez pas mon nom ?
- J'imagine qu'il le faut maintenant que la conversation est engagé. Comment vous appelez-vous ?
- Manon.

Le garçon relève la tête vers Manon. Intrigué à présent. Il la dévisage quelques secondes. Sans doute trop car elle se mord la lèvre inférieure nerveusement.

- C'est amusant. En hébreu, ça veut dire « celle qui élève ».
- Amusant ?
- Demandez moi donc mon prénom ?
- Comment vous appelez-vous ?
- Jérémie.
- Je ne saisis pas.
- En hébreu, ça veut dire « Dieu élève ». La coïncidence est suffisamment amusante pour être souligné non ? Nous nous retrouvons côte à côte, sans nous connaître, et déjà nos prénoms tendent à nous rapprocher. Je conviens que dit ainsi, ça fait drague de supermarché. Mais on sait très bien qu'on est pas à cette table pour rien.
- Je croyais qu'il était de coutume de faire semblant de l'ignorer, dit Manon avec moquerie.
- J'aime pas trop les conventions sociales. Je me sens déjà assez mal dans ce costume impeccable et coiffé correctement. Mais on m'a obligé de faire un effort pour l'occasion.
- Pauvre jeune homme, continue-t-elle de se moquer.

Jérémie se renfonce dans sa chaise et sort son stylo. Il griffonne quelques mots dans son cahier tout en relançant la conversation.

- En tout cas, nous voilà tout deux assis à la table des irréductibles célibataires qu'on essaye de caser. A notre époque, c'est presque un statut honteux passé un certain âge. Nos amis rêvent maintenant plus de double rendez-vous à un brunch qu'une soirée alcoolisée pleine de débauche. On est les derniers gamins de la bande en somme.
- C'est une façon de voir les choses.
- On se tutoie, propose Jérémie ?

Et Manon acquiesce d'un signe de la tête.

- Qu'est-ce que tu fais dans la vie, demande-t-il ?
- Je finis ma dernière année de lettres modernes. Je n'ai aucune idée de ce que je ferais après. C'est le grand drame de ma vie. Je suis une fille complètement paumée en ce moment.
- C'est mignon.

La salle devient plus fébrile derrière. Au loin, le marié et sa compagne s'approche de la grande pièce montée pour la trancher. Les deux petits personnages sont destitués de leur trône et le grand couteau plonge dans la crème glacée. Le marié propose la première part à la mariée. Elle croque dedans à pleine dent, le sourire étincelant d'une femme heureuse. Dans cet instant précis, elle est sublime dans sa robe blanche. Les applaudissements éclatent de toute part.

- Je n'aime pas trop ce garçon. Enfin, c'est la première fois que je le vois mais il me semble orgueilleux. Tellement sûr de lui.
- Qu'Arthur se marie, c'est le monde à l'envers ! Je n'en revenais pas en recevant l'invitation. Pas de nouvelle depuis six mois et voilà que je reçois un carton me disant qu'il va passer son doigt dans une bague. Pour un garçon prônant le libertinage et se défendant de toute attache sentimentale, c'était incompréhensible. Je suis surtout venu par curiosité. Comment est-elle ?
- Sophie est une rêveuse. Elle n'a pas les pieds sur terre. Si ton ami la fait souffrir, je lui couperais les couilles.

Jérémie éclate de rire.

- Au moins, les choses sont définies.

Les deux se regardent. Aucun ne baisse les yeux cette fois-ci. Il se rapproche alors. Assez pour se trouver à quelques centimètres de la bouche de la jeune fille. La respiration de celle-ci devient plus fébrile.

- De plus près, tu es encore plus jolie. Ce doit-être tes yeux verts qui font ça, murmure-t-il.

Il se rapproche encore. Et son c½ur également se met à accélérer à mesure de son avancé. Encore un peu et leurs lèvres s'effleureront. Mais il ne va pas aussi loin. Il s'arrête à quelques millimètres.

- Et toi, tu fais quoi dans la vie demande-t-elle ?

Il se recule et montre du doigt son carnet rouge en faisant une moue légère. Il ne semble pas trop quoi savoir répondre.

- J'écris. En tout cas j'essaye.
- Et ça marche bien ?
- Je commence des centaines d'histoire. Mais je ne finis jamais. Je bloque toujours passé le début. J'ai des milliers d'univers en attente, des personnages qui attendent de retrouver leur souffle en vain.
- C'est étrange.
- Plutôt oui.
- Tu as peut-être peur au fond d'aller au bout d'une histoire. De mettre un point final sur celle-ci. Ou alors tu n'as encore vécu aucune histoire qui mérite la peine d'être raconté. Ce qui explique que tu sois incapable d'écrire quelque chose de satisfaisant.
- C'est possible oui.
- Mais tu es peut-être tout simplement un écrivain raté qui s'obstine à vouloir écrire alors que tu n'en feras jamais rien.
- C'est d'un optimisme à toute épreuve.

Manon se tourne vers le couple tout juste marié.

- Ils vont bien ensemble malgré tout. Je ne l'avais pas vu sourire autant depuis longtemps.
- Alors tu ferais bien de laisser à Arthur ses attributs.
- Nous verrons répond Manon avec amusement. Il semble tout de même être un peu con.
- Je te laisse. Je dois aller faire un petit discours. Je suis son témoin après tout.


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